La manufacture Audemars Piguet fait partie des rares maisons horlogères helvétiques à confier leur direction à une femme. La marque du Brassus a porté son dévolu sur Ilaria Resta pour succéder à son emblématique directeur général François-Henry Bennahmias, qui avait annoncé sa démission en juin 2022 pour la fin de l’année 2023. L’Italo-Suisse, domiciliée près de Genève, est actuellement membre de la direction chez DSM-Firmenich. Elle est la première et seule femme à avoir occupé le poste de présidente de la division parfumerie parmi les grandes maisons de cette industrie. Avant de rejoindre Firmenich, elle avait acquis plus de vingt-deux ans d’expérience chez Procter & Gamble.

«Elle est exceptionnelle, extrêmement charismatique et dispose d’excellentes capacités managériales», se réjouit Jean-Philippe Bertschy, analyste des biens de consommation chez Vontobel. Ilaria Resta rejoindra la manufacture en août prochain pour assurer une transition en douceur avec François-Henry Bennahmias et prendra officiellement ses nouvelles fonctions le 1er janvier 2024. «Leader visionnaire passionnée par l’artisanat, Ilaria Resta mènera Audemars Piguet vers l’avenir alors que nous continuons à développer notre marque, à fusionner tradition et innovation et à renforcer notre lien direct avec nos clients», a souligné Alessandro Bogliolo, président du conseil d’administration, lundi lors de l’annonce de la nomination.

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Ce choix peut être interprété comme un signe d’audace et d’ouverture de la part des familles propriétaires d’Audemars Piguet, qui parient sur les compétences et prennent le risque de confier les rênes de leur maison à quelqu’un qui n’a pas forcément d’expérience dans le secteur.

Une configuration qui n’est pas forcément évidente, dans une branche où les réseaux sont vitaux, comme en témoigne Nathalie Veysset, qui a dirigé la Maison DeWitt, entre 2008 et 2012. Ancienne de Credit Suisse, elle n’était pas non plus issue du sérail. «Non seulement je n’avais que 34 ans, mais encore je n’avais ni relais, ni soutien au sein de l’entreprise avant d’entrer en fonction, explique-t-elle. Je viens de La Chaux-de-Fonds, j’ai grandi au sein du milieu horloger, mais pas professionnellement. Et cela change tout. C’est un monde très codifié, qui fonctionne en vase clos, et il me manquait aussi bien le réseau que les codes.» Son arrivée à la tête de la marque coïncidait également avec la crise financière, ce qui n’a pas facilité les choses.

Dans le monde de l’horlogerie, seulement 17% des postes de direction sont tenus par des femmes. Elles occupent pourtant 43% des emplois, principalement dans les domaines administratifs (45%) et techniques (43%), selon le dernier recensement du secteur réalisé par la Convention patronale de l’industrie horlogère (CPIH).

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François-Henry Bennahmias avait fait ses premiers pas au sein de la manufacture en 1994, avant d’en prendre la direction en 2012. Il avait toujours annoncé vouloir rester dix ans en poste avant de passer le témoin, ne voulant pas «finir par faire partie des meubles». Jasmine Audemars, arrière-petite-fille du fondateur de la marque du même nom, a quant à elle tourné la page de trente ans de présidence du conseil d’administration le 11 novembre dernier en passant le témoin à Alessandro Bogliolo.