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Le grand ménage débute chez Credit Suisse

UBS remet en question l’accord que Credit Suisse avait conclu en février 2023 avec un banquier star de Wall Street, Michael Klein, pour racheter sa banque. En cause, le prix de 175 millions de dollars, jugé trop cher

Des travaux devant une filiale de Credit Suisse à Bâle, mardi 21 mars 2023.  — © GEORGIOS KEFALAS / KEYSTONE
Des travaux devant une filiale de Credit Suisse à Bâle, mardi 21 mars 2023. — © GEORGIOS KEFALAS / KEYSTONE

A peine scellée la reprise de Credit Suisse par UBS au terme d’un week-end marathon, la banque aux trois clés donne le ton des prochaines semaines et mois à venir: elle ne laissera rien passer au travers d’un examen qui s’annonce laborieux et rigoureux. Faute d’avoir procédé à des due diligence avant, elle les fait après et commence tout de suite. Première cible: Michael Klein et sa société, M. Klein & Company (MK & C), croit savoir le Financial Times. Selon le média spécialisé britannique, des équipes du cabinet d’avocats new-yorkais Davis Polk & Wardwell seraient mandatées pour détricoter la transaction conclue le 9 février dernier entre la société de conseil en investissement et Credit Suisse, selon des sources informées. Pour celles-ci, l’objectif de cette déconstruction va au-delà du prix payé par Credit Suisse: UBS voudrait avoir les coudées franches pour réorganiser la banque d’investissement dans le cadre d’une stratégie nouvelle.

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Le nouveau rebondissement d’une longue histoire

L’association de Credit Suisse et de la First Boston Corporation en 1988 n’aura cessé de connaître des hauts et des bas jusqu’à ce que la direction du groupe bancaire zurichois annonce son intention de relancer la marque en octobre 2022. Un pari risqué – qui faisait partie du plan stratégique présenté par le président du conseil d’administration Axel Lehmann – consistait à scinder la banque d’investissement du groupe, et à la renommer CS First Boston (après une parenthèse de 2006 à 2022). Il s’agissait de renouer avec les heures glorieuses de l’une des plus célèbres banques d’investissement américaines aux premières lignes dans les années 1990 jusqu’au début des années 2000. A l’époque, le nom de Credit Suisse First Boston était associé aux grandes opérations de fusion-acquisition et d’introduction en bourse des dot.com. Elle n’avait pas encore été entachée d’affaires, celle d’investissement dans le hedge fund Archegos notamment, qui a coûté 5 milliards de francs à Credit Suisse.

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Il était prévu qu’une nouvelle société indépendante, CS First Boston ferait une introduction en bourse au cours du premier semestre 2023 et sous la houlette de Michael Klein qui deviendrait directeur général de la nouvelle entité cotée. Celle-ci aurait auparavant intégré M. Klein & Company LLC, une société de conseil de 45 personnes créée par le banquier d’affaires, qui a fait sa réputation au cours des trois décennies qu’il a passées au sein du géant bancaire américain Citigroup. Il avait dû renoncer à son mandat de membre du conseil d’administration de Credit Suisse, où il siégeait depuis 2018, pour pouvoir signer cet accord que remet en question UBS.

Des voix s’étaient déjà élevées en octobre. Les unes dénonçaient, au nom de la défense des intérêts des actionnaires – qu’ils estimaient lésés –, le montant sans commune mesure avec la valeur réelle de M. Klein & Company LLC. Les autres faisaient observer que Michael Klein, administrateur, avait voté pour l’acquisition de MK & C et avait été gratifié d’un mandat de 10 millions de dollars pour conseiller Credit Suisse dans l’accompagnement de l’intégration de MK & C.

Le prix, un prétexte pour UBS?

En réalité, les termes de l’opération prévoyaient que Michael Klein recevrait «une participation dans CS First Boston sous la forme d’une obligation convertible pour 100 millions de dollars, le solde étant payé en espèces en fonction de la contrepartie fiscale à payer par le vendeur à la clôture». Par conséquent, si CS First Boston ne voit pas le jour, Michael Klein ne touchera pas les montants en lien avec cette opération. Sauf clauses spécifiques non connues.

Il y a fort à parier, note un observateur proche du dossier, qu’UBS fasse jouer les material adverse change (MAC ou «clause d’événement défavorable significatif»). Si, selon cette source, UBS prend le risque d’en découdre avec des tribunaux américains, où elle ne rencontrera pas la même souplesse que les autorités suisses ont montrée lors du récent sauvetage, c’est qu’elle sait où elle va. C’est un signe que le groupe dirigé par Ralph Hamers fera ce qu’il faut pour se débarrasser des contrats préexistants à la reprise.