Six ans. C’est le temps qu’il aura fallu pour voir apparaître sur le marché la première montre certifiée Master Chronometer qui ne sorte pas des chaînes de production d’Omega. Lancée mardi par Tudor – société sœur de Rolex –, la Black Bay Ceramic vient attaquer la marque biennoise sur un terrain qu’elle occupe seule depuis 2015. Avec son prix de 4500 francs, elle est près de deux fois moins chère que le premier modèle équivalent proposé par l’entité de Swatch Group, la Seamaster Diver 300M Black Black, vendue 8600 francs.

Cette certification développée il y a six ans par Omega en collaboration avec l’Institut fédéral de métrologie (Metas) est l’une des plus exigeantes sur le marché horloger. Elle impose que la précision d’une montre ne varie que de 0 à +5 secondes sur 24 heures. Mais aussi que son mouvement résiste à des champs magnétiques de 15 000 gauss, soit l’équivalent de ce que produit une IRM dans un hôpital. Les garde-temps certifiés ne seront ainsi pas déréglés par les champs magnétiques rencontrés au quotidien, qu’ils émanent d’un smartphone ou de l’aimant d’un sac à main.

Argument marketing

Depuis le lancement de son premier modèle certifié, la Globemaster, Omega a fait du label Master Chronometer un argument marketing majeur, appliqué aujourd’hui à pratiquement toutes ses collections. Une visite au siège de la marque suffit à le constater, au travers d’un grand panneau explicatif et d’un dispositif de démonstration permettant de vérifier la résistance des montres aux champs magnétiques puissants. Il est également possible d’observer les lignes de tests – qui durent une dizaine de jours – ainsi que le laboratoire de Metas, sorte d’Etat dans l’Etat auquel les collaborateurs n’ont pas accès, présent dans la manufacture.

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Car si les marques procèdent elles-mêmes aux contrôles des montres, elles sont ensuite soumises à une vérification de l’Institut fédéral de métrologie, par échantillonnage. Contacté, Gulian Couvreur, chef de la certification chez Metas, ne dévoile pas le coût de la procédure par pièce, qui relève du secret d’affaires: «Il s’agit d’une activité commerciale qui n’est pas financée par le contribuable. Nos frais doivent être couverts, ce dont s’assure la Confédération. Les prix dépendent de divers paramètres et sont réglés par contrats avec nos clients.»

Des parts de marché à prendre

En ce qui concerne Tudor, le rapprochement avec Metas a commencé à fin 2019, poursuit Gulian Couvreur. L’institut dispose également d’un laboratoire dans la manufacture de Genève. Un porte-parole de la marque confirme que le lancement de la Black Bay Ceramic a demandé plusieurs années de travail: «Nous voulions démontrer que nous pouvions remplir les conditions d’une certification publique particulièrement exigeante, tout en restant dans les gammes de prix qui nous sont propres.» Le montant de l’investissement – qualifié de substantiel – n’est pas dévoilé. Il concerne la recherche et le développement, mais aussi la mise en place de lignes de tests et l’adaptation des processus industriels.

Est-ce aussi une manière de marcher sur les plates-bandes d’Omega? La marque ne commente pas, mais il est probable qu’elle entende gagner quelques parts de marché grâce à cette nouvelle offre. Sans préciser ses ambitions en termes de volumes, Tudor indique qu’«il ne s’agit pas d’une série limitée et que cette pièce livrée mardi dans 1600 points de vente est appelée à rester au catalogue pendant plusieurs années». La certification pourrait également être appliquée à d’autres modèles équipés de mouvements manufacture à l’avenir.

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Du côté de Bienne, Omega indique au Temps être «heureuse – et fière – de voir d’autres horlogers adopter le plus haut niveau de test de l’industrie, car l’intention a toujours été de produire un processus de certification ouvert à l’ensemble du secteur horloger».

Attaque stratégique

Pour Olivier Müller, expert horloger chez LuxeConsult et blogueur au Temps, l’annonce de Tudor est très positive pour Omega, qui voit ainsi sa certification légitimée. Mais cela n’en constitue pas moins une attaque stratégique: «Rolex montre ainsi que sa seconde marque est capable d’atteindre le même niveau de précision que le numéro deux helvétique, et qu’elle pourrait elle-même le faire si elle le souhaitait. L’image des deux marques va en bénéficier, tandis qu’Omega devra mener des réflexions sur la manière de présenter ses produits.»