Les chiffres de 2019 s’éloignent pour les exportations horlogères. En mai, elles ont totalisé 1,8 milliard de francs, soit un niveau identique à avril. Elles présentent cependant un recul de 11,9% par rapport à mai d’il y a deux ans, après avoir augmenté de 2% le mois dernier. Une situation qui s’explique notamment par «un effet de base défavorable», selon le communiqué publié jeudi par la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH). Sur un an, elles affichent en revanche une hausse de 174,2%, jugée peu significative en raison du plongeon observé en mai 2020 (-67,9%).

Sur les cinq premiers mois de l’année, l’écart se creuse également à nouveau vers le bas, en baisse de 3% sur deux ans (-0,4% entre janvier et avril). Tous les segments de prix affichent un recul en mai, tant en valeur qu’en volumes. Les montres à plus de 3000 francs prix export résistent le mieux (-3,4% en valeur), tandis que les gammes inférieures présentent un recul marqué. Il est de -15,2% entre 500 et 3000 francs, -40,1% entre 200 et 500 francs, et -35% en dessous de 200 francs.

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Volumes toujours en chute libre

Les volumes ont quant à eux «accusé une baisse nettement plus forte», précise la FH, de -35,7% par rapport à mai 2019. Les montres de la catégorie «autres matières», qui regroupe notamment les garde-temps en plastique d’entrée de gamme, sont les plus affectées (-53,8%), tandis que celles en métaux précieux affichent le meilleur résultat (-13,4%). Sur les cinq premiers mois de l’année, la baisse est de 32,4%, soit 2,7 millions de pièces en moins qu’il y a deux ans.

Sur les marchés, la croissance reste portée par la Chine (+17,4%) et les Etats-Unis (+16,6%). La FH relève aussi une reprise «significative» au Royaume-Uni (+8,3%), avant de préciser que «la plupart des autres principaux marchés ont affiché des replis marqués, reflétant une situation locale encore difficile en raison des mesures sanitaires et des restrictions de voyage».

Malgré ce coup d’arrêt dans la reprise, la faîtière reste, comme à son habitude, optimiste: «Le recul affiché en mai 2020 n’a pas été intégralement compensé, mais la branche peut tout de même envisager un retour à la normale plus tôt que ce qui était attendu en début d’année.» En dépit de chiffres en baisse, elle affirme que «le redressement [des exportations] se poursuit».

Analystes partagés

Dans une note publiée jeudi, l’analyste de Bernstein Lucas Solca estime que «cette pause n’est pas inquiétante», s’appuyant lui aussi sur le constat d’un effet de base défavorable par rapport à mai 2019. Il réaffirme par ailleurs sa confiance envers le groupe de luxe genevois Richemont et le géant horloger biennois Swatch Group.

Expert horloger chez LuxeConsult et blogueur pour Le Temps, Olivier Müller se montre nettement moins enthousiaste et se dit négativement surpris par la baisse observée sur tous les segments de prix. Selon lui, les résultats encourageants des derniers mois mettaient avant tout en évidence des envois de stocks vers de nouvelles boutiques ouvertes par de nombreuses marques – notamment au sein du groupe Richemont – sur l’île chinoise de Hainan: «Je ne m’attendais pas à ce que cet effet se réduise aussi rapidement. Cela semble montrer que la tendance de fond n’est pas aussi bonne qu’attendu.»

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Il s’inquiète également de la chute des volumes globaux, qu’il qualifie de catastrophique: «Ces pertes seront durables et concernent également des marques qui proposent des produits entre 2000 et 4000 francs prix export.» S’il concède que la reprise de la branche pourrait être plus rapide qu’espéré en termes de valeur, il rappelle qu’elle dépendra avant tout d’un nombre très réduit de marques haut de gamme, comme Audemars Piguet, Patek Philippe, Rolex, Richard Mille, et les deux porte-étendards de Swatch Group que sont Omega et Longines. Pour l’entrée et le milieu de gamme, le chemin vers la croissance s’annonce en revanche encore long et difficile.