George Kohlrieser: «Sans disponibilité émotionnelle, pas de confiance»
Management
Le directeur du programme High Performance Leadership de l’IMD se base sur sa longue expérience de négociateur d’otages. Il a participé au développement d’InsideRisk et y recourt dans son enseignement

Pendant cette année des 20 ans, «Le Temps» met l’accent sur sept causes emblématiques. La cinquième porte sur «l’économie inclusive». Celle-ci vise à mieux tenir des enjeux écologiques, éthiques et égalitaires.
Nous cherchons des idées, des modèles et des personnalités qui, chacun à leur manière, développent une économie et une finance plus intelligentes, qui contribuent à mieux répartir ce qu'elles génèrent entre toutes les parties concernées.
Qu’est-ce qui distingue InsideRisk des autres cours de management?
Cet enseignement repose sur ce qu’on appelle l’experiential learning (en français: apprentissage expérientiel) qui laisse une large place aux émotions. Parce que comme manager, vous n’êtes pas seulement confronté à des choix rationnels lorsqu’il s’agit de prendre des décisions sous très forte pression.
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A l’origine, vous êtes psychologue et spécialiste de la libération d’otages. Quel rapport avec une formation en leadership?
J’ai en effet commencé comme médiateur dans des cas de violence domestique. J’ai moi-même été pris en otage à quatre reprises. Dans ces situations extrêmes, vous devez créer des liens et un minimum de confiance avec les preneurs d’otages avant de pouvoir négocier. Vous devez comprendre la perte, la rage ou la douleur qui motivent leur acte pour pouvoir les influencer. Vous connaissez le taux de réussite des spécialistes de la libération d’otages, selon Interpol et le FBI? 95%. Les techniques mises en œuvre sont très puissantes et, dans une large mesure, applicables à la gestion d’entreprise.
Dans InsideRisk, les participants se mettent à la place du cadre chargé de sauver l’otage. Le mécanisme à l’œuvre?
Chacun est amené à se poser la question: qu’aurais-je fait à sa place? Jusqu’où serais-je allé pour sauver une personne kidnappée par les FARC? Quels risques aurais-je pris?
Et la leçon que vous en tirez?
Beaucoup de leaders échouent parce qu’ils ne prennent pas assez de risques ou qu’ils les évaluent mal. Jean-Pierre Mottu, en revanche, a choisi de s’engager personnellement au lieu de s’en remettre, par exemple, à l’ambassade de Suisse à Bogotá. Très peu soutenu par sa propre organisation, il négocie lui-même la rançon avec les ravisseurs, malgré l’énorme danger qu’il encourt.
Quelle est la faille principale des leaders actuels?
Ils sont trop souvent détachés de leurs émotions. J’ai récemment eu affaire à un manager de choc envoyé pour restructurer une entreprise et dont le conseil d’administration a dû se séparer très rapidement. Il était imperméable aux craintes de ses collaborateurs, parce qu’il n’avait pas pris le temps d’établir un rapport de confiance avec eux. Sans confiance, le changement est voué à l’échec. Sur le plan des compétences techniques, ce manager avait la réputation d’un champion. Dans le même temps, il avait l’intelligence émotionnelle d’un moustique.
Les leaders sont-ils moins dignes de confiance qu’auparavant?
Sans doute. Et c’est en partie lié à l’évolution technologique. Quand vous êtes un manager d’âge moyen, difficile de faire en façon des changements liés à la numérisation et d’embarquer vos collaborateurs. Surtout quand vous êtes vous-même confronté à vos propres insuffisances et à une perte de repères.
Les cours comme InsideRisk sont-ils bien acceptés dans les écoles de management?
Il faut dire qu’InsideRisk est assez unique et jouit d’un soutien total de l’IMD à Lausanne. Mais de manière générale, ce qui touche aux émotions ne passe pas forcément très bien dans les business schools. Vous savez, il arrive que des managers qui participent à InsideRisk fondent en larmes, comme Jean-Pierre Mottu dans le film. Habituellement, dans les milieux d’affaires, ça ne se fait pas. Alors que la disponibilité émotionnelle est une qualité essentielle de tout bon leader.
Quel leader êtes-vous?
En collaboration avec l’IMD, Le Temps et PME Magazine présentent InsideRisk. Une formation au leadership interactive et unique en son genre. Animé en français par Edouard Gétaz, créateur d’InsideRisk, l’événement a lieu le jeudi 1er novembre, de 14h à 18h, à l’IMD à Lausanne.
Voir le site dédié pour les réservations.
Prix par participant: 450 francs.
Abonnés «Le Temps» et «PME Magazine»: 360 francs.
Groupes de 3 pesonnes et plus: 360 francs par participant.