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Google, pompier pyromane de l’immobilier dans la Silicon Valley

La multinationale a promis un investissement d’un milliard de dollars pour combattre la flambée de l’immobilier autour de son siège mondial en Californie. Mais le problème est devenu si important que ce geste ne résoudra rien, selon des experts

Des employés et des membres d’ONG ont protesté cette semaine, lors de l’assemblée générale de Google, contre les effets de la multinationale sur le marché du logement. — © REUTERS/Paresh Dave
Des employés et des membres d’ONG ont protesté cette semaine, lors de l’assemblée générale de Google, contre les effets de la multinationale sur le marché du logement. — © REUTERS/Paresh Dave

En décembre dernier, la police de Mountain View a fait les comptes: près de 300 camping-cars étaient stationnés sur les bords des routes de la ville californienne. Leurs occupants n’étaient pas des touristes, mais pour la plupart des employés des géants de la tech, dont Google, qui possède son siège dans cette cité au cœur de la Silicon Valley. De plus en plus de travailleurs vivent ainsi à l’année dans ces véhicules aux fenêtres masquées pour conserver un peu d’intimité. C’est pour combattre ce phénomène que Google a annoncé cette semaine un plan d’investissement d’un milliard de dollars – autant en francs – dans le logement. Un geste qui ne convainc pas tout le monde.

Sur un blog de l’entreprise, Sundar Pichai, directeur de Google, admet la responsabilité de l’entreprise dans le fléau de l’explosion des prix de l’immobilier. «Nous savons que notre responsabilité sociale commence à la maison. Cela signifie pour nous de devenir un bon voisin, là où tout a commencé il y a vingt ans: dans la baie de San Francisco.» Dans le détail, Google va transformer des terrains lui appartenant – initialement prévus pour accueillir des bureaux – en zones à bâtir, d’une valeur de 750 millions de dollars. Le but: la construction de 15 000 logements «pour tous les revenus dans la région de la baie, y compris les foyers à revenus faibles et moyens», selon Sundar Pichai.

Aide aux sans-abri

En parallèle, la multinationale va créer un fonds d’investissement doté de 250 millions de dollars qui permettra d’encourager les promoteurs à construire 5000 logements abordables. Cinquante millions supplémentaires seront offerts par Google.org, la branche philanthropique de la société, à des associations venant en aide aux sans-abri.

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Les avis sont unanimes, il y a urgence. «Vivre à Mountain View dans un camping-car devient un acte désespéré», estimait en mai l’agence Bloomberg, qui citait plusieurs chiffres: le loyer médian dans cette ville de 80 000 habitants – et où travaillent 45 000 employés de Google – a presque doublé depuis 2010, à 4151 dollars par mois. Ce montant est le triple de la moyenne nationale. Et la valeur médiane d’une maison est de 1,8 million de dollars, contre 750 000 dollars il y a dix ans, selon l’entreprise d’annonces immobilières Zillow.

Extension à San José

Le geste de Google a été salué par la plupart des observateurs et des politiciens. Mais il ne va pas tout résoudre. Le site spécialisé The Verge rappelle que cette annonce inclut des terrains que Google avait déjà déclaré vouloir déclassifier. De plus, la société va déplacer le problème, en projetant la création d’un centre important à San José, à 17 kilomètres de son siège de Mountain View. Ce centre va renchérir les loyers dans la région de 235 millions de dollars par an au total, selon l’association Working Partnerships USA.

Autre souci à venir: convaincre les autorités locales. Il n’y a aucun gratte-ciel dans la Silicon Valley et peu d’immeubles supérieurs à 20 étages. Comme l’a rappelé le Los Angeles Times, plusieurs villes ont récemment refusé de créer des zones pour des bâtiments de haute taille, craignant que cela ne crée davantage de trafic et qu’une concentration de logements ne dénature «le caractère communautaire» de la Silicon Valley.

«Une goutte d’eau»

Selon Megan Abell, une responsable de l’ONG TechEquity Collaborative basée à Oakland, le geste de Google ne représente qu’une «goutte d’eau dans un seau», a-t-elle dit au San Francisco Chronicle. «Les entreprises de la tech ne pourront pas continuer à croître, et certainement pas d’une manière durable, à moins que nous n’ayons des villes et des infrastructures qui soutiennent cette croissance – et cela inclut le logement des travailleurs», selon la responsable.

Aujourd’hui, toutes les multinationales tentent de s’impliquer pour résoudre ce problème. Facebook a annoncé un investissement de 500 millions de dollars pour loger 175 000 familles ces prochaines années autour de son siège de Menlo Park. Au nord-ouest des Etats-Unis, Microsoft a quant à elle promis l’injection de 500 millions de dollars autour de Seattle pour aider des habitants à se loger.