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Le flou règne autour de la marque «Le Matin»

Après l’annonce de la disparition de la version papier du quotidien populaire romand, le logo orange continue d’exister sur le web et dans sa version dominicale. Mais les lecteurs et les annonceurs n’y comprennent plus rien

Même si le journal papier «Le Matin» disparaît, la marque subsiste, mais les lecteurs et les annonceurs n’y comprennent plus rien. — © Valentin Flauraud/Keystone
Même si le journal papier «Le Matin» disparaît, la marque subsiste, mais les lecteurs et les annonceurs n’y comprennent plus rien. — © Valentin Flauraud/Keystone

Sur la plaine de l’Asse, sous la chaleur de juillet, les spectateurs de Paléo verront de jolies bannières du Matin flotter au vent. Le journal, sponsor de l’événement, est «fier d’offrir à ses lecteurs et internautes un accès privilégié aux temps forts du Paléo Festival», est-il écrit sur le site du festival. A la fin des concerts, quand les bénévoles rangeront la sono, Le Matin n’existera déjà plus dans sa version papier.

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Le marketing est plein de paradoxes: la mort du quotidien n’entame pas l’existence de la marque, qui va subsister. Selon son propriétaire zurichois Tamedia, Le Matin va continuer de vivre via son site internet, d’abord, qui conservera les fondamentaux de ce qui constituait l’identité du quotidien – les faits divers, les sports et la rubrique people. Et puis le logo orange sera aussi toujours imprimé dans les pages du Matin Dimanche, en tout cas tant que le seul journal dominical romand ne change pas de nom.

«Renommer Le Matin Dimanche n’est pas d’actualité, précise le porte-parole romand du groupe, Patrick Matthey. Il s’agit d’une marque forte qui a réussi à s’imposer auprès d’un public très large… Certes, ce journal porte historiquement la même couleur que celle du Matin, ce qui peut créer la confusion chez nos lecteurs. Mais le contenu et la cible ne sont pas les mêmes.» Aux yeux de l’éditeur, c’est simple: la disparition du quotidien n’a donc aucun impact sur le dominical.

Mais aux yeux des lecteurs, c’est plus compliqué. Suite à l’annonce concernant Le Matin, le service clients de Tamedia a reçu des appels de personnes qui se demandaient quoi faire de leurs jetons pour acheter Le Matin Dimanche. «La confusion ressentie n’est guère surprenante face à deux marques aux identités si proches, explique Charlotte Pénet, responsable des stratégies de marque au sein de l’agence genevoise Blossom. Dans l’esprit des lecteurs, il y a un lien fort entre le quotidien et le journal dominical; or les deux publications sont bien distinctes; d’ailleurs, elles ont deux rédactions différentes.»

«Le Dimanche Matin»

Ce n’est pas la première fois qu’un tel constat s’impose. Autour de 2012, Eric Hoesli, alors directeur éditorial des publications romandes de Tamedia, avait proposé de renommer le journal dominical Le Dimanche Matin en le différenciant du quotidien orange. «Ce projet avait été écarté, regrette-t-il aujourd’hui. Plus tard, j’ai aussi proposé de faire du Matin uniquement un site web, mais ambitieux et qualitatif, avec un supplément papier, qui aurait été Le Matin Dimanche. La marque aurait été cohérente entre les deux publications, sur le modèle du titre québécois La Presse. Mais là encore, cela n’a pas été retenu et j’ai compris que pour le groupe, aucune expérience de ce type ne serait faite en Suisse romande.» Il démissionne en 2013.

Aujourd’hui, la disparition du journal imprimé Le Matin laisse planer le doute sur la survie de la marque éponyme. D’autant que contrairement au projet d’Eric Hoesli à l’époque, le nouveau site web ne pourra compter que sur une équipe réduite de 15 personnes, dont sept journalistes seulement, selon des sources internes. Assez pour faire vivre pleinement l’esprit du Matin sur la Toile?

Quid des entreprises qui paient pour faire de la publicité? Depuis le mois de janvier, Tamedia a centralisé à Zurich son service «annonceurs» pour ses supports imprimés. Neuf personnes sur 70, seulement, sont encore basées en Suisse romande, même si, précise Patrick Matthey, «la moitié des effectifs sont francophones». Les PME romandes qui veulent promouvoir leurs produits risquent bien de s’y perdre.