Chemin de croix
La filiale suisse du groupe britannique est maintenant en position de le faire, après un long chemin de croix. Fin 2007, elle était le cinquième gérant de fortune de Suisse, avec plus de 180 milliards de francs d’avoirs sous gestion. Vue de 2018, sa rentabilité d’alors paraît irréelle: 800 millions de francs de bénéfice avant impôt, et un ratio coûts-revenu proche de 50%. Son directeur général d’alors, Peter Braunwalder, ne croyait pas si bien dire en octobre 2008, au moment de transmettre le flambeau à Alexandre Zeller: «Je pars au bon moment.» Il faisait référence au durcissement du contexte fiscal international. C’est toutefois un autre séisme qui fera chavirer la banque.
Deux mois plus tard, l’informaticien Hervé Falciani fuyait en France, avec les données de milliers de clients. Le scandale SwissLeaks était lancé, avec perquisitions à Genève en 2015 et amendes en Suisse, en France et aux Etats-Unis (pour d’autres raisons). Le secret bancaire tombe début 2009. La gestion de fortune suisse doit se réinventer. C’est en 2010 qu’arrive un «nettoyeur», en la personne de Franco Morra, un ancien d’UBS surnommé «Fusil mitrailleur» (pas seulement à cause de ses initiales).
Bateau stabilisé
HSBC Private Bank choisit alors de limiter le nombre de marchés couverts, qui passe de 150 à une vingtaine, dont la Suisse. Le segment de clientèle visé est relevé: les fortunes composées d’au moins 5 millions de dollars à investir. La banque est en conséquence sévèrement redimensionnée, pour gérer 52 milliards de francs fin 2017 et employer actuellement un millier de collaborateurs à Genève. Fin 2012, la banque comptait 2556 collaborateurs, y compris dans ses filiales de Zurich, Lugano, Guernsey, Hongkong et Singapour. L’établissement arrive aujourd’hui au bout de son pensum judiciaire, la justice américaine devant encore la sanctionner pour avoir aidé, comme d’autres établissements suisses, des contribuables américains à frauder.
Le bateau a été stabilisé, il doit maintenant augmenter sa vitesse de croisière et retrouver la sérénité. Le nouveau capitaine affiche un profil beaucoup plus posé que son prédécesseur. Sa nomination marque un retour aux sources pour Alex Classen, qui a commencé sa carrière en 1985 chez Pictet à Genève, avant d’occuper le rôle de directeur régional pour l’Asie pendant cinq ans. Il dirige ensuite Goldman Sachs Bank à Zurich puis supervise la gestion de fortune européenne de Morgan Stanley depuis Londres. Il prend ensuite la tête de la gestion de fortune internationale de Coutts, filiale de Royal Bank of Scotland, jusqu’à ce qu’UBP en acquière les actifs en 2015.
Nationalité suisse, solide expérience de la gestion de fortune, notamment en Asie et avec des banques anglo-saxonnes: tous les prérequis semblent assurés pour ce banquier que nous avions rencontré chez Morgan Stanley. Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle HSBC Private Bank a mis toutes les chances de son côté. Comme dans l’ensemble des établissements, les économies ont été effectuées, mais elles ne sont pas infinies. Il faut aussi développer les affaires, ne serait-ce que pour compenser l’explosion des coûts de ces dernières années. Embrasser les nouvelles technologies serait également vital.
Dans cette configuration, HSBC Private Bank possède l’immense avantage d’être aux mains d’un des plus grands groupes mondiaux, avec 38 millions de clients et près de 3800 bureaux dans 66 pays et territoires. Une marque ultraforte aussi en Asie et dans les pays émergents en général, notamment dans le financement du commerce. HSBC Private Bank peut et doit (re) devenir l’une des locomotives de la place financière genevoise.