Claudio D’amore: «Les poignets sont aujourd’hui surchargés et très convoités»
Horlogerie
Code41 lance une montre rectangulaire qui fait la taille d’un smartphone. Un nouveau pari pour cette marque lausannoise qui n’a cessé de grandir depuis son lancement en 2016 et réalise aujourd’hui 8 millions de francs de ventes annuelles

Une montre, généralement, c’est rond et ça tient sur un poignet. Celle-ci sera rectangulaire et fera la taille et l’épaisseur d’un smartphone. Code41 propose un nouveau projet un brin déroutant: le «Mecascape» (contraction de paysage mécanique, en anglais). En bref, à la place d’empiler les composants dans une boîte ronde, la marque lausannoise a décidé de les répartir côte à côte dans une sorte de «carte mécanique», de montre à gousset du XXIe siècle. Présentée mercredi, cette pièce sera commercialisée dès 2022 pour un coût oscillant entre 6000 et 8000 francs. L’occasion de faire un bilan d’étape avec le fondateur Claudio D’Amore, toujours à la barre de l’entreprise qui compte désormais 24 employés.
Le Temps: D’où vient ce «mecascape»?
Claudio D’Amore: Il vient d’abord de mes années de designer horloger, avant que je lance Code41. En horlogerie, pour pas mal de monde, l’intérêt est de contempler la «sculpture mécanique» mais les composants sont souvent empilés les uns sur les autres. D’où cette idée de sortir du format classique pour avoir un paysage mécanique étalé sous les yeux. C’est aussi parti du constat qu’entre les montres et les smartwatches, les poignets sont aujourd’hui surchargés et très convoités. Cette carte mécanique permet de générer donc les mêmes émotions en sortant du poignet.
Vous avez lancé votre entreprise (qui s’appelait initialement Goldgena) en 2016. Vous avez acquis suffisamment de légitimité en cinq ans pour vous permettre cela?
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Depuis le début, on tente de repousser des limites. D’abord avec notre credo de transparence totale (sur nos composants et sur nos chiffres), avec le fait que l’on ne vend que sur internet, que l’on fait voter notre communauté pour savoir quels produits on doit faire… Avec la X41 (notre premier mouvement manufacture), nous avons prouvé que nous pouvions vendre de la haute horlogerie sur internet exclusivement. Nous avions prévu d’en faire 250 et nous en avons vendu 700. Cette carte mécanique, oui, c’est osé, mais je pense que cette envie d’explorer fait intégralement partie de l’entreprise. Maintenant, c’est vrai que c’est un risque, mais les premières personnes qui l’ont vue ont ressenti de l’émotion. C’est bon signe.
Vous ne produisez pas directement de montres mais travaillez avec des sous-traitants. Qui fera le mouvement de cette pièce?
Nous avons fait des appels d’offres à plusieurs manufactures mais nous n’avons pas encore décidé.
Code41 en chiffres, cela donne quoi aujourd’hui?
Nous avons une communauté de 500 000 personnes, dont 50 000 sont réellement actives (votent pour des produits par exemple) et 19 000 qui sont clientes. Nous sommes 24 employés (vidéastes, call-center, marketing digital, suivi de la production, design, etc.) pour environ 8 millions de francs de chiffre d’affaires annuel. Au total nous avons vendu 25 000 montres avec un très faible taux de retour (3%). Nous faisons entre 50 et 60% de marge brute (5-8% de marge nette).
Vous avez donc manifestement des clients qui achètent plusieurs montres… Connaissez-vous bien votre communauté?
La plupart de nos clients achètent une montre ou deux, pas plus. Mais certains (un noyau de mille personnes) sont des collectionneurs qui veulent toutes les avoir. Les 18 000 autres aiment simplement l’horlogerie et apprécient surtout de participer au développement des produits. En proportion, ils sont surtout Suisses (15%) mais également Allemands, Français, Italiens ou Britanniques.
Pas Américains ni Chinois?
Un tout petit peu aux Etats-Unis, mais rien en Chine. Nous n’avons pas communiqué là-bas. Développer un nouveau marché demande beaucoup de temps, d’énergie et d’argent. Nous préférons aller petit à petit, un marché après l’autre.
A votre lancement, vous ambitionniez de «bousculer la fourmilière horlogère». Cinq ans plus tard, estimez-vous avoir accompli cette mission?
Sans prétention, je pense qu’on peut dire oui. Déjà car beaucoup de jeunes marques nous imitent, font les choses par chapitres, par précommande, expliquent leurs démarches, exactement comme nous. Mais aussi car il y a cinq ans, l’horlogerie suisse n’existait presque pas en ligne. Je pense que l’on a prouvé que l’on pouvait faire un projet sérieux – et gagner de l’argent – uniquement sur internet, sans boutiques.
Audemars Piguet a lancé Code 11.59 en 2019, un nom qui ressemble à Code41. N’y a-t-il pas eu de frictions?
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Il n’y a pas eu de frictions directement, mais nous nous sommes tout de même renseignés auprès de nos conseillers en propriété intellectuelle. Audemars Piguet a enregistré son nom comme «Code 11.59 by Audemars Piguet» ce qui, de fait, évite tout risque de confusion. Mais oui ça nous a posé quelques problèmes. Ils ont une telle visibilité que la plupart des gens connaissent d’abord Audemars Piguet et nous découvrent ensuite. Du coup c’est nous qui passons pour ceux qui tentent de profiter de l’exposition d’Audemars Piguet. Mais l’un dans l’autre, il y a parfois quelques confusions mais pas trop de dégâts.