La vigueur de l’euro pourrait faiblir
La chronique des changes
L’euro vient enfin de battre en retraite face à certaines devises. La poursuite, tout comme la généralisation, de la dépréciation de la monnaie unique dépend du bon vouloir de Mario Draghi et du comité de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), en réunion ce jeudi
L’euro vient enfin de battre en retraite face à certaines devises. La poursuite, tout comme la généralisation, de la dépréciation de la monnaie unique dépend du bon vouloir de Mario Draghi et du comité de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), en réunion ce jeudi. Cette réunion intervient alors que l’euro a atteint en juin son plus haut niveau depuis plus deux ans, face à un panier équipondéré composé des autres devises du G10, autrement dit les plus couramment négociées sur le marché des changes.
Vu de Suisse cependant, l’euro n’est pas particulièrement fort ces derniers temps. En effet, le taux de change EUR/CHF a récemment fait quelques incursions sous le seuil des 1,2300. Mais, face à de nombreuses autres devises de premier plan, un tout autre scénario s’opère. En effet, il y a de cela deux semaines, la monnaie affichait une vigueur insolente lors du coup de fouet donné au dollar par le comité des interventions monétaires de la Réserve fédérale américaine, qui évoquait alors un ralentissement de ses achats d’actifs dans les mois à venir.
La réunion de la BCE prévue cette semaine pourrait avoir une teneur radicalement différente de celle de début juin. A l’époque, Mario Draghi avait alors plus ou moins remis à plus tard une nouvelle initiative de politique monétaire, ce que le marché avait trouvé extraordinaire compte tenu du marasme économique dans lequel l’Europe se débat. Depuis lors, le contexte s’est durci, avec des emprunts d’Etat de divers pays à travers le monde qui se sont dépréciés face à la perspective d’une posture moins conciliante de la Fed. La hausse des rendements obligataires observée en juin après la forte poussée enregistrée en mai a – à nouveau – accentué la pression sur les pays de la périphérie de l’Union européenne et sur les banques européennes. Par conséquent, plus encore que la dernière fois, la balle est dans le camp de la BCE.
Je pense que Mario Draghi montrera cette semaine le visage adopté par le passé lorsque les marchés le poussent dans ses derniers retranchements – celui d’un banquier central volontariste à l’image de ses plus illustres confrères –, et ce malgré le contingent allemand au sein de la BCE qui entrave ses mouvements. On peut alors s’attendre à de nouvelles injections de liquidités, que ce soit sous la forme de nouvelles opérations de refinancement à très long terme assorties de taux d’intérêt particulièrement faibles, ou sous une autre forme inattendue. Je doute toutefois que l’idée d’une rémunération négative des dépôts trouve un véritable écho dans la mesure où les marchés obligataires moribonds pénalisent les banques.
Reste à savoir comment l’euro réagira. Or, cette réaction pourrait être riche en enseignements. Si la BCE repasse à l’offensive, on peut s’attendre à ce que l’euro baisse encore face au dollar américain. Cette issue serait logique car la BCE s’achemine vers une bienveillance accrue, tandis que la Fed laisse entrevoir un tour de vis. Mais, face au franc suisse, un nouvel assouplissement de la BCE pourrait avoir l’effet inverse: le franc pourrait alors se déprécier compte tenu du tarissement des flux de capitaux en quête de valeurs refuges qui l’ont soutenu.
* Analyste et stratège en devises auprès de Saxo Bank