Le G20 divisé sur le climat et la régulation financière
Saint andrews
Les ministres des Finances des pays du G20 étaient réunis samedi à Saint-Andrews, en Ecosse. Synthèse, où taxe Tobin et changements climatiques ont fait surface.
Les ministres des Finances des pays du G20, réunis samedi à Saint Andrews en Ecosse, ont fixé un calendrier pour la surveillance mutuelle de leurs politiques économiques, a-t-on appris auprès de l’une des délégations.
«Oui, nous aurons un calendrier», a indiqué ce responsable d’une délégation européenne, ayant requis l’anonymat.
Les pays industrialisés et émergents du G20 ont décidé, lors de leur sommet fin septembre à Pittsburgh (Etats-Unis), de renforcer leur coopération, au point même d’accepter un droit de regard de leurs partenaires sur la façon dont ils gèrent leurs économies. Cet exercice de surveillance multilatérale sera mis en oeuvre avec l’aide du Fonds monétaire international (FMI), dont le rôle exact sur ce point est toujours en discussions.
Certains pays émergents d’Asie ou d’Amérique latine, renâclent devant l’arrivée, ou le retour, du FMI dans leurs affaires économiques, a expliqué un responsable d’une autre délégation européenne au G20.
Le FMI a été chargé à Pittsburgh de surveiller les déséquilibres et de faire des recommandations de politique économique aux pays qui devront alors prendre des mesures correctives adaptées. Mais l’extension de ses pouvoirs en la matière reste encore à définir.
Le retour de la taxe Tobin
L’idée de taxer les transactions financières, avancée par Gordon Brown, n’a pas été évoquée lors de la réunion du G20-Finances, a déclaré samedi le président de la Banque Centrale Européenne (BCE) Jean-Claude Trichet, à l’issue de la réunion à Saint Andrews (Ecosse). «Cela n’a pas été du tout discuté», a affirmé ce dernier, au cours d’une conférence de presse commune avec le commissaire européen aux Affaires économiques Joaquin Almunia, et le ministre suédois des Finances Anders Borg, dont le pays préside en ce moment l’UE. Le président de la BCE a ajouté que les grands argentiers du G20 n’avaient pas non plus abordé la question des déséquilibres monétaires, relevant que le sujet «ne figure pas dans le communiqué» publié à l’issue de la réunion.
Le Premier ministre britannique Gordon Brown est pourtant venu en personne à Saint Andrews, où se tient cette réunion, pour appeler le G20, qui rassemble Etats riches et émergents, à envisager une taxe sur les transactions financières, entre autres mesures destinées à ramener la stabilité dans la planète finances.
«Parmi les propositions figurent une prime d’assurance reflétant le risque systémique, la création d’un fonds, des dispositions sur le capital, ou une taxe sur les transactions financières internationales», a-t-il énuméré. Ce dernier point est le plus révolutionnaire. Il s’apparente à la taxe proposée dans les années 70 par le prix Nobel d’économie James Tobin, qui n’a jamais vu le jour en raison de difficultés techniques supposées.
Mais pour Gordon Brown, «quelles que soient les mesures envisagées, elles doivent répondre à plusieurs principes, notamment être «mondiales», en étant «appliquées par tous les centres financiers responsables, Etats-Unis, Europe, Asie, Moyen-Orient et Suisse», et ne pas causer de «distorsion».
Proposée l’été dernier par le gendarme britannique des marchés financiers, Lord Turner, la taxe Tobin avait été alors fraîchement accueillie par les autorités de Londres, soucieuses de ne pas mettre en péril la City, une des premières places financières dans le monde avec Wall Street.
Mais l’idée a depuis fait son chemin, notamment en France où elle est défendue par le gouvernement et étudiée dans un groupe de travail sous l’égide du ministère des Affaires étrangères. Le président français Jacques Chirac l’a défendue en son temps. Faute de volonté mondiale commune, il s’est rabattu sur une taxe sur les billets d’avion, pour financer l’achat de médicaments à destination des pays pauvres. Le programme est aujourd’hui en vigueur dans une trentaine de pays et a permis de lever un milliard de dollars en deux ans. En août, le propre patron de l’Autorité britanniques des services financiers (FSA), Adair Turner, a stupéfié la City en suggérant «une taxe Tobin» pour «faire cesser les rémunérations excessives dans un secteur financier hypertrophié», dont il avait qualifié une partie de l’activité de «socialement inutile». A l’époque, le gouvernement avait très fraîchement accueilli son idée.
Leçon de morale de Gordon Brown
Gordon Brown a néanmoins donné à cette réunion des grands argentiers une tonalité morale, en demandant à ce que «les marchés financiers mondiaux soient mieux alignés avec les valeurs du plus grand nombre : travail, responsabilité, intégrité et justice». Désormais, il faut selon lui «voir s’il ne serait pas nécessaire de discuter d’un contrat social et économique qui reflète mieux la responsabilité mondiale des institutions financières envers la société».
L’idée de voir les banques contribuer elles-mêmes désormais au «fardeau» de leur sauvetage a été énoncée au G20 des chefs d’Etat de Pittsburgh, aux Etats-Unis. Le Fonds monétaire international (FMI) a été chargé de «préparer un rapport», pour le prochain sommet du mois de juin, au Canada, sur les manières dont le secteur financier pourrait apporter cette contribution. Il devrait le rendre en avril. Gordon Brown les a évoquées samedi : elles vont donc d’une «prime d’assurance reflétant le risque systémique», à la création d’un fonds, de dispositions nouvelles sur le capital des banques et, surtout, d’une «taxe sur les transactions financières internationales».
Gordon Brown a noté samedi que, «quelles que soient les mesures envisagées», elles devaient être «mondiales»: «Je ne sous-estime en rien les problèmes pratiques et techniques énormes et difficiles qu’il faudra surmonter, mais je ne pense pas que ces difficultés devraient nous empêcher de réfléchir de façon urgente à ces questions.»
L’ONG Oxfam a aussitôt applaudi cette initiative. «Les banques vont peut-être bientôt passer à la caisse» et «une taxe sur les banques serait une grande étape pour contribuer à réparer les dégâts causés par leur cupidité», a déclaré Max Lawson, un responsable de l’association.
Les ministres des Finances du G20 ne semblent toutefois pas avoir partagé ces enthousiasmes, puis que le sujet na même pas été abordé à la réunion.
Lutte contre le changement climatique
Samedi, le gouvernement britannique n’entendait pas non plus renoncer sur la délicate question du financement de la lutte contre le changement climatique, une des priorités de la réunion de Saint Andrews. La Grande-Bretagne, hôte de la réunion des grands argentiers du G20, a donc exhorté ces pays à s’attaquer de front au problème du changement climatique. Londres désire qu’ils se montrent également novateurs dans la régulation financière, y compris par la fiscalité.
Le ministre des Finances Alistair Darling a exhorté samedi ses collègues à trouver les bases d’un accord sur ce financement, alors que la plupart des pays rechignent à parler chiffres: «Si nous ne parvenons pas à nous entendre sur le financement de la lutte contre le changement climatique, ce sera beaucoup, beaucoup plus difficile d’obtenir un accord à Copenhague».
Il n’est pas du tout certain que le financement de la lutte contre le changement climatique figure en bonne place dans le communiqué de ce G20-Finances, avait averti dès vendredi soir une source proche de la délégation française. Plusieurs pays émergents contestent en effet que le G20 soit «l’enceinte appropriée» pour discuter de cette question, et soulignent que c’est aux Nations unies de le faire.
«Je reconnais qu’il y a autour de cette table des points de vue différents» et ce sujet va donner lieu à des «négociations difficiles», mais «il est impératif que nous puissions démontrer que nous avons fait de vrais progrès», a déclaré samedi Alistair Darling.
Les ministres des Finances du G20 se sont prononcés samedi à Saint Andrews (Ecosse) en faveur d’un accord «ambitieux» à la conférence de Copenhague sur le climat, mais sans préciser les moyens financiers pour y parvenir, selon le communiqué final.