La France en quête d’un nouvel élan en Afrique
Croissance
Paris veut aider les exportateurs français à reconquérir leurs parts de marché, perdues au profit de la Chine, de l’Inde ou du Brésil
«L’Afrique est éveillée et nous, nous devons nous réveiller.» C’est par cette pique que Nicole Bricq, la ministre française du Commerce extérieur, a résumé l’objectif de la conférence économique «pour un nouveau modèle de partenariat économique entre l’Afrique et la France», qui s’est tenue mercredi à Bercy. Prélude au sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique, la réunion a rassemblé près de 600 dirigeants économiques et politiques de 30 pays différents, francophones, anglophones, lusophones et arabophones. A son terme, François Hollande, le président de la République, a posé cet objectif: doubler le montant des échanges vers le continent d’ici à cinq ans, ce qui permettrait de créer 200 000 emplois en France.
Si l’Hexagone reste en pointe dans le champ de la sécurité, il en va différemment sur les plans économique et commercial. Certes les grandes sociétés, comme Bolloré ou Total, sont bien implantées, et selon le Medef, coorganisateur de la manifestation, «les entreprises françaises demeurent en tête des investissements étrangers sur le continent».
Potentiel sous-estimé
Cependant, en continuant à considérer certains pays, notamment d’Afrique de l’Ouest, comme une chasse gardée, en conservant du continent une image essentiellement fondée sur la misère et la guerre, la France n’a pas suffisamment anticipé le potentiel de croissance de l’Afrique, 5% par an en moyenne depuis le début des années 2000. La France a aussi sous-estimé l’émergence des nouveaux consommateurs, dont 200 millions de jeunes et une classe moyenne qui représente un pouvoir d’achat de 200 milliards d’euros, selon les chiffres présentés hier. Elle a enfin négligé la concurrence des grands pays émergents, la Chine, l’Inde ou le Brésil, ainsi que l’arrivée de nouveaux acteurs, la Turquie, les pays de Golfe ou la Malaisie.
Depuis une dizaine d’années, la France ainsi a accumulé du retard: elle a perdu la moitié de ses parts de marché au sud du Sahara, passant de 10 à 4,7% ou tombant de 31 à 13% en Côte d’Ivoire, par exemple. Ses entreprises sont relativement peu présentes dans les pays d’Afrique anglophone et lusophone, comme le Mozambique. Et les PME peinent à franchir le pas.
Oublier les travers du passé
Pour redresser la situation, l’ambition est de créer une nouvelle dynamique économique, affranchie des travers du passé. Dans un rapport que lui a commandé Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie et des finances, l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine a fait une quinzaine de propositions. Parmi elles, le soutien au financement des infrastructures ou des pistes pour sécuriser les investissements, grâce à une meilleure évaluation des risques et au développement de systèmes de garantie.
La question du développement des infrastructures (de transport, électriques, énergétiques ou de télécommunications) a largement occupé les débats. Selon l’OCDE, 50 milliards d’euros par an pendant dix ans seront investis dans les projets d’infrastructure. Mais pour les entreprises françaises, la concurrence sera rude: «L’Afrique a de nombreux courtisans et les partenaires traditionnels devront travailler plus dur pour nous convaincre d’accueillir leurs investissements», a lancé Ngozi Okonjo-Iweala, la ministre des Finances du Nigeria, pays dont la France reste l’un des principaux partenaires économiques.