«J'étais devenu comme radioactif». C'est avec une émotion certaine que Manuel Echeverria, l'ancien dirigeant d'Optimal, jugé depuis lundi à Genève pour gestion déloyale qualifiée, décrit l'effet «dévastateur» de cette procédure sur sa vie professionnelle et privée. Cible de quasi sept années d'enquête dans le sillage de l'affaire Madoff, objet d'une exposition médiatique intense, il se définit désormais lui-même comme «un bien endommagé».

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Le prévenu l'avait annoncé la veille. Il ne répondrait pas à la partie plaignante, ni au Ministère public. Aucune question ne lui a d'ailleurs été posée. Même pas pour la forme. Le procureur Marc Tappolet, qui avait déjà renoncé à retenir une escroquerie, limité son accusation au préjudice de 101'000 francs subi par le plaignant et laissé tomber les 2,7 autres milliards engloutis dans la fraude du siècle, a expliqué qu'il n'entendait pas perdre de temps à ce jeu-là. Visiblement pressé d'en finir, le magistrat précise en outre que son réquisitoire, prévu mercredi, n'excédera pas 45 minutes.

Bonus indépendants

Loin de rester silencieux, Manuel Echeverria, interrogé donc par ses seuls avocats, a répété à quel point il avait eu le souci de la due diligence. Pour tordre le cou à la théorie de l'enrichissement illégitime, il assure que sa rémunération n'était en rien liée aux actifs du fonds d'investissement opérant avec Bernard Madoff. Ainsi, ses bonus en cash ont augmenté de 70 % entre 2006 (1,8 millions de francs) et 2007 ( 3,2 millions de francs), alors que les flux nets d'Optimal diminuaient. «Cela démontre qu'il n'y avait pas de corrélation».

Le prévenu ajoute que lui-même a perdu 150'000 francs de bonus dans le fonds en question. Il était tellement certain que le maître de Wall Street était contrôlé par un organisme de régulation et que ses produits procuraient un rendement stable qu'il a poussé les profils les plus «conservateurs» de sa famille à investir. Ses très proches ont aussi beaucoup souffert de sa chute. «A l'école, les amis de ma fille lui demandaient si son père allait finir en prison».

La brutalité de son destin, Manuel Echeverria l'attribue à une presse trop incriminante à laquelle il n'a, par ailleurs, jamais voulu livrer son point de vue. «Si on tape mon nom sur un moteur de recherche, tous ces articles apparaissent». Il en veut aussi au procureur qui lui a fait subir 55 demi-journées d'audience et qui a brutalement séquestré ses comptes bancaires un beau matin de 2014.

Réputation malmenée

Mis au ban de la finance en 2009, au moment où le scandale gagnaient les bords du Léman, il s'est finalement reconverti comme apporteur d'affaires et consultant pour une société. Là encore, les choses ne sont pas faciles même s'il annonce une honnête rémunération annuelle de 350'000 francs. «Une banque dépositaire a récemment demandé de bloquer mon accès à leur plateforme électronique».

Le prévenu n'est pas seul à déprimer. «Moi aussi, j'ai perdu une grande partie de ma réputation. Comme lui, mon nom apparaît sur la place publique en relation avec une fraude», a enchaîné le plaignant de ce procès, lui-même gérant de fortune. Ce dernier raconte bien évidemment une tout autre histoire. Celle d'une confiance trahie par une prise de risque inconsidérée et un aveuglement coupable. L'affrontement des thèses sera encore au menu ce mercredi avec le court réquisitoire et les longues plaidoiries.