Le géant genevois du luxe Richemont a annoncé vendredi un bond de 61% de son bénéfice net annuel à plus de 2,1 milliards de francs. Soit légèrement en deçà des estimations des analystes, qui se montaient à 2,83 milliards de francs. Le différentiel a valu à son titre une chute de plus de 11% à la bourse suisse. «La marge excluant les coûts extraordinaires est quand même très probante avec un bon de plus de 800 points de base, note Jean-Philippe Bertschy, analyste des biens de consommation chez Vontobel. Les attentes étaient très hautes et le levier opérationnel a été surestimé. Le fait est que la société a beaucoup investi et dispose maintenant de marques très fortes dans ses métiers de base. Richemont peut regarder l’avenir d’un air serein.» Et l’analyste de souligner que rarement une période avait été aussi mouvementée, avec des marchés extrêmement volatils induits par le cocktail pandémie, guerre en Ukraine et inflation.

Le chiffre d’affaires de Richemont s’est, quant à lui, accru de 46%, atteignant un niveau record à plus de 19,6 milliards de francs sur son exercice 2021-2022 décalé (clos au 31 mars).

C’est le continent américain qui a crû le plus fortement, avec une augmentation globale de 77%. Il représente désormais 22% des ventes du groupe, derrière l’Europe (23%) et l’Asie-Pacifique (41%). Le Moyen-Orient et l’Afrique ont vu leurs ventes croître de 53%, l’Europe de 51%, le Japon de 35% et l’Asie-Pacifique de 28%.

A l’instar des autres acteurs du secteur, Richemont profite d’une tendance qui semble se confirmer: en période de crise, le luxe est devenu une valeur refuge. Et cela concerne aussi bien le département joaillerie qu’horlogerie. C’est entre avril et juin 2021 que la progression s’est avérée la plus marquée, avec une hausse globale de 276% pour le continent américain et de 154% pour le Moyen-Orient, les deux marchés qui ont connu la plus forte performance. L’augmentation la plus faible durant cette période concerne l’Asie-Pacifique mais se monte tout de même à +98%.

L’horlogerie en verve

C’est sans surprise le secteur horloger qui progresse le plus, avec un bond des ventes de 50%, soit un chiffre d’affaires de 3,5 milliards de francs. Les marques du groupe, IWC Schaffhausen, Jaeger-LeCoultre, Panerai, Piaget, Roger Dubuis et Vacheron Constantin, réalisent ainsi un bénéfice de 593 millions d’euros. Presque toutes les maisons ont dépassé leurs niveaux de ventes d’avant la pandémie et comme pour les autres secteurs, c’est le marché américain qui fait la différence.

Une progression qui s’inscrit dans la tendance actuelle de l’horlogerie haut de gamme, qui voit ses résultats battre des records. Comme l’a souligné Johann Rupert, le président et fondateur du groupe, depuis quelques années, les clients sont toujours mieux éduqués en matière de montres et connaissent leur sujet. «Lorsqu’ils entrent dans les boutiques, ils savent précisément ce qu’ils veulent. Un phénomène qui s’est accentué avec le covid.» Le groupe se réjouit également de l’attrait accru pour le haut de gamme des millennials (nés après 1980) et de la génération Z (nés après 1997), qui laisse augurer de beaux jours pour la branche.

Sans oublier qu’à l’heure où la méfiance à l’égard des institutions ne cesse de croître, les garde-temps sont devenus des valeurs refuges. En témoignent les records battus lors des dernières ventes aux enchères de modèles iconiques.

La joaillerie n’est pas en reste

La joaillerie, qui contribue à plus de la moitié du chiffre d’affaires du groupe, a vu ses ventes bondir de 47% hors effets de changes. Les trois maisons de joaillerie du groupe, la milanaise Buccellati, ainsi que les parisiennes Cartier et Van Cleef & Arpels ont franchi pour la première fois le seuil des 11 milliards d’euros de ventes et un bénéfice de près de 3,8 milliards. La croissance a été la plus forte dans le réseau de magasins gérés en propre par les marques, qui a contribué à plus de trois quarts des ventes de ce secteur d’activité.

La mode et ses accessoires, qui englobent les sacs à main Delvaux, les stylos Montblanc ou encore la marque de mode Chloé, ont, pour leur part, vu leurs ventes augmenter de 51%.

Johann Rupert, dans son rapport, relève que le marché est confronté «à un environnement mondial qui est le plus instable que nous ayons connu depuis de nombreuses années». Le groupe peut toutefois s’appuyer sur une répartition géographique relativement équilibrée de ses maisons, ainsi que sur une trésorerie nette qui s’élevait à 5,3 milliards d’euros à la fin du mois de mars 2022. «Une source de stabilité face à la volatilité à venir. Nous nous efforcerons de conserver l’agilité et la flexibilité nécessaires pour gérer les incertitudes mondiales», conclut le président.

A noter que pour l’exercice écoulé le groupe va relever son dividende de 13%, à 2,25 francs par action.

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