«Encore une fois, l’Etat doit intervenir pour corriger les erreurs de banquiers»
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AbonnéEntre sidération, colère et inquiétudes, le monde politique suisse accuse le coup à l’annonce de la reprise de Credit Suisse par l’UBS. Sous la coupole fédérale, ils sont nombreux à demander un débat sur la régulation des marchés financiers

Le monde politique suisse est sous le choc. Les réactions sont fortes à la suite de l’annonce du rachat historique de Credit Suisse par UBS, une opération encore inimaginable il y a quelques jours. «Cette affaire dépasse l’entendement, c’est juste triste et, il faut l’avouer, honteux», confie le conseiller national PLR Olivier Feller. «Honnêtement, je pensais que la ligne de crédit de 50 milliards de la BNS permettrait de restaurer la confiance en la banque, mais les clients et les investisseurs n’y croyaient plus, aussi parce que le management du Credit Suisse était défaillant depuis longtemps. Tout s’est incroyablement accéléré en quelques jours»
Nous n’avions pas besoin d’une crise supplémentaire.
Membre de la Commission de l’économie, le Vaudois estime qu’il faudra mener un débat sur les questions de surveillance et de régulation. Mais dans l’immédiat, il s’inquiète des impacts sur le personnel et sur l’image de la Suisse à l’étranger. «C’est certain, dans une période où nous avons été frappés par plusieurs crises, nous n’en avions vraiment pas besoin d’une supplémentaire», termine Olivier Feller.
Notre suivi en continu: Credit Suisse est racheté par UBS au terme d’un accord historique
A gauche de l’échiquier, c’est également la sidération. «Choqué, outré… Je crois n’avoir que rarement été aussi énervé et déçu, fulmine le conseiller national socialiste Samuel Bendahan, qui peine à trouver ses mots. Mais comment a-t-on pu laisser la situation se dégrader à ce point?» Les conditions de la reprise révoltent particulièrement le Vaudois, membre de la Commission de l’économie. «Quand il s’agit d’AVS, de pouvoirs d’achat, de soutenir les plus précaires, il n’y a jamais d’argent, poursuit-il. Et là, la Confédération vole au secours d’une grande banque dont le management a failli avec des moyens colossaux, alors que les employés feront les frais d’une restructuration.»
Le plus choquant, aux yeux du socialiste, c’est que l’Etat prend un risque énorme dans cette opération de sauvetage.
Pour Samuel Bendahan, «la population suisse ne comprendra pas». «Le plus choquant, aux yeux du socialiste, c’est que l’Etat prend un risque énorme dans cette opération de sauvetage et que s’il y a au final des bénéfices, c’est l’UBS qui en profitera, une banque qui a été sauvée par les collectivités publiques il y a quinze ans.»
«Un message envoyé au monde»
«C’est une catastrophe», abonde en ce sens le conseiller national Vert Gerhard Andrey. La réglementation too big to fail que nous, les Vert·e·s, voulions renforcer par exemple avec la séparation des activités bancaires, mais que la majorité bourgeoise a jugé suffisamment bonne, a failli. Même si la situation demeure différente de 2008 et du sauvetage d’UBS, on en revient au même point. L’Etat doit intervenir, prendre des risques, pour corriger les fautes graves de managers dont les décisions n’ont cessé de fragiliser la banque depuis une dizaine d’années.»
Membre de la Commission des finances, le Fribourgeois en appelle à responsabiliser davantage les cadres supérieurs des établissements financiers. Il avait d’ailleurs fait accepter un postulat dans ce sens en mars 2022. «Les événements de ce week-end donnent une nouvelle ampleur à ma demande», souligne l’écologiste. Pour lui, il y va de l’intérêt du pays. «Le fiasco du Credit Suisse, c’est un message envoyé au monde. Il dit que nous ne sommes plus très forts dans l’activité que nous, les Suisses, sommes censés faire tellement bien, c’est-à-dire la gestion financière», dit Gerhard Andrey.
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De son côté, le conseiller national UDC Manfred Bühler se montre moins sévère que ses collègues. Il se déclare «raisonnablement content» de la solution trouvée. «C’est certainement la moins mauvaise», note le Bernois, membre de la Commission des finances, en comparaison avec les pistes évoquées d’une reprise par un établissement financier étranger, voire d’une nationalisation. «Je regrette évidemment qu’il ait fallu en arriver là, mais le Conseil fédéral n’avait pas d’autre choix que d’intervenir, vu l’importance systémique de Credit Suisse. Les sommes sont importantes, mais nécessaires», poursuit Manfred Bühler, qui craint néanmoins les conséquences pour le pays de ne compter plus qu’une seule banque de cette envergure.
«Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les entreprises qui ont besoin d’un minimum de concurrence.» Il ne s’attend pas forcément à un trop grand dégât d’image pour la Suisse. «Si la Confédération et la place financière montrent qu’elles savent collaborer, l’accord trouvé ce dimanche permettra de restaurer rapidement la confiance des marchés financiers», veut croire Manfred Bühler.