A 80 ans, Walter von Kaenel sait toujours captiver son auditoire. Et le faire rire par un franc-parler devenu rare chez les patrons de marques horlogères. Lui est parti en retraite à la fin du mois de juin 2020, à l’occasion d’un grand remaniement opéré par Swatch Group à la tête de ses marques, dont Longines. Une manufacture dans laquelle Walter von Kaenel a travaillé cinquante et un ans, dont trente-deux dans le fauteuil de directeur.

Patron, un métier de terrain

Depuis, il s’est fait discret, tant dans les médias que dans ses apparitions publiques. Ce jeudi, il était l’invité de la 25e Journée internationale du marketing horloger au Théâtre de L’Heure bleue à La Chaux-de-Fonds. L’occasion pour lui d’évoquer les souvenirs d’une longue carrière lors d’une discussion animée par Le Temps, et de prendre part à une table ronde consacrée à «la nouvelle expérience client».

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Son premier contact avec un garde-temps? «Ma femme est entrée chez Longines avant moi, en tant que téléphoniste. Peut-être pour me familiariser avec la marque, elle m’a offert ma première montre. Je l’ai toujours.». Car avant de diriger la manufacture de Saint-Imier, Walter von Kaenel a travaillé dans les douanes. «Pour ne pas faire comme mes frères qui travaillaient à la poste et aux CFF.»

Cette carrière dans l’horlogerie, c’est aussi plus de 25 passeports usés par les voyages. Le plus marquant? Sa première visite en Chine au début des années 1970. «J’ai rencontré des patrons suisses connus dans l’Empire du Milieu, pour apprendre à ne pas commettre d’impairs. Ils m’ont dit: «Tu les écoutes, et le dernier soir tu leur paies à bouffer.» J’ai passé quatre jours sur place avec une acheteuse, qui m’a fait découvrir le pays, la Grande Muraille, tout ce qu’il fallait voir pour être sensibilisé. Ce n’est que le dernier jour que nous avons concrètement parlé d’horlogerie, et j’ai payé à bouffer.»

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Ces passeports résument aussi la conception de l’expérience client de l’ancien patron: «La montre est un produit émotionnel et personnel. Le marché commande, la production suit. C’est sur le terrain que j’ai mené mes efforts. En écoutant les responsables de magasins, les vendeuses, pour voir ce qui pouvait être amélioré et sentir la concurrence bouger. Le rôle d’un chef, ce n’est pas de tourner comme une buse dans son bureau!»

Une retraite avancée à la demande de Nick Hayek

Alors que tout le monde le voyait mourir au travail, lui qui a maintes fois assuré que jamais il ne prendrait sa retraite, pourquoi avoir raccroché? «Je suis né en 1941, donc en 2020 je crois que j’avais quand même 79 ans. Je suis bon en calcul mental, mais surtout pour calculer les marges. A un moment donné, je souhaitais arrêter à la fin décembre 2020. Nick Hayek [patron de Swatch Group, ndlr], mon chef et copain, m’a dit que je lui rendrais service en acceptant de quitter en même temps que les autres changements annoncés. Je pense que cela renforçait ses manœuvres et l’efficacité ses décisions, et j’ai accepté.»

Un choix difficile? Quelques secondes s’écoulent… «Disons que… le point positif, c’est que j’ai pu roupiller plus longtemps le matin!»

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