Peu d’améliorations pour les exportations horlogères en mai
Statistiques
Un léger mieux mais des tendances toujours fortement négatives: les exportations horlogères ont encore connu un recul marqué en mai, même s’il est un peu moins fort qu’en avril. La reprise en Chine n’est pas acquise, selon la fédération horlogère suisse

Les exportations horlogères montrent peu de signes de reprise. En mai, elles ont reculé de 67,9% par rapport à l’année précédente, pour une valeur totale de 655,6 millions de francs. Dans ses statistiques publiées jeudi, la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH) indique que les cinq premiers mois de l’année bouclent sur un repli de 35,8%.
Tous les marchés restent concernés par cette paralysie. Si les exportations vers la Chine ont connu un léger mieux en avril (-16,1%), elles ont de nouveau dégringolé à -54,6%. Le pays reste malgré tout le premier débouché de l’horlogerie helvétique pour le deuxième mois consécutif. La FH indique cependant que «la reprise ne semble pas encore acquise sur ce marché».
Ce recul est homogène sur tous les segments de prix et tous les groupes de matières (métaux précieux, acier, autres). La chute des volumes atteint -71,4%. Dans l’ensemble, les statistiques montrent une légère amélioration par rapport à avril, où les exportations avaient diminué de 81,3% en valeur et de 78,6% en volume.
Comme toujours, les statistiques des exportations doivent être analysées avec précaution. D’une part, elles ne reflètent pas les ventes au client final et peuvent témoigner d’une augmentation des stocks ou d’un déplacement de la consommation. C’est notamment le cas en Chine où, faute de tourisme, les achats de produits de luxe se font davantage localement. D’autre part, les résultats des marques premium et haut de gamme, a priori moins durement frappées par la crise que certains indépendants, ont tendance à tirer la moyenne vers le haut.
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A chaque marque sa tendance
L’organisation interne des manufactures témoigne des disparités entre les acteurs de la branche. Chez LVMH, le directeur des marques horlogères Stéphane Bianchi indique que la production de TAG Heuer, Zenith et Hublot tourne entre 50% et 80%. Il se dit positivement surpris: «La tendance est toujours négative et l’année restera compliquée, mais notre décroissance actuelle est deux fois plus faible qu’en avril. La situation s’améliore à chaque ouverture de marché et les résultats sont meilleurs qu’attendu.» Sans donner d’estimation chiffrée pour l’année, Stéphane Bianchi indique que les prévisions ne sont «pas dramatiques».
Swatch Group, de son côté, ne donne pas d’informations concernant le niveau de production de ses marques, tout en précisant que «la situation s’améliore, mais lentement». Egalement contacté, le groupe de luxe genevois Richemont ne fait quant à lui aucun commentaire. Parmi les grands indépendants, François-Henry Bennahmias, patron d’Audemars Piguet, déclarait dimanche à la NZZ am Sonntag que l’entreprise fonctionnait à 80% de ses capacités, notamment pour garantir le respect de la distanciation sociale. Il estime que l’année se terminera sur une baisse de 15% à 25%, pour un résultat en dessous du milliard. Cette fourchette laisse entrevoir un niveau d’incertitude encore élevé.
La situation est davantage critique chez des indépendants qui produisent des montres de milieu de gamme. Edox indique que le taux d’occupation des employés varie actuellement entre 10% et 80%, en fonction de la demande. Il n’y aura pas de changement avant fin août, selon le patron de la marque. Alexandre Strambini n’est pas très optimiste: «La reprise n’est de loin pas là, et les vacances qui arrivent ne vont pas jouer en notre faveur. L’achat d’une montre n’est pas une priorité dans cette période.» S’il constate quelques signes de redémarrage qualifiés de «frémissements», principalement en Europe, le directeur s’attend à voir son chiffre d’affaires reculer de 40% à 50% pour l’année 2020. Sans amélioration dès septembre, «des mesures difficiles à prendre pourraient s’avérer nécessaires».
Des marques de niche parviennent en revanche mieux à tirer leur épingle du jeu. H. Moser & Cie, qui produit 1500 montres par année, a rempli son carnet de commandes en janvier et affiche actuellement un recul contenu à 4%. La manufacture espère limiter la baisse annuelle en dessous de 10%. Elle fonctionne actuellement aux trois quarts de ses capacités, mais tous ses produits ne rencontrent pas le même succès, selon le directeur Edouard Meylan: «Les pièces rares à plus de 30 000 francs se vendent bien auprès des collectionneurs. Par contre, les gammes vendues aux environs de 10 000 francs ont ralenti. Les clients du luxe traditionnel ne sont pas pressés de consommer.»
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La sous-traitance en souffrance
Nos interlocuteurs s’inquiètent surtout pour les sous-traitants, qui ont vu leur carnet de commandes fondre ces derniers mois. Selon les organisateurs du salon EPHJ, qui entretiennent des contacts réguliers avec un très grand nombre de fournisseurs horlogers, les volumes à produire auraient diminué de 20% à 80% selon les cas. «Certains font preuve de résilience mais d’autres ont décidé de fermer leurs ateliers jusqu’à fin août, réduisent leurs effectifs ou cessent définitivement leurs activités», constate le directeur de la manifestation, Alexandre Catton.
Cette crise de la sous-traitance a des effets directs sur les manufactures qui ne maîtrisent pas toute leur chaîne de production. Alexandre Strambini et Edouard Meylan peinent à obtenir certaines pièces. «Nous produisons déjà la majeure partie de nos composants en interne, mais nous restons tributaires de fournisseurs externes pour certaines pièces. Nous devrons multiplier nos sources d’approvisionnement pour éviter les blocages que nous constatons actuellement, ou alors tout internaliser», relève le patron de H. Moser & Cie.
Alexandre Catton a confirmé cette semaine que l’EPHJ se tiendrait mi-septembre à Genève: «Une partie des exposants, ainsi que des marques horlogères, nous ont demandé de maintenir l’événement pour soutenir cet écosystème durement affecté par la pandémie.» Sa tenue dépendra des prochaines décisions du Conseil fédéral concernant les manifestations de plus de 1000 personnes.
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