Outre les collectionneurs avertis, ce sont surtout les jeunes qui investissent les plateformes de revente de garde-temps haut de gamme. Ainsi, 48% des personnes interrogées appartenant à la génération Y (nées entre 1980 et 1997) et 37% de la génération Z (nées entre 1997 et 2010) se sont dites susceptibles d’acquérir une montre de luxe d’occasion au cours des douze prochains mois. «Les jeunes générations ne veulent plus l’entrée de gamme mais s’intéressent directement au hard luxury», souligne Karine Szegedi, associée et responsable du secteur de la consommation, de la mode et du luxe au sein du cabinet Deloitte. C’est pareil en ce qui concerne les montres. Le marché de seconde main leur permet d’accéder à des marques auxquelles ils n’auraient pas pu prétendre auparavant. A l’époque, les objets d’occasion n’étaient pas forcément bien perçus, mais ils sont aujourd’hui très à la mode. C’est une nouvelle façon de consommer, qui est plus intéressante pour la jeune génération.»
La question de la durabilité joue également un rôle dans l’essor de cette pratique et ce d’autant plus avec des montres mécaniques, qui ont des durées de vie de plusieurs décennies et que l’on révise facilement.
Selon Jules Boudrand, directeur, conseiller financier et responsable du secteur horloger chez Deloitte, l’intérêt pour cette activité s’est beaucoup développé au cours des dernières années. Pas uniquement de la part des consommateurs, mais également des marques. Et de relever: «Il y a de nombreuses plateformes qui ont vu le jour. La numérisation a contribué à la croissance de la seconde main en la rendant plus accessible. Les jeunes s’y intéressent de plus en plus.»
Quant aux marques, soucieuses de leur image, soit elles certifient elles-mêmes en direct les pièces, soit elles habilitent les plateformes qui les proposent. «Cela leur permet d’être sûres que le client final fera une bonne expérience avec le produit, comme cela serait le cas avec un produit neuf et qu’il sera ensuite prêt à acheter une montre neuve, détaille Jules Boudrand. Comme dans l’automobile, on revend de l’occasion pour acheter du neuf. Les marques ont par conséquent intérêt à ce qu’il y ait une certification et un suivi sur ces modèles de seconde main.»
La certification donne non seulement plus de crédibilité à la marque, mais garantit également un maintien de la valeur.
A noter que ce sont les consommateurs en provenance de Chine et des Emirats arabes unis (62%), suivis des Hongkongais (44%) qui sont plus intéressés par l’achat de montres de seconde main. A contrario, les Allemands (44%), les Japonais (37%) et les Français (35%) affirment ne pas y porter d’intérêt.
La montre comme placement
«L’engouement pour certaines marques leur a fait prendre beaucoup de valeur, générant de la spéculation, laquelle a servi le marché de l’occasion, note Jules Boudrand. Les prix commencent à se tasser, mais cela demeure un marché très porteur.» Et Karine Szegedi de préciser: «Il faut séparer le marché de masse de celui des pièces iconiques. Ces dernières se vendent plusieurs fois leur prix neuf, alors que le 80-85% de la seconde main est moins cher que le marché primaire. Historiquement les acheteurs bénéficiaient de 30 à 50% de remise sur les modèles d’occasion, maintenant, selon les acteurs du secteur, cela tourne plutôt autour de 10-20%.»
Désormais, on n’achète plus uniquement pour se faire plaisir mais pour se faire de l’argent. Selon l’étude Deloitte, l’achat d’un garde-temps à but de revente ou d’investissement est une tendance déjà observée les années précédentes et qui se confirme.
Pas moins de 23% des consommateurs interrogés acquièrent une montre à ce dessein. En 2021 et 2022, l’augmentation significative de la valeur de certains modèles sur le marché du secondaire, et notamment des icônes telles que la Royal Oak d’Audemars Piguet, la Nautilus de Patek Philippe ou encore la Daytona de Rolex, a attiré pléthore d’acheteurs, ravis de pouvoir revendre leur bien deux ou trois fois sa valeur à peine sorti du magasin, au grand dam des collectionneurs et passionnés de montres.
Le fait de considérer la montre comme un placement varie d’un endroit à l’autre de la planète. Ainsi, c’est une tendance largement plus perceptible chez les consommateurs de Singapour (33%), Hongkong (32%) et de Chine (29%). Le potentiel d’investissement sur le long terme des montres n’est en revanche pas perçu chez les acheteurs japonais (7%), français (9%) et suisses (13%).