Chassé-croisé horloger entre les Etats-Unis et la Chine
horlogerie
AbonnéAlors que la croissance des ventes de montres et de bijoux est marquée depuis le début de l’année en Chine, on assiste à un ralentissement du côté des Etats-Unis

La croissance des ventes de montres et de bijoux rebondit rapidement en Chine après la levée des mesures liées à la politique «zéro covid» dictée par Xi Jinping. Fermetures de commerces et confinement avaient inévitablement induit une chute des ventes horlogères et joaillières en 2022, alors que le marché américain réalisait de belles performances. Aujourd’hui, nous assistons, dans une moindre mesure, à une inversion des tendances. Avec une évolution de +13,6% au premier trimestre, alimentée par +34,7% en mars après +5,9% en janvier-février pendant les célébrations du Nouvel An chinois, le marché chinois a dépassé le marché américain dont les ventes ont chuté en février pour le cinquième mois consécutif.
«L’évolution positive de la Chine pourrait donc probablement contrebalancer le ralentissement redouté aux Etats-Unis, qui a été le principal moteur de la croissance de l’horlogerie et de la bijouterie depuis la pandémie», analyse Thierry Huron, fondateur de The Mercury Project, société de conseil spécialisée dans le secteur de la vente au détail de montres et de bijoux.
La décélération des ventes aux Etats-Unis dans ces secteurs s’explique, selon l’analyste, par l’inflation et une diversification des dépenses. «Les Américains commencent à nouveau à voyager, sortir, aller au restaurant et consomment autrement qu’en achetant des bijoux ou des montres.» Une tendance que confirme la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH) dans son rapport sur les exportations du mois de mars. «La croissance des exportations horlogères vers les Etats-Unis (+7,8%), ininterrompue depuis 27 mois, a continué de perdre de la vigueur, sur une base très élevée.» En revanche, celles vers la Chine et en particulier vers Hongkong, tête de pont de l’Empire du Milieu repartent à la hausse. Ces chiffres sont toutefois à considérer avec un peu de recul, puisqu’ils ne traduisent pas les ventes réelles. Il n’est, en effet, pas rare que les détaillants fassent d’importants stocks qui leur procurent une marge de manœuvre dans un sens comme dans un autre.
Toutefois, selon les estimations de The Mercury Project, l’horlogerie, notamment le haut de gamme, tire mieux son épingle du jeu dans la bijouterie sur le continent nord-américain.
Lire aussi: Les montres de luxe profitent des marchés occidentaux
Shanghai paye encore le confinement
Du côté de la Chine, de nombreuses provinces et villes ont enregistré une évolution à deux chiffres des ventes au détail de montres et de bijoux au cours du premier trimestre. A Pékin, elles ont augmenté de 26,9%, devançant toutes les autres catégories de vente au détail. Les provinces figurant dans le top 10 du marché ont également enregistré une croissance, comme Shaanxi (+41,2%), Hubei (+18%), Hebei (+16,6%) et Jiangsu (+13,2%).
A Hainan, l’eldorado chinois des boutiques hors taxes, le commerce au détail de montres et de bijoux a grimpé de 32,7% au premier trimestre.
Toutefois cette reprise reste inégale selon le rapport de The Mercury Project. Avec une croissance de +11,2%, dans un contexte de contraction de la demande, de perturbation de l’offre et de faibles attentes, Shanghai est restée à la traîne de la moyenne nationale au premier trimestre. Et ce bien qu’il s’agisse de la plus grande ville commerciale de Chine et du premier site pour les ventes de montres et de bijoux (représentant 13,0% en 2021). «Elle continue de faire face aux retombées de trois années de restrictions strictes, notamment deux mois complets de fermeture en 2022», note Thierry Huron.
Lire aussi: Même sans la Chine, l’horlogerie suisse progresse
Les détaillants, optimistes, ouvrent des boutiques
Pour de nombreux détaillants actifs dans le secteur de l’horlogerie et de la bijouterie, les résultats du premier trimestre confirment le redémarrage des ventes. Chow Tai Fook, le principal détaillant chinois de bijoux, a fait état d’un bond de 9,6% en comparaison annuelle pour le premier trimestre. Cette croissance a été soutenue par l’ouverture de 248 nouveaux magasins.
Quant à savoir si cette dynamique est durable, les autorités locales sont confiantes, comme le confirme le directeur de la division commerciale et économique du bureau provincial des statistiques de Hainan: «Au cours des prochaines phases, avec l’amélioration continue des modes de consommation, l’optimisation de l’environnement, le retour de la confiance des résidents, et les efforts continus des politiques pour promouvoir la consommation, le marché devrait afficher une tendance de croissance accélérée.»
Les groupes de luxe misent sur la Chine
Un optimisme également partagé par les groupes de luxe. Les actions de LVMH ont grimpé après que la plus grande société de luxe au monde a annoncé un bond de 17% de ses ventes au premier trimestre. Les ventes ont augmenté de 14% en Asie, hors Japon, contre une baisse de 8% au quatrième trimestre de l’année dernière, et le groupe a déclaré qu’il s’attendait à ce que la Chine soit le moteur de la croissance en 2023.
Lire aussi: Le luxe redore le blason de l’économie française
Les bonnes nouvelles concernant la Chine ont également eu un impact positif sur le cours des actions de sociétés comparables exposées à la Chine, telles que Hermès et Richemont. Toujours selon le rapport de The Mercury Project, Hermès Asia a également enregistré un rebond significatif sur le marché chinois (+21,8% au premier trimestre), grâce à un bon Nouvel An chinois et à l’ouverture d’une nouvelle boutique dans la ville de Nanjing.
Les sociétés de luxe continuent d’investir dans ce marché clé, comme en témoigne Anthony Ledru, directeur de Tiffany & Co: «Il y a d’énormes opportunités pour Tiffany en Chine.» La marque, détenue par LVMH, a déjà mis la main sur des biens immobiliers de premier ordre pour plusieurs nouvelles boutiques en Chine continentale. Elle en compte actuellement 39. Enfin, TimeVallée, la société de vente au détail de Richemont, poursuit l’expansion de ses magasins: le dernier en date a été ouvert à Chongqing.
Lire aussi: Pour l’horlogerie, la nouvelle vague de covid en Chine plus préoccupante que la guerre