«Equitable, juste et transparente», voilà comment se définit Lymo, la prochaine application à s’attaquer à un marché genevois du transport individuel ultra-concurrentiel, qui héberge, depuis mardi, un nouvel acteur, le français Kapten (anciennement Chauffeur Privé).

Tandis que le magistrat chargé de l’inspection du travail et de la police du commerce, le MCG Mauro Poggia, a confirmé la volonté de mettre de l’ordre dans un secteur opaque et chahuté, dénonçant dans une interview à la Tribune de Genève des chauffeurs Uber qui «n’ont d’indépendants que le nom», la start-up genevoise prend le contre-pied et se veut responsable. Fait inédit, taxis et VTC (voiture de transport avec chauffeur) se partageront l’interface.

Une «bourse aux courses»

Imaginée par un groupe d’entrepreneurs genevois actifs notamment dans la distribution, Lymo compte parmi ses administrateurs le conseiller national PLR Christian Lüscher. L’application devrait être lancée fin mars.

La start-up, qui emploie une dizaine de personnes, se présente comme un comparateur de courses avec, d’un côté, des chauffeurs proposant leur service pour un montant fixé par eux-mêmes et, de l’autre, des clients qui sélectionnent un trajet en fonction de son prix, du type de véhicule et de la note du conducteur. L’objectif: une maximisation des revenus pour les conducteurs et des prix attractifs pour les clients. Ceci, grâce à une «bourse aux courses» qui permettrait aux chauffeurs de réduire leur temps d’attente en adaptant leur prix en fonction de la demande et selon un tarif moyen conseillé par l’application, basé sur le marché. Car si les chauffeurs de taxi ne peuvent aller au-delà d’un montant maximum, la loi ne leur interdit pas de proposer des courses à prix réduit.

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«L’idée de laisser les transporteurs décider eux-mêmes de leur prix est innovante certes, mais elle n’est, selon moi, pas viable à long terme», réagit Alain*, taximan à Genève, approché par Lymo. En effet, les chauffeurs s’accordent déjà entre eux, notamment via des groupes WhatsApp, pour maintenir des tarifs minimums, «sans cela, on ne peut survivre». Une indépendance qui a pourtant séduit Bertrand*, transporteur VTC actif sur plusieurs plateformes, ayant également eu des contacts avec la start-up.

«Cette nouvelle application évite les rapports de subordination comme c’est le cas avec les autres plateformes, qui ne nous laissent ni le choix des tarifs ni du véhicule et qui nous soumettent à des notations discriminantes.» Pour le conducteur, qui ne prévoit pas d’abandonner Uber et Driven («la clientèle ne va pas basculer d’un jour à l’autre»), «Lymo propose un concept qui se met à l’abri des problèmes légaux. Ce n’est pas le cas des autres acteurs. Ils vont tous tomber à un moment.»

Aucune commission prélevée

Nombre de ces chauffeurs VTC ne sont en effet affiliés à aucune caisse de compensation et ne paient, dès lors, pas de cotisations sociales, ni comme salariés ni comme indépendants, a rappelé Mauro Poggia au quotidien genevois. Deux options: se voir offrir un vrai contrat ou alors se déclarer comme indépendants. C’est la seconde option qu’a choisie Lymo, dont les chauffeurs sont «tous à 100% indépendants et respectent le règlement cantonal en vigueur», assure la directrice générale de Lymo, Mélanie Malhamé.

Autre sujet sensible sur lequel l’application entend se démarquer, les commissions. Là où Uber prélève 25% sur chaque trajet, la start-up genevoise propose un abonnement à 35 francs la semaine maximum, soit 5 CHF prélevés sur les sept premières courses. Une fois le forfait payé, les chauffeurs perçoivent 100% du revenu de leurs courses.

Une cohabitation qui s’annonce difficile

Mais un problème se pose: la cohabitation sur la même plateforme des taxis et des VTC. «Mettre deux catégories distinctes sur une seule et même application est un non-sens», s’insurge Alain. Le chauffeur de taxi rappelle que «nous n’avons pas les mêmes exigences, nous n’offrons pas les mêmes services et nos conditions de travail divergent. Pourquoi se retrouver face à la même clientèle?» A ces arguments, on rétorque souvent aux taxis qu’ils ont l’avantage d’être visibles, de pouvoir être hélés dans la rue et, enfin, qu’ils disposent de voies réservées. Un «faux argument», selon Alain, ces dernières étant «peu nombreuses et utiles uniquement aux heures de pointe».

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Depuis l’introduction en juillet 2017 de la LTVTC (loi sur les taxis et véhicules de transport avec chauffeurs) censée cadrer le transport professionnel de personnes, la concurrence n’a cessé de croître grâce au statut de «diffuseur de courses» dont bénéficient désormais les VTC. Avec pour conséquences des chauffeurs venus de loin et non conformes au règlement en vigueur dans le canton.

Si Lymo entend proposer une alternative plus «juste» au marché du transport de personnes, il n’est cependant pas certain que tous les principaux acteurs y adhèrent. Après une phase test à Genève, la start-up genevoise entend conquérir Zurich à l’automne prochain.

*Prénom d’emprunt