Fiscalité, main-d’œuvre ou mobilité: des entrepreneurs racontent les maux qui nuisent à l’attractivité de Genève
Sondage
Les décideurs sondés par la nouvelle Fondation pour l’attractivité de Genève lancée mercredi estiment que le canton accumule les «signaux négatifs» qui, in fine, pourraient mettre en péril le financement des prestations à la population

S’ils «raisonnent à long terme», c’est avec un «sens de l’urgence» face aux «signaux négatifs» qui s’accumulent que les animateurs de la nouvelle Fondation pour l’attractivité de Genève (FLAG) se sont présentés, mercredi 21 septembre, aux médias. Dans leur quartier général à Lancy, les fondateurs de cette structure se voulant «apolitique», destinée à «sensibiliser la population» à l’aide de faits, ont dévoilé les résultats d’une étude menée au printemps dernier auprès de 47 décideurs représentant 30 000 emplois dans le canton. La méthodologie et le questionnaire n’ont pas été rendus publics.
Il faut donc se contenter des conclusions, qui ne sont pas favorables: 76% des sondés jugent que Genève a perdu de son attractivité fiscale et économique, explique le directeur de la FLAG, Arnaud Bürgin. Pratiquement la même proportion considère qu’une hausse d’impôts les conduirait à envisager une délocalisation de leur activité, à l’étranger ou dans un autre canton.
Lire aussi: A Genève, la paix sociale s’effrite
Voilà qui sonne comme un avertissement au Conseil d’Etat qui a récemment approuvé le principe d’un relèvement de l’impôt sur la fortune. Car, avance Renaud de Planta, associé senior de la banque Pictet et membre du conseil de la FLAG, on ne peut pas dissocier la fiscalité des entreprises de celles des individus: en fin de compte, «ce sont les mêmes personnes» qui s’acquittent de l’impôt sur le bénéfice, les dividendes, la fortune et le revenu. C’est ce qui explique la «fragilité» de la pyramide fiscale, l’essentiel de l’effort étant fourni par un petit nombre de contribuables. Quelques départs significatifs suffiraient à menacer le financement des prestations de l’Etat.
Lire aussi: Nathalie Fontanet: «Le contre-projet met en péril la pérennité des revenus fiscaux du canton»
Problèmes de recrutement
Pas moins de 80% de ces entrepreneurs relèvent aussi la difficulté de recruter les «talents» en raison du coût de la vie, de la fiscalité et de la pénurie de logements. Ce fait semble à l’origine de décisions conduisant les sociétés à se développer ailleurs en Suisse. Renaud de Planta soulignait samedi dans nos colonnes qu’«à force de délocaliser leurs cadres, de telles entreprises se poseront la question de savoir si leur siège se situe encore dans le canton». Près d’un tiers se sont déjà posé la question d’un déménagement de leur siège. «En tant qu’entrepreneurs, nous sommes constamment amenés à nous demander où développer une activité, complète Renaud de Planta. En ce sens, l’attractivité est un paramètre relatif», qui s’exprime en comparant les régions et les pays.
Lire aussi: Fabienne Fischer: «Les critiques patronales relèvent d’une posture politique en vue des élections»
Quid de Credit Suisse qui, en 2022, a classé Genève à la quatrième place de son classement des cantons offrant les meilleures conditions aux entreprises? «De telles études sont souvent fondées sur des données de l’Office cantonal de la statistique datant d’il y a trois ou quatre ans. Notre objectif est d’éviter que les statistiques en viennent à refléter la réalité actuelle que nous montrons», répond Arnaud Bürgin.
Mobilité problématique
Sur le plan des infrastructures, les constats ne sont guère plus encourageants. Le manque de places en crèche et de logements de qualité est pointé du doigt, mais c’est surtout la mobilité qui est qualifiée de mauvaise par les trois quarts des sondés, qui notent toutefois une amélioration depuis l’introduction du Léman Express. Le manque de stratégie en la matière est vu comme un frein au développement économique. En guise de solution, les deux tiers des sondés préconisent un péage urbain et la piétonnisation du centre-ville, à l’exception du transport professionnel. Cette volonté contredit le PLR et l’UDC, qui s’opposent régulièrement, au nom des entreprises, aux aménagements urbains effectués aux dépens de la voiture.
C’est d’ailleurs une question que les médias ont posée: la création de la FLAG signifie-t-elle que les instances politiques ne font pas leur travail? Un ponte du PLR nous confiait anonymement qu’il perçoit cette initiative comme un acte de défiance envers les partis, en particulier le sien. La réponse du président de la FLAG, Gilbert Ghostine, qui est aussi directeur général de Firmenich, se révèle diplomatique: «Nous voulons simplement montrer que le temps presse en mettant des faits sur la table.»