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Les entreprises suisses cotées en bourse devraient verser quelque 37 milliards de francs à leurs actionnaires au titre de l’exercice 2016, un niveau proche de l’an précédent. Le rendement des dividendes est un critère à utiliser avec précaution par les investisseurs

En 2017, les dividendes distribués par les grandes entreprises suisses à leurs actionnaires devraient à nouveau s’approcher du montant record de 37,4 milliards de francs atteint l’an dernier. Début janvier, le bi-hebdomadaire Finanz & Wirtschaft tablait sur une somme de 37,7 milliards de francs versée au titre de l’exercice 2016 par les 20 plus grandes entreprises inclues dans l’indice SMI.
Plus prudent, Pascal Seidner, gérant du fonds Swiss Dividend Fund chez zCapital, n’anticipe pas qu’un nouveau record soit battu cette année. Il prévoit une somme «de près de 37 milliards de francs». Ce montant, inférieur à certaines estimations qui ont circulé depuis l’automne dernier, s’explique par certaines annonces effectuées lors de la publication des résultats annuels pour 2016.
Ainsi, UBS ne versera que 60 centimes au titre de l’exercice 2016, comparé à 85 centimes un an plus tôt en incluant un dividende extraordinaire. «Cela représente une différence de 900 millions de francs», calcule l’expert. De même, Syngenta ne versera pas de dividende ordinaire à ses actionnaires cette année suite à l’offre de rachat sur le groupe bâlois faite par le chinois ChemChina, ce qui représente 1 milliard de francs en moins à inclure dans la balance.
Bond de 50% depuis 2009
Malgré tout, les quelque 37 milliards de francs de dividendes escomptés pour cette année représentent une hausse de 50% par rapport aux 25 milliards versés par les 20 sociétés du SMI en 2009. Nestlé et Roche devraient chacun verser plus de 7 milliards de francs à leurs actionnaires au titre de l’exercice écoulé. Parmi les autres poids lourds de la cote, Novartis ou ABB ont aussi accru leurs dividendes cette année. Hors SMI, les actions de certaines banques cantonales, à l’exemple de la BCV, avec un rendement dépassant les 5%, comptent aussi parmi les titres attrayants en termes de rendement des dividendes.
Substitut aux obligations
Compte tenu des faibles rendements des obligations d’Etat considérées comme sûres, voir négatifs en ce qui concerne les emprunts de la Confédération en Suisse, beaucoup d’investisseurs se sont précipités sur les actions de sociétés offrant des dividendes stables ces dernières années. Avec raison, comme le montre une étude de zCapital: le rendement moyen de l’ensemble des actions suisses inclues dans l’indice SPI atteint actuellement environ 3,4%, bien davantage que le rendement des emprunts d’Etat de la Confédération qui est, lui, légèrement négatif. «L’écart atteint plus de 3,5% entre les deux catégories. En Suisse, l’argumentaire d’investissement en faveur des actions à dividendes élevés plutôt que les obligations reste intact actuellement», estime Pascal Seidner.
La remontée des taux d’intérêt n’inquiète pas
La remontée graduelle des taux d’intérêt, observée en particulier aux Etats-Unis, ne risque-t-elle pas de diminuer à terme l’attrait pour les actions de sociétés offrant des dividendes élevés? Le gérant de fonds distingue deux phases: dans un premier temps, une hausse des taux directeurs exerce une certaine pression sur ces titres. «Dans cette phase, les actions à dividendes élevés tendent à sous-performer», explique-t-il. Dans une seconde période, cette catégorie de titres tend aussi à profiter aussi de la tendance à la hausse des taux d’intérêt. Explication: «Une hausse des taux d’intérêt survient généralement dans une phase de reprise de l’économie. Les bénéfices des entreprises tendent à augmenter. Dans ce cas, les actions des sociétés qui reversent une part élevée de leurs bénéfices sous forme de dividendes redeviennent attrayantes», poursuit le spécialiste.
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Sur quelle base sélectionner des titres? Le rendement des dividendes – soit le dividende divisé par le cours de l’action – est un critère utile mais qui est à prendre avec précaution. En effet, si un titre perd beaucoup de sa valeur suite à une série de nouvelles négatives, son rendement des dividendes peut, optiquement, sembler attrayant. Mais si la société réduit ensuite les montants versés durant les exercices suivants, le rendement des dividendes fondra alors rapidement.
Des moyennes capitalisations généreuses
L’approche de zCapital combine, d’une part, une stratégie axée sur la valeur («value»), qui tient compte du rendement des dividendes comme un critère clé, à quoi s’ajoute la régularité de tels versements. Dans cette catégorie, l’expert cite typiquement des sociétés comme APG, Cembra Money Bank, Mobilezone ou Burkhalter comme étant des titres offrant un rendement des dividendes attrayant.
D’autre part, le gérant tient compte aussi d’une stratégie de croissance («growth»). Cette approche consiste à sélectionner les actions d’entreprises qui augmentent continuellement le montant de leurs dividendes. Outre les géants Nestlé, Novartis et Roche, l’expert cite les exemples de Partners Group ou de Givaudan. Si ces deux dernières sociétés n’affichent pas le rendement des dividendes le plus spectaculaire – avec un niveau de l’ordre de 2,7 à 3,2% –, ces entreprises parviennent néanmoins à accroître les montants versés régulièrement.
Ne pas négliger l’aspect fiscal
L’aspect fiscal n’est pas à négliger. En effet, alors que les dividendes ordinaires sont soumis à l’impôt sur le revenu, les montants distribués à partir des réserves issues d’apports de capital des sociétés en sont exemptés. Depuis que cette possibilité existe, beaucoup d’entreprises helvétiques ont distribué tout ou une partie de leurs dividendes sous cette forme au cours des dernières années.
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En 2015, les entreprises suisses cotées en bourse ont reversé à leurs actionnaires des montants issus d’apports de capital à hauteur de 14 milliards. Un effet qui tend à s’estomper actuellement. Ainsi, de 2010 à 2015, Zurich Insurance avait chaque année versé 17 francs par titre issus de ses réserves d’apports de capital. Le versement d’un même montant qui sera proposé cette année aux actionnaires n’inclura que 5,7 francs qui seront payés à partir de ses réserves de capital. Outre les actionnaires, les collectivités pourront aussi se réjouir cette année de la manne versée par l’assureur, souvent considéré comme le champion en matière de versement des dividendes en Suisse.