Swatch Group a publié mardi un chiffre d’affaires et un bénéfice en hausse pour 2022 de respectivement +4,6% à 7,5 milliards de francs, et de +6,3% à 1,16 milliard de francs. Dans un cas comme dans l’autre, ces chiffres s’inscrivent en dessous de ceux du consensus des analystes, de -3% pour le premier et de -2% pour le second. Pour sa défense, le groupe invoque la politique de zéro covid adoptée par les autorités chinoises, qui a freiné les ventes. Pourtant, des concurrents directs, le groupe Richemont en tête, lui aussi largement exposé à l’Empire du Milieu, semblent avoir été moins affectés (les chiffres de LVMH seront communiqués ce vendredi 27 janvier).

Une dynamique (seulement) freinée par la Chine?

La maison mère des marques iconiques Blancpain, Breguet, Omega, Swatch et Tissot a réalisé en 2022 une croissance à deux chiffres sur tous les marchés – en Europe, en Amérique, au Moyen-Orient et dans la plupart des pays d’Asie – à l’exception de la Chine continentale. Ses ventes y ont baissé de 50% sur le seul mois de décembre et de 30% sur le quatrième trimestre. C’est beaucoup, par rapport à Richemont, qui a vu ses ventes fondre de 24% sur l’année en Chine.

Selon le groupe horloger, cette infortune est due aux confinements liés à la politique de zéro covid imposée par l’administration de Xi Jinping, puis à l’explosion du nombre de cas après la levée des mesures. Elle s’est soldée par un manque à gagner de «plus de 700 millions de francs», selon le communiqué publié par le groupe horloger. Soit quelque 9% du chiffre d’affaires total. Sans cela, la progression aurait avoisiné les 13%. Ce niveau reste toutefois inférieur à celui de Richemont qui afficherait, selon la banque Vontobel, une augmentation de 15% de ses ventes en 2022 (recalculées sur la base des chiffres réels). Le propriétaire de Cartier affiche une exposition de 33% à la Chine. Un chiffre dont devrait se rapprocher Swatch Group, qui dépendait à 42% de la Chine fin 2021, avant donc le revers massif de 2022.

Autrement dit, la Chine n’explique pas tout. Ni les ventes nettement en dessous des exportations de l’industrie horlogère helvétique, comprises entre 6 et 25% en 2022, ni la performance opérationnelle, en hausse de 13,4%, mais «inférieure de 4% au consensus et de 3% à nos attentes», rapporte la Banque cantonale de Zurich (ZKB).

Pour Jean-Philippe Bertschy, directeur de la recherche sur les actions suisses à la banque Vontobel, «La moindre performance de Swatch Group par rapport à ses concurrents, Richemont et Rolex notamment, s’explique davantage par son positionnement que par son exposition à la Chine. Les marques horlogères de luxe, tout aussi présentes sur le marché chinois, s’en tirent mieux. »

Sauvée par MoonSwatch

Cela dit, c’est le succès de la MoonSwatch, un modèle grand public au prix d’entrée de gamme de 250 francs, qui a tiré les ventes du groupe biennois. Plus d’un million d’exemplaires auraient été écoulés en 2022, faisant de ce modèle le fer de lance des ventes de détail du groupe. Le lancement de la MoonSwatch avait donné lieu à d’importantes files d’attente devant ses 110 boutiques fin mars 2022 ainsi qu’à une intense spéculation sur les sites de revente et d’enchères.

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Un pari gagné, qui permet au groupe de gommer ses déconvenues chinoises et l’impact des stocks de sécurité que la direction a décidé d’augmenter «massivement». L’objectif est de pouvoir faire face à d’éventuelles pénuries d’énergie et de possibles goulots d’étranglement de livraison. Cette politique a eu un impact sur le fonds de roulement net de plus de 500 millions de francs, et entraîné une diminution des flux de trésorerie disponible d’un peu plus d’un milliard de francs à 342 millions de francs.

«Les marchés, pensent les experts de Stifel, oublieront cette baisse des ventes au quatrième trimestre due à la Chine. Swatch Group a connu un retour à une croissance positive en janvier, en ligne avec ce que Richemont et Burberry ont signalé la semaine dernière. Nous nous attendons à ce que le marché prenne en compte le manque à gagner de 700 millions de francs en Chine l’année dernière, qui sera récupéré en 2023.» Le groupe est resté discret sur le montant du dividende qu’il distribuera au titre de l’exercice 2022.

A noter encore que le segment des systèmes électroniques a continué à faire l’objet d’une demande extraordinairement élevée selon le communiqué du groupe. C’est le cas des semi-conducteurs à très faible consommation d’énergie d’EM Microelectronic-Marin, ainsi que des produits de haute technologie de Micro Crystal destinés aux leaders du marché des appareils mobiles et de l’industrie automobile et médicale. Le chiffre d’affaires du segment, auquel appartiennent également le producteur de piles Renata et le chronométreur Swiss Timing, se monte à 371 millions de francs, soit 18,2% de plus que l’année précédente.

Les annonces de résultats ont été bien accueillies par les marchés. L’action a ainsi poursuivi son parcours haussier depuis le début de l’année (+13,6%), en gagnant 2,8% à 315 francs.

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Les corrections suivantes ont été apportées à l'article:
- La baisse de 30% en Chine concerne le quatrième trimestre et non l'exercice fiscal
- Le bénéfice opérationnel n'est pas en baisse mais en hausse de 13,4%
- Il n'y avait pas 180 magasins mais 110 en mars 2022. Le groupe comptait 180 points de ventes de la collection MoonSwatch à la fin de l'année.
Nos excuses à Swatch Group et à nos fidèles lecteurs pour ces erreurs.