Voyages
Attentats et intempéries ont entraîné une baisse de 7% de la fréquentation touristique en France depuis le début de l’année. Si Paris affiche le recul le plus marquant, de nouvelles destinations hexagonales en profitent

Terrasses clairsemées sur les Champs-Elysées. Absence de files d’attente à l’entrée des principaux musées. Baisse des entrées pour certains spectacles grand public, tels les Grandes Eaux nocturnes du château de Versailles… A Paris, la fin ensoleillée de l’été 2016 rime avec une inquiétante dépression touristique. Soit une baisse de 6,4% de nuitées depuis le début de l’année en Ile-de-France, une diminution de 10% pour la clientèle internationale ou encore un recul de 35% pour la billetterie de l’Arc de triomphe, et près de 1 milliard d’euros (environ 1,08 milliard de francs) de manque à gagner entre le 1er janvier et le 1er août selon le Comité du tourisme de la région la plus visitée de l’Hexagone.
Au niveau national, «les arrivées [de touristes étrangers, ndlr] depuis le début de l’année sont en recul de 7%», a annoncé mardi le ministre français des Affaires étrangères et du Tourisme Jean-Marc Ayrault, lors d’un déplacement dans la région des châteaux de la Loire.
Grabuge social et climat d’insécurité
Malgré les 2,5 millions de supporters accueillis dans les dix villes dotées de stades lors de l’Eurofoot, la manne touristique française paie cher le prix des attentats, du grabuge social et du climat d’insécurité. Un climat amplifié, à l’étranger, par la diffusion en boucle de certaines vidéos des manifestations violentes contre la réforme du Code du travail. A commencer par les images de la voiture de police incendiée le 8 juin près de la place de la République, ou par celles des protestations à la suite de l’agression, le 7 août, d’un membre de la communauté chinoise d’Aubervilliers.
Première destination touristique mondiale, la France avait cru conjurer le mauvais sort en affichant en 2015 – année des attentats contre Charlie Hebdo, puis au Bataclan – un record de fréquentation. Avec 84,5 millions de visiteurs, en augmentation de 1% par rapport à 2014, l’Hexagone semblait bien parti pour atteindre, d’ici à 2020, la barre des 100 millions de touristes étrangers, affichée comme objectif par l’ancien ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius lors des premières Assises nationales du tourisme en juin 2015. Le chef de la diplomatie, aujourd’hui président du Conseil constitutionnel, avait alors déploré que la France ne soit, malgré cette fréquentation record, qu’au troisième rang en termes de recettes après les Etats-Unis et l’Espagne. D’où la mise en œuvre d’un plan en 30 points destiné à améliorer la qualité des services et les infrastructures, en vue aussi de la candidature de Paris aux JO 2024. Une ordonnance de février 2015 a notamment entériné le chantier du futur train Charles de Gaulle Express destiné à relier par rail le cœur de la capitale à l’aéroport de Roissy en vingt minutes.
A bien y regarder, la dépression touristique française paraît toutefois avant tout conjoncturelle. Elle concerne d’abord Paris et résulte surtout d’une baisse de fréquentation des voyageurs «long-courriers», en particulier asiatiques. Les Japonais (–126 000 au premier semestre 2016 en Ile-de-France) ont ainsi été nombreux à annuler leur voyage organisé, tout comme les Chinois dont l’affluence avait bondi l’an dernier (+45% pour le seul château de Versailles).
Les pays émergents d’Asie du Sud-Est pourvoyeurs de nouveaux touristes, tels l’Indonésie ou la Thaïlande, ont aussi vu les réservations vers la France baisser: «Paris et les grandes villes françaises, comme Marseille et maintenant Nice, font peur aux Asiatiques, c’est une réalité», explique une responsable de l’Office du tourisme de Thaïlande, présente mardi à Chaumont-sur-Loire où le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a fait le point sur ces mauvais chiffres touristiques.
La Côte d’Azur garde son attrait
La France garde néanmoins de sérieux atouts. D’abord l’attrait de la Côte d’Azur pour tout un public européen, Suisses inclus. «La tragédie de Nice a entraîné une immédiate baisse de réservations, nuance-t-on au Ministère français du tourisme. Mais tous les festivals de l’été dans la région ont affiché complet.» Ensuite la diversité des sites. Le ministère met en avant les affluences enregistrées depuis six mois par des destinations provinciales comme Aigues-Mortes (+30%) ou La Rochelle (+20%), ou les bons chiffres enregistrés à Lens ou Saint-Etienne durant l’Eurofoot. Problème: les infrastructures hôtelières dans ces villes sont vite dépassées.
«Un des bons côtés de cette crise est qu’elle va pousser les nouvelles régions [redécoupées en décembre dernier, ndlr] à initier, chacune, leur plan de redressement touristique», concède Frédéric Valletoux, du Comité régional du tourisme d’Ile-de-France.