Zone transfrontalière
L’influence du canton sur les zones frontalières se voit dans le dynamisme du commerce et de l’immobilier, mais aussi dans l’attrait de la main-d’œuvre. Ce dernier point préoccupe les PME françaises, qui peinent à conserver leurs collaborateurs qualifiés

Comment progresser au niveau économique lorsqu’on se trouve à proximité d’un poids lourd comme Genève? C’est la question que se posent les autorités françaises des zones frontalières du canton, en Haute-Savoie principalement. La proximité genevoise soutient le commerce et l’immobilier locaux, montre une étude de la Banque de France dévoilée vendredi à Archamps, tout près de la frontière franco-suisse. La région cherche aussi à pérenniser son important pôle industriel, qui, lui ne dépend pas du dynamisme genevois.
Entre 2012 et 2016, le commerce de détail dans les parties de la Haute-Savoie les plus proches de la frontière genevoise a progressé de 28%. Soit deux fois plus rapidement que l’économie dans son ensemble, selon cette étude qui porte sur 9000 entreprises locales. Sur la même période, l’immobilier, en particulier le second œuvre, a été particulièrement dynamique.
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80% des crédits vont à l’immobilier
«Environ 80% des crédits accordés par les banques locales concernent l’immobilier», souligne Martial Schouller, directeur général adjoint du Crédit Agricole des Savoie. Avec l’ironie que cette construction très soutenue profite peu aux entreprises locales, aux tarifs moins compétitifs par rapport à leurs concurrentes de Lyon ou Grenoble, à moins de deux heures de route.
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La zone frontalière affiche un troisième pôle économique fort: l’industrie, dans le décolletage et la sous-traitance pour le secteur automobile. Sa santé dépend largement de la conjoncture mondiale, pas de l’économie genevoise.
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Ces trois facteurs expliquent que la Haute-Savoie soit l’un des départements français les plus prospères, avec un taux de chômage parmi les plus bas de l’Hexagone, un revenu annuel moyen de 23 000 euros (25 940 francs) par habitant, qui n’est devancé que par celui des Franciliens au niveau national, et un produit intérieur brut estimé à 21 milliards d’euros, contre environ 2300 milliards pour l’ensemble de l’économie française.
Genève monopolise les services aux entreprises
Mais les défis ne manquent pas, à commencer par la relative faiblesse du secteur des services aux entreprises. Or ce soutien serait particulièrement utile pour solidifier et pérenniser le pôle industriel. C’est que, dans la région au sens large, «la création de richesse dans les services se fait essentiellement à Genève. Côté français, il est difficile d’attirer et de conserver des collaborateurs qualifiés payés en euros. C’est l’une des raisons qui expliquent la difficulté pour le secteur de se développer» décrit Pierre-Jean Crastes, chargé de l’aménagement du territoire pour le Pôle métropolitain du Genevois français, un groupement de collectivités locales.
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«Entre le prix du terrain et le niveau des salaires, il n’est pas facile de rester attractifs pour les collaborateurs», reconnaît Nicolas Peillon. Ce patron de Carbilly, une PME industrielle, mise aussi sur la valorisation de ses salariés afin de les conserver.
Actif dans la fibre optique à travers sa société K-Net, Frank Bisetti a réparti ses activités sur 13 sites en France, employant par exemple des téléopératrices dans le nord du pays, où les salaires sont moins élevés qu’à proximité de Genève. Son entreprise s’est aussi implantée en Suisse, où il «récupère ses anciens employés français» attirés par les salaires. Et où il s’est lui aussi installé personnellement, «après trois contrôles fiscaux et un contrôle de l’Urssaf», l’organisme français qui centralise les cotisations sociales.