Des prêts distribués trop facilement, à des gens peu solvables et qui finissent par ne pas rembourser. L’explosive recette du boom immobilier américain du début des années 2000 continue à être appliquée dans les emprunts permettant l’acquisition de véhicules. Résultat: des millions d’Américains ne remboursent plus – parfois dès la première mensualité, avec le risque que ces nouveaux «subprime» provoquent encore des dégâts considérables.

Wall Street n’a donc jamais abandonné ses vieilles recettes. D’un côté, des crédits sont distribués à des conducteurs qui n’en ont pas les moyens, moyennant des taux d’intérêt pouvant dépasser 20% et parfois grâce à des contrôles laxistes ou des maquillages de dossiers. De l’autre, les produits financiers complexes qui regroupent ces créances plus ou moins toxiques rapportent jusqu’à 6%. Une belle performance dans le contexte de taux d’intérêt proches ou inférieurs à zéro.

Surchauffe et défaut

L’industrie automobile connaît elle aussi une renaissance dorée, avec un record de 17,5 millions de véhicules vendus en 2016. Ce boom repose largement sur l’endettement, observe Shoaib Zafar, cogérant de deux fonds actions mondiales chez Syz Asset Management. Selon lui, 107 millions d’Américains ont contracté des prêts automobiles, représentant collectivement quelque 1200 milliards de dollars. Et environ 6 millions de ces conducteurs ont au moins trois mois de retard dans leurs remboursements. La surchauffe guette.

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Depuis 2010, les prêts automobiles ont connu 7,5% de croissance annualisée, ce qui est largement supérieur à celle de la dette (+1,1%) et du revenu disponible des ménages (+3,8%), observe Patrick Zweifel, chef économiste de Pictet Asset Management.

Autre élément inquiétant, le taux de défaut sur les emprunts automobiles a atteint le niveau de défaut sur les hypothèques lors de la crise immobilière, à environ 1%. La preuve que la situation sera bientôt hors de contrôle? Ce n’est pas un indicateur pertinent, tempère Patrick Zweifel, «car il mesure les défauts déjà enregistrés, avec parfois un retard important». Selon lui, «la part des prêts automobiles dans la dette totale des ménages reste inférieure à sa moyenne historique de 7,9%. Il faudrait qu’elle dépasse largement ce niveau pour qu’un risque de crise se matérialise.»

La taille compte

Le spécialiste ne croit pas à une réaction en chaîne comme il s’en est produit à partir de 2008, lorsque les emprunteurs les plus pauvres ont massivement arrêté de rembourser leurs hypothèques. Tout d’abord, le marché des prêts automobiles demeure beaucoup plus petit que celui de l’immobilier avant la crise. Le premier pèse 1116 milliards de dollars, dont 10 à 20% auraient été titrisés, selon différentes estimations, soit un maximum de 220 milliards. Dont la partie «subprime» pèserait 55 milliards de dollars. Contre 450 milliards de créances immobilières pourries en 2008.

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De plus, les ménages américains ont retrouvé une certaine solidité financière: «Leur endettement total a nettement diminué, passant de 132% du revenu disponible fin 2007 à 100% aujourd’hui, analyse Patrick Zweifel. Sans oublier qu’avec les taux d’intérêt bas, le service de la dette approche 10% du revenu des ménages, ce qui est un plus bas historique, contre 14% avant la crise.»

En outre, les actifs sous-jacents ne réagissent pas de la même façon, reprend Shoaib Zafar, de Syz: «Lorsqu'un certain nombre de maisons sont saisies dans un quartier, les prix de l’immobilier baissent automatiquement. Mais une telle contagion n’existe pas dans l’automobile: ce n’est pas parce que la voiture de votre voisin a été saisie que la vôtre perdra de la valeur.»

Risque industriel

Reste que des motifs d’inquiétude demeurent. «Entre les constructeurs et les sous-traitants, l’industrie automobile américaine représente près de 3% du PIB américain et un million d’emplois: si ce marché chute, l’ensemble de l’économie serait affecté», poursuit le gérant.

Ensuite, la remontée des taux d’intérêt américains augmentera mécaniquement les défauts de paiement. Avec davantage de voitures saisies à disposition sur le marché de l’occasion, les véhicules neufs risquent d’être moins attractifs. Enfin, les banques ont retenu les leçons de la première crise des «subprime», assure Joseph Dona, analyste senior chez NN Investment Partners à New York: «Des banques comme JPMorgan et Wells Fargo distribuent moins de prêts automobiles depuis plusieurs trimestres, tout en cherchant des emprunteurs de meilleure qualité.»