Les gestionnaires de fortune anxieux de perdre des clients frappés par la crise européenne ont tout intérêt à apprendre le russe. Tout va bien pour les nouveaux riches de l’Est. Les 100 plus grandes fortunes contrôlent désormais 30% de la richesse du pays, souligne le Global Wealth Report 2012 publié mercredi par Credit Suisse. Et, surtout, le pays compte désormais 97 000 millionnaires, dont une grande partie sans doute cherche à placer son argent hors des frontières et en devises fortes. En témoigne la formidable fuite des capitaux russes vers l’étranger (80 milliards de dollars en 2011, la même somme prévue cette année). Si l’on en croit les prévisions de Credit Suisse, la bonne fortune des Russes va se poursuivre à un rythme effréné. Le nombre de millionnaires devrait plus que doubler dans les cinq prochaines années, pour atteindre 203 000 personnes.
A l’exception des îles du bassin caribéen gorgées de milliardaires, la Russie figure désormais en tête des pays en termes de disparité de richesses. Alors que la moyenne mondiale voit les milliardaires posséder 2% de l’ensemble des richesses des ménages, cet indicateur monte à 30% en Russie. Si, dans le monde, pour chaque tranche de 194 milliards de dollars, on compte un milliardaire, ce rapport tombe à 15 contre un chez les sujets de Vladimir Poutine. Autre fait remarquable, les grandes fortunes ne sont pas héritées mais acquises, et les milliardaires sont relativement jeunes – 51 ans en moyenne –, un phénomène également observé en Chine.
Croissance modérée pour les autres
Il serait erroné de dire que l’enrichissement des uns provoque l’appauvrissement des autres. Une grande partie de la population voit ses revenus et son niveau de vie progresser, à un rythme évidemment beaucoup plus lent que l’élite. Le revenu médian des Russes a progressé de 7% par an en moyenne de 2000 à 2008, puis a stagné avant de repartir à la hausse en 2011. Aujourd’hui, le salaire moyen est de 21 029 roubles par mois (634 francs suisses). Rappelons que le PIB par habitant était de 1775 dollars en l’an 2000 et devrait atteindre 16 338 dollars l’année prochaine, selon la Banque mondiale. Si l’on compare avec la croissance des revenus aux Etats-Unis, le rapport était de 1 pour 20 il y a douze ans, tandis qu’aujourd’hui le PIB par habitant russe n’est plus qu’à un tiers de celui des Américains. Au cours de la même période, le pourcentage de Russes vivant sous le seuil de pauvreté a diminué de 29 à 12%, selon les statistiques officielles russes (soit 21,1 millions de personnes). Un bilan qui explique pourquoi l’énorme disparité n’a pas (encore) conduit à des chocs sociaux.