Toshio Tokura: «Citizen a presque complété son portfolio»
Horlogerie
Le président du groupe horloger japonais inaugurait la semaine dernière l’extension de la manufacture Frédérique Constant. Toujours méfiant vis-à-vis des smartwatchs, Toshio Tokura affirme que la présence de ses différentes marques à Baselworld l’an prochain est encore en suspens

«Inextricable» semble un bon qualificatif. L’organigramme du groupe horloger japonais Citizen est un véritable dédale pour le non-initié occidental qui chercherait à comprendre quel rôle occupe exactement quel employé. Seule certitude: Toshio Tokura, qui a occupé le poste de president and CEO ces sept dernières années, vient de changer de casquette. Depuis avril, il est en effet director and chairman du groupe tokyoïte et a laissé sa place à Toshihiko Sato.
Un changement de poste qui ne l’a pas empêché d’assister, mercredi dernier, à l’inauguration de l’extension de la manufacture de Frédérique Constant. La marque, rachetée par le groupe japonais en 2016 avec ses deux sœurs Alpina et Ateliers deMonaco, a en effet doublé ses capacités de production sur son site de Plan-les-Ouates (GE) moyennant un investissement de 10 millions de francs. D’ici à 2024, le nombre d’employés sur le site devrait doubler.
Il y a trois ans, lors d’une interview dans ces colonnes, vous disiez «ne pas exclure d’autres rachats en Suisse». Rien ne s’est concrétisé depuis?
Non, en effet. Mais, pour Citizen, l’important est aujourd’hui de réaliser des synergies à l’intérieur du groupe pour améliorer encore son efficacité. Un exemple: l’unification du réseau de vente, que ce soit aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou ailleurs en Europe. Nous devons nous concentrer là-dessus et pas sur des rachats d’autres marques. Ce d’autant qu’avec Frédérique Constant en 2016, nous avons presque complété notre portfolio.
Lire aussi l’interview publiée en 2016: «Citizen n’exclut pas d’autres rachats en Suisse»
«Presque»?
Oui, il y a toujours des segments de prix où nous ne sommes pas présents, par exemple dans le très haut de gamme. Mais, pour l’heure, nous ne pouvons pas nous permettre d’acquérir une nouvelle entreprise et devons nous concentrer sur les synergies. Nous devons en outre faire encore plus d’efforts pour fournir des montres qui offrent une vraie valeur ajoutée et séduire ainsi la classe moyenne, qui est en progression dans le monde entier (en Chine, en Indonésie, en Inde…).
Depuis quelques semaines, le monde horloger bruisse de rumeurs sur la vente de Patek Philippe. Vous n’êtes donc pas sur les rangs?
Non, bien sûr! (Rires.)
Revenons à Frédérique Constant. Trois ans plus tard, êtes-vous toujours satisfait de cet achat?
Tout à fait. Nous n’avons pas eu de mauvaises surprises. Cette diversification de segment [Frédérique Constant vend des montres valant entre 800 et 3000 francs] était vraiment importante pour notre groupe. Nous avions compris que Citizen seule ne pouvait pas satisfaire les goûts et attentes de tous les consommateurs. Avec Frédérique Constant, mais aussi Bulova aux Etats-Unis [rachetée en 2008, active sur le segment 200-600 francs], nous sommes déjà mieux armés.
Via votre holding suisse Prothor, rachetée en 2012, vous détenez également d’autres marques suisses: Arnold & Son et Angelus, à La Chaux-de-Fonds (NE). Ces dernières années, ces marques n’ont pas fait beaucoup de bruit… Quels sont vos projets pour ces deux entreprises?
Pour l’heure, nous n’avons pas d’ambitions. Il faut y aller étape par étape et l’important est maintenant de dépenser toute notre énergie pour Citizen, Bulova, Frédérique Constant et Alpina. Les deux marques que vous mentionnez sont actives sur un marché de niche, pour des collectionneurs.
Selon nos informations, elles pourraient rejoindre le Salon international de haute horlogerie de Genève l’année prochaine…
En effet, nous sommes en train d’étudier cela, mais rien n’est encore décidé.
Plusieurs de vos marques sont présentes à Baselworld. Suite aux bouleversements qu’a rencontrés la manifestation ces derniers mois, allez-vous y rester?
Historiquement, la manifestation était très importante pour nous. C’était là que l’on réalisait nos grands lancements et que nous présentions nos plus importantes nouveautés, comme toutes les autres marques. Mais les temps ont changé. Cette semaine, le directeur de Citizen va justement rencontrer les équipes de Baselworld au Japon; c’est un bon signe qu’elles soient venues à Tokyo, la communication s’améliore, alors qu’il n’y avait aucune discussion avec la précédente équipe. Toutefois, nous n’avons encore pris aucune décision pour l’an prochain. Nous allons en discuter à l’interne prochainement.
A l’époque, vous sembliez relativement mitigé quant aux smartwatchs et à l’avenir que vous leur réserviez au sein de cette marque. Selon les chiffres donnés par le président de Frédérique Constant, Peter Stas, 15% des montres Frédérique Constant et 30% des montres Alpina sont connectées. C’est tout de même beaucoup!
Oui, cela fonctionne bien. Mais il faut admettre que, si l’on excepte Apple, aucune marque n’a encore vraiment réussi à percer dans les smartwatchs. Pourtant, ce segment prend chaque jour de l’importance, si l’on en croit les données des cabinets que l’on consulte. Alors, oui, Citizen fait des montres connectées, Bulova aussi, Frédérique Constant aussi. Nous avons d’ailleurs récemment annoncé une collaboration avec le groupe américain Fossil sur ce champ-là, car nous voulons être prêts lorsque le marché décollera vraiment. Pour l’heure, ce n’est pas le cas.