Le G20 va s’ouvrir sur fond de tensions autour de la crise en Syrie
Le G20 en continu
C’est un G20 divisé que la Russie accueille ce jeudi et ce vendredi à Saint-Pétersbourg. Forum annuel d’échanges sur les grands problèmes économiques du monde, ce sommet des chefs d’Etat et de gouvernement devrait être dominé par la crise syrienne et par la confrontation entre Barack Obama et Vladimir Poutine. Notre envoyé spécial Ram Etwareea nous le fait vivre en direct.

MERCREDI 4 SEPTEMBRE
■ 11h00. Le G20 pourra-t-il tenir son agenda?
«Quelques-uns des dirigeants du G20 espèrent quand même trouver une façon d’aborder le soudain revers de fortune des économies émergentes.» Le «Wall Street Journal» résume bien, ce mercredi, l’impression générale: difficile, dans le contexte du duel americano-russe sur la Syrie et des consultations parlementaires en cours aux Etats-Unis et en France sur une riposte armée, de s’en tenir strictement à l’agenda fixé pour le sommet de Saint-Pétersbourg. Le «Wall Street Journal» cite un proche de la présidente brésilienne, Dilma Roussef, selon lequel cette dernière «espère que la réunion accouchera d’un accord sur les conséquences du changement annoncé de politique monétaire de la part de la Réserve fédérale américaine».
«Les Echos», sans aborder directement la question de l’agenda du G20, posent la même question. Dans un éditorial, le quotidien économique français suggère de prendre garde à «l’été indien» et s’appuie pour cela sur les dernières perspectives de l’OCDE publiées mardi 3 septembre. «L’économie mondiale paraît flotter en apesanteur […] Les experts de l’OCDE ont l’air de ne pas vraiment y croire, écrit l’éditorialiste Jean-Marc Vittori. C’est en quelque sorte l’été indien partout… sauf en Inde et dans les pays qui ont besoin de capitaux étrangers pour financer leurs déficits extérieurs.»
Comment dès lors accoucher de décisions consensuelles sur l’économie mondiale en dépit des affrontements sur la Syrie? L’économiste français Michel Aglietta, toujours dans «Les Echos», propose un champ d’action: relancer la coopération monétaire dans le monde. «Le FMI doit redevenir l’instance monétaire centrale de la planète», écrit ce dernier, qui revient sur un sujet politiquement très sensible: «la fusion des quote-parts et des droits de vote des pays de la zone euro». «L’union bancaire va conduire à une intégration forte, poursuit-il. Faire cette fusion, c’est donner un poids agrégé considérable à la zone euro».
Le problème est qu’en matière économique aussi, un fossé se fait jour. Il est bien résumé en page 2 du «Financial Times», qui insiste sur le fait que les économies du G7 sont en train de «reprendre l’initiative». «Revoici les économies développées qui repartent, alors que les perspectives de croissance à court terme des pays émergents s’amenuisent», cite le quotidien britannique de la finance, là encore en s’appuyant sur les perspectives de l’OCDE.
Obstacle syrien, fossé économique: comment surmonter ce parcours semé d’embûches? Rares sont les commentateurs à prédire un succès à l’issue de ce G20 qui, dans les journaux de mercredi, paraît presque ne pas avoir lieu. A moins que… Un coup d’œil sur la page éditoriale du «Wall Street Journal» bute sur un titre à coup sûr consacré à la réunion des grands de ce monde: «Il était une fois des géants». On se plonge dans l’article. Pour aussitôt réaliser que le G20 n’en est pas le sujet. Les géants en question, dépassés selon l’éditorial du quotidien des affaires américain, sont Microsoft et Nokia. (LT)
■ 07h45. Entretiens d’Obama avec Hollande et Xi en marge du G20
Le président américain Barack Obama s’entretiendra en tête-à-tête avec ses homologues français François Hollande et chinois Xi Jinping en marge du G20 en fin de semaine, a annoncé mercredi un responsable de la Maison-Blanche.
Une rencontre bilatérale n’est en revanche pas prévue entre M. Obama et le président russe Vladimir Poutine lors de ce sommet à Saint-Pétersbourg, jeudi et vendredi, a expliqué ce responsable sous couvert de l’anonymat, tout en estimant que ces deux dirigeants devraient se parler de manière informelle. (AFP)
■ 07h40. La 5e édition du G20 peut commencer
Des dizaines d’ouvriers ont travaillé jusqu’à tard dans la nuit pour terminer les derniers aménagements. Les sherpas – représentants des chefs d’Etat et de gouvernement – sont déjà à Saint-Pétersbourg depuis lundi et travaillent sur le communiqué final qui sera signé vendredi après-midi. Les organisateurs ont mis les bouchées doubles pour faciliter l’arrivée des délégués et leur déplacement en ville. La sécurité est prise très au sérieux et des centaines d’officiers de police et des renseignements sont affectés à cette tâche. Selon le Moscow Times de ce mercredi, Moscou a consenti 60 millions de dollars pour accueillir le G20.
Le sommet a lieu dans la petite île de Strelna, un district de Saint-Pétersbourg, située dans le golfe de Finlande, là où se croisent les rivières Strelko et Kikenka. Surnommé le «Versailles russe», le lieu est surtout connu pour ses châteaux construits au XVIIIe siècle, dont le palais de Constantine (1720) était l’une des résidences secondaires de Pierre le Grand. Depuis 1990, il est protégé par l’Unesco.
Outre les 19 Etats et l’Union européenne représentés par le président de la Commission, José Manuel Barroso, et celui du Conseil, Herman van Rompuy, six autres pays seront présents à titre d’invités: Brunei, en tant que président de l’Asean, l’Ethiopie, représentant d’Afrique, l’Espagne (qui est devenue un invité permanent), le Kazakhstan, le Sénégal, qui tient la présidence de Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, et Singapour. Pour services rendus à la Russie dans son conflit avec la Géorgie, la Suisse a été invitée dans les travaux préparatoires du G20. De nombreuses organisations (Fonds monétaire international, Banque mondiale, Organisation internationale du travail, Organisation mondiale du commerce, OCDE) seront aussi présentes.
Les chefs d’Etat et de gouvernement arriveront jeudi et la première réunion est prévue à 11h. Tous les regards seront braqués sur l’accueil que fera le président russe à son homologue américain, Barack Obama. Ce dernier devait effectuer une visite d’Etat en Russie en marge du sommet. Mais il l’a annulée en raison, notamment, de la décision russe d’accorder l’asile à l’Américain Edward Snowden, accusé d’avoir dévoilé des secrets d’Etat et recherché par la justice américaine pour trahison.
Officiellement, le sommet de Saint-Pétersbourg sera consacré à l’économie. Dans une lettre aux délégués, le président russe Vladimir Poutine invite ses homologues à se pencher sur les mesures pour stimuler la croissance et créer des emplois. Il est impératif, selon lui, de gagner la confiance des marchés et accroître les investissements pour consolider la reprise naissante dans les pays industrialisés. La situation des pays émergents, dont les monnaies déprécient fortement vis-à-vis de grandes devises, va également préoccuper les dirigeants mondiaux.
Après avoir maintenu que le G20 ne discutera pas de la crise syrienne, la présidence russe se montre désormais plus souple. Selon Yuri Ushakov, conseiller du président Poutine en Affaires étrangères, l’agenda pourrait être ajusté. Alors que les Etats-Unis, la France et d’autres pays alliés se disent prêts pour une intervention militaire en Syrie, la Russie maintient son soutien au régime de Bachar el-Assad. «Le G20 ne peut se substituer au Conseil de sécurité de l’ONU, a déclaré Yury Ushakov. Il ne peut décider d’une intervention militaire, mais c’est une bonne plateforme pour en débattre.» (Ram Etwareea)