Horlogerie
La marque horlogère chaux-de-fonnière annonce jeudi qu’elle a racheté l’ensemble de son capital pour mieux contrôler son développement. Le groupe de luxe genevois en détenait 20% depuis 2006

La relation entre Greubel Forsey et Richemont aura duré un peu plus de quinze ans. La marque horlogère chaux-de-fonnière active dans le très haut de gamme annonce jeudi que, depuis le 18 mars, elle détient à nouveau l’entier de son capital, de même que celui de GFPI SA, qui gère ses brevets. «Les sociétés du groupe retrouvent ainsi leur totale indépendance», précise un communiqué, sans jamais mentionner le groupe de luxe genevois. Contacté, ce dernier ne fait aucun commentaire.
Fondée en 2004, Greubel Forsey rappelle toutefois qu’elle avait ouvert son actionnariat en 2006. En novembre de la même année, Richemont prenait 20% dans son capital. Robert Greubel, cofondateur de la marque avec Stephen Forsey, déclarait alors que cette prise de participation permettrait de la pérenniser tout en lui assurant «une totale liberté». Elle bénéficiait ainsi d’un accès facilité aux marchés internationaux et à certains détaillants du groupe du milliardaire sud-africain Johann Rupert.
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Multiplier la production par quatre
Patron de la marque depuis fin 2020, Antonio Calce indique pourtant que cette indépendance retrouvée «permettra de définir les prochaines étapes de développement et de maturité en toute liberté». L’autonomie de Greubel Forsey n’était-elle plus garantie? «Une entreprise n’est jamais aussi libre que lorsqu’elle détient 100% de son capital», répond-il au Temps.
Lorsqu’on lui parle de Richemont, dont la participation était encore actée dans le rapport semestriel du groupe en septembre dernier, Antonio Calce ne commente pas. Il ne mentionne d’ailleurs jamais le nom du groupe. «Ce que je peux vous dire, c’est qu’il était important en 2006 de pouvoir s’appuyer sur un acteur disposant d’une grande crédibilité. Cela a été très bénéfique, et la collaboration avec ce partenaire s’est toujours bien passée.»
Pourquoi changer? «Notre structure n’est plus du tout la même qu’à l’époque. Aujourd’hui, nous employons 120 collaborateurs et nous avons fortement développé notre management. Robert Greubel a ce mouvement en tête depuis plusieurs années et nous avons étroitement collaboré depuis mon entrée en fonction pour le réaliser. Cela démontre notre solidité dans la période de crise actuelle, tant sanitaire que géopolitique.»
L’actionnariat de la marque se partage désormais entre Robert Greubel, majoritaire, Stephen Forsey et Antonio Calce. Ce dernier a-t-il acquis les 20% de ce fameux partenaire dont il tait le nom? «Je ne peux pas vous donner plus de précisions», répond-il.
Après une année record en 2021, avec une croissance de 28% par rapport à 2020 pour un chiffre d’affaires non précisé, Greubel Forsey se fixe des objectifs ambitieux. Elle prévoit d’augmenter sa production annuelle d’une centaine de montres à 450 d’ici trois à cinq ans, pour un prix moyen qui baissera de 380 000 à environ 300 000 francs.
Pour ce faire, elle a acquis trois terrains adjacents à sa manufacture. Sa surface de production sera étendue de 1500 à environ 2500 m². «C’est un changement colossal que nous devrons effectuer sans faire de compromis sur la qualité de nos produits», indique Antonio Calce, sans préciser le montant des investissements prévus.
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Objectif réaliste, sous certaines conditions
Olivier Müller, expert horloger chez LuxeConsult et blogueur pour Le Temps, estime le chiffre d’affaires de Greubel Forsey à 30 millions de francs, pour une valorisation de 150 millions: «Richemont a dû empocher environ 30 millions dans l’opération, pour un investissement initial de 8 à 10 millions. Mais il n’a jamais vraiment porté ses fruits d’un point de vue opérationnel et cette collaboration n’avait plus beaucoup de sens. C’est extrêmement positif que la marque retrouve son indépendance. Elle dispose d’une très bonne réputation et a un grand potentiel à exploiter.»
Les objectifs communiqués par Antonio Calce en termes de production lui semblent réalistes, pour autant que la marque augmente ses volumes grâce à des pièces nettement plus accessibles: «Elle devra toutefois veiller à ne pas diluer son image de marque et assurer des marges suffisantes, par exemple en se passant de détaillants, comme l’a fait Richard Mille», estime Olivier Müller. Sur ce point, Antonio Calce est catégorique: «Nous menons des réflexions sur notre distribution, mais nous ne ferons jamais de vente directe!»