matières premières
Zinc, cuivre, aluminium, pétrole: tous affichent des prix en forte baisse ces derniers mois. Pour y faire face, les géants de l’industrie ont entrepris de réduire leur production et de vendre certains actifs. Une stratégie qui devrait être payante, selon les analystes

Les géants du secteur minier sont dans la tourmente. Mardi dernier, Glencore a été obligé de publier un communiqué pour tenter de rassurer les investisseurs suite à la publication d’une note d’analystes avertissant que si les prix des matières premières devaient rester bas durablement, les profits du groupe basé à Baar (ZG) serviraient tout juste à rembourser ses dettes. Une simple note qui a fait perdre 30% à l’action – et virtuellement 500 millions de dollars à son patron Ivan Glazenberg.
Les déboires de Glencore ne datent toutefois pas d’hier. Depuis son entrée à la bourse de Londres en 2011, la valeur de son action a même été divisée par six. Reste que le mouvement s’est amplifié ces derniers mois et que le géant zougois n’est que l’arbre qui cache la forêt.
Ses principaux concurrents, que ce soit Anglo American (pointé du doigt pour les mêmes raisons dans le même rapport) ou les australiens Rio Tinto et BHP Billiton sont tous confrontés aux mêmes problèmes: des matières premières dont les prix sont en chute libre. Le platine a perdu 23% environ depuis le début de l’année, l’aluminium 15%, le cuivre 18% et le nickel 31%. Quant au prix du pétrole, il affiche toujours un recul de 55% depuis juin 2014.
Les causes du mal sont connues: un dollar qui s’est apprécié, des investisseurs qui réagissent au quart de tour et, surtout, une économie chinoise qui ne croît plus aussi rapidement qu’auparavant. Sachant que la Chine représente 40% à 60% de la consommation mondiale selon les matières premières, il n’en fallait guère plus pour que l’industrie minière connaisse une «période folle», explique Dan Scott.
Selon cet analyste de Credit Suisse spécialisé dans les métaux, les investisseurs se demandent pourquoi, dans un tel environnement, ils devraient encore investir dans le secteur. «Le phénomène s’est amplifié lorsque la Réserve fédérale américaine a décidé de ne pas relever ses taux d’intérêt, poursuit-il. Le fait qu’elle s’inquiète des répercussions du ralentissement chinois sur l’économie américaine a entraîné la panique sur les marchés financiers. Et les producteurs de matières premières ont été les premiers concernés.»
Pourtant Dan Scott se montre confiant pour l’avenir du secteur. «Les grands groupes miniers ont gelé une partie de leurs projets d’investissement et entrepris de réduire leurs coûts», explique-t-il. Un jeu auquel, selon lui, les Australiens sont particulièrement doués. «Ils ont, par exemple, automatisé les trains qui remontent des mines pour économiser sur la main-d’œuvre, poursuit-il. Ces mesures, ajoutées à la baisse du cours de la devise australienne, leur permettent aujourd’hui de produire une tonne de minerai de fer pour moins de 20 dollars, contre 50 ou 60 dollars il n’y a pas si longtemps.»
Pour parer à la baisse des prix, les géants du secteur minier ont également revu leur production à la baisse. Glencore, qui assure avoir pris des mesures devant lui permettre de rembourser un tiers de sa dette (environ 10 milliards de dollars), a ainsi annoncé le mois dernier qu’il suspendait ses opérations dans ses mines de cuivre en Zambie et en République Démocratique du Congo, soit 2% de la production mondiale.
Leurs alter ego actifs dans le secteur pétrolier sont également concernés. La semaine dernière, le géant Shell a annoncé son retrait d’Alaska après une exploration au large – lancée début juillet – jugée décevante. Si les écologistes ont de quoi se réjouir, cette décision semble davantage liée à des considérations financières qu’environnementales, selon les observateurs.
Enfin, les grands groupes miniers ont commencé à se séparer de certains actifs. Le britannique Anglo American a récemment cédé deux mines de cuivres au Chili pour 500 millions de dollars. La semaine dernière, Rio Tinto a annoncé la vente pour 606 millions de dollars de sa part dans la mine de charbon de Bengalla, au nord de Sydney. Quant à la banque d’investissement américaine Goldman Sachs, qui avait investi pour la première fois dans les matières premières en 1981, elle a décidé mi-août de se séparer de sa dernière mine de charbon en Colombie.
Certains observateurs, à l’image de Philipp Lienhardt, analyste chez Julius Baer à Zurich, s’attendent à voir «une profonde restructuration et une consolidation du secteur s’effectuer ces prochains mois». Selon lui, Rio Tinto et BHP Billiton devraient faire partie des groupes capables de racheter les plus vulnérables.
Reto Jaeggli n’est pas forcément de cet avis «Ce n’est pas le moment de procéder à des acquisitions, explique le responsable du conseil en investissement auprès de Crédit Agricole Private Banking Suisse. Il y a de grandes interrogations sur l’évolution des prix des matières premières et un manque de visibilité à long terme si bien que des actifs rentables aujourd’hui peuvent très bien ne plus l’être dans quelques mois.»
Reto Jaeggli se réjouis toutefois des initiatives visant à restreindre la production qui vont permettre, à terme, de stabiliser les prix des matières premières. Il s’inquiète toutefois que certaines sociétés, à l’instar de Rio Tinto et BHP Billion, n’aient pas encore revu leur dividende à la baisse. «Elles continuent de payer 6% ou 7%, explique-t-il, alors qu’il serait peut-être plus judicieux d’utiliser cet argent différement, de maintenir un niveau de liquidités plus important dans les caisses pour rassurer les investisseurs.»
Sur le court terme, Reto Jaeggli ne conseille donc pas forcément aux investisseurs de miser sur le secteur minier. «Les prix peuvent très bien encore baisser de 10% avant de se stabiliser», conclut-il. Sur le plus long terme néanmoins, Rio Tinto et BHP Billiton représentent, selon lui, toujours de bonnes opportunités.
Un point de vue que partage Dan Scott. «Le problème va se régler de lui-même, estime l’analyste de Credit Suisse. Avec la réduction de la production déjà bien entamée, les prix vont se stabiliser, voire même augmenter à nouveau.» Selon lui, il revient aux investisseurs d’éviter les sociétés trop endettées et de sélectionner certains secteurs. «Nous aimons bien le zinc par exemple, souligne-t-il, pour lequel la production actuelle est insuffisante. Ou le nickel du fait que la Chine a déjà largement puisé dans ses réserves et devra prochainement retourner sur les marchés.»