Le Temps: Les incubateurs représentent-ils, d'une certaine façon, l'avenir de l'économie genevoise ?

Guillaume Barazzone: Les incubateurs sont les ingrédients nécessaires afin de développer un écosystème favorisant l’innovation, l’entrepreneurship et donc l’emploi. Certains modèles d’incubateurs privés apportent du financement, forment les entrepreneurs et donne une visibilité à ces jeunes entreprises.  Leur émergence à Genève est très positive. Mais il faut d’autres conditions pour que la recette fonctionne. 

Pouvez-vous développer?

Genève doit se positionner dans un environnement global. Elle doit s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, sans tomber dans le piège de copier les concepts des autres, et donc savoir se différencier. Ce qui fonctionne à Berlin ou Helsinki ne fonctionnera pas forcément à Genève. Mettre l’accent dans des domaines où nous avons déjà un avantage naturel comme les sciences de la vie, la santé, la fintech, l’horlogerie et la finance durable me semble pertinent. Il y a toutefois une constante dans les villes bien classées : elles ont toutes un cadre légal libéral favorisant l’innovation. Prenez Uber,une interdiction de leurs activités à Genève serait un très mauvais message envoyé à tous ceux qui veulent innover à Genève. Des conditions fiscales attractives sont nécessaires, par exemple grâce à une taxation des stock-options plus incitatives pour les employés des start-up. Les magasins doivent être ouverts plus tard, l’offre culturel et de loisirs doit être importante, car les entrepreneurs ne font pas des horaires de bureaux et sont des citoyens exigeants et mobiles!

L’État ne doit-il pas avoir un rôle plus actif et participer à la création de ces incubateurs?

Non, pas à la création, mais un rôle actif pour promouvoir et inciter. Les collectivités doivent stimuler des partenariats, par exemple entre les entreprises privés et les HES, l’Université et les EPF. Les investisseurs ne viendront chez nous que s’ils sentent qu’un écosystème favorisant l’innovation est présent. A défaut, ils continueront d’investir à l’étranger. 

Du coup, quel rôle doit jouer l’État pour créer cet écosystème favorable aux start-up et aux incubateurs?

Les collectivités peuvent favoriser l’accueil de start-up dans la zone industrielle, ce qui fera diminuer les loyers qui sont trop chers au centre-ville pour les start-up. Ces espaces doivent fonctionner comme des shakers. L’innovation naît parfois de la rencontre d’idées de gens qui ne se seraient pas rencontrésspontan ément. Il faut faire en sorte que des start-up puissent côtoyer des employés de multinationales, des étudiants, des artistes, des scientifiques, des banquiers… Genève aurait intérêt à ce que des mondes qui ne se connaissent pas se rencontrent. Faisons aussi plus savoir à l’étranger que nos entreprises innovent.On peut imaginer une plateforme annonçant que nos start-up ont levé des fonds ou fait une découverte importante.

Genève a-t-elle les armes pour le faire?

Des projets concrets émergent déjà. Campus Biotech est devenu une réalité. Au PAV, plusieurs jeunes investisseurs s’apprêtent à acheter un bâtiment industriel pour mettre plusieurs milliers de m2 à disposition des start-up, un incubateur de Fintech s’y est implanté. Nous avons des universités et écoles performantes, une économie très diversifiée, une tradition d’innovation, une ville multiculturelle et des mécènes. Bref, Genève a un énorme potentiel, encore inexploité.