Tourisme
L’addition de la crise du coronavirus s’annonce particulièrement salée pour le tourisme. Les milieux concernés demandent des mesures de soutien qui vont de contributions à fonds perdu pour les hôtels et les restaurants à la distribution par l’Etat de bons à la population, lorsque la reprise s’annoncera

D’abord l’euphorie, puis le néant. Le 27 février, l’Office fédéral de la statistique annonce une année record pour l’hôtellerie suisse qui a enregistré près de 40 millions de nuitées en 2019. Du jamais vu. Les établissements du pays ont accueilli davantage de clients suisses et étrangers, la hausse étant un peu moins marquée pour ce dernier segment.
Mais ce jour-là, les milieux touristiques ont déjà le regard rivé sur l’Italie où le coronavirus a commencé son travail de sape. Même s’ils sont très préoccupés, ils sont loin de se douter de l’ampleur du cataclysme qui les attend. Le 16 mars, les restaurants doivent fermer. Le Conseil fédéral autorise les hôtels à poursuivre leurs activités, ce qui contraint le Conseil d’Etat valaisan à revenir sur son décret de fermeture promulgué plus tôt.
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Une perte d’au moins 6,4 milliards en 2020
Ouverts pour qui? Selon HotellerieSuisse Valais, 95% des établissements du canton sont actuellement fermés. A Genève, le tableau n’est pas plus reluisant. Deux tiers des hôtels y sont fermés, estime Thierry Lavalley. Le président des hôteliers genevois précise que ceux qui accueillent encore des clients affichent des taux d’occupation avoisinant les 5%. Du jamais vu.
La situation est évidemment catastrophique
Cette expression qui s’imposait pour qualifier l’exercice 2019 est désormais de mise pour imager le calvaire que subit cette branche. Pour beaucoup, l’année entière est déjà à oublier, tant la confiance est primordiale dans un secteur «extrêmement sensible aux facteurs géopolitiques, économiques et sanitaires», comme le rappelle Véronique Kanel, porte-parole de Suisse Tourisme.
Effondrement de la demande et vague d’annulations
Une étude réalisée par la HES-SO Valais ose un premier chiffre pour mesurer l’étendue des dégâts à venir pour l’ensemble du secteur: 6,4 milliards de francs en 2020. Un montant à prendre avec des pincettes, tant il dépendra de la durée de la pandémie. Le risque est plus élevé pour les hôtels et les restaurants, observent Miriam Scaglione et Roland Schegg, coauteurs de l’étude. La probabilité d’une faillite est de 17% en Valais, 28% à Genève et 29% dans le canton de Vaud.
«La situation est bien évidemment catastrophique, confirme Patrick Bérod, directeur d’HotellerieSuisse Valais. Nous avons observé un effondrement immédiat de la demande, suivi d’une vague d’annulations et d’un tarissement de la demande pour le long terme. Seules quelques réservations pour l’hiver rentrent au compte-gouttes.» Visites virtuelles, vente de bons pour un séjour ultérieur, proposition d’espaces de télétravail pendant la journée… quelques initiatives sont tentées, «des soins palliatifs», ne peut que constater Miriam Scaglione, tant le manque à gagner est énorme.
Pas suffisant
A l’image de milliers d’autres entreprises, les établissements touchés recourent ainsi aux RHT (chômage partiel) et aux crédits-relais cautionnés par la Confédération. Cela ne suffira pas, prévient HotellerieSuisse. L’organisation faîtière des hôteliers craint que bon nombre de ses membres ne survivent pas. Elle demande que les crédits de moins de 500 000 francs bénéficient d’un taux d’intérêt de 0% au-delà de la première année prévue par le dispositif actuel. Elle fait aussi appel à la solidarité des bailleurs, des assurances et des réassureurs.
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Sa section valaisanne va plus loin. Pour elle, il faudra passer par des contributions «à fonds perdu». Elle vient de sortir un catalogue de mesures cantonales et fédérales visant à soutenir ses membres pendant et après la crise, que Le Temps s’est procuré.
Nous serons les derniers à sortir de la crise
Préparer la reprise. C’est aussi à cela que s’attellent les milieux touristiques, même s’ils devront faire preuve de patience. «Nous avons été les premiers à entrer dans la crise et serons les derniers à en sortir, analyse, lucide, Thierry Lavalley. Les hôtels sont par excellence des endroits où il y a une concentration de personnes.» Le directeur du Fairmont Grand Hotel Geneva n’attend dès lors pas de réel redémarrage avant le début 2021, craignant même des répliques qui paralyseraient le tourisme pendant deux à trois ans. Selon la société STR, spécialisée dans les données touristiques, les arrivées touristiques dans le monde ne retrouveront pas leur niveau de 2019 avant 2023.
Préparer l’après-coronavirus
Seule certitude: les Suisses seront les premiers à pouvoir à nouveau voyager dans le pays. Raison pour laquelle HotellerieSuisse Valais demande aux pouvoirs publics de donner un coup de pouce à ce marché. «Il peut s’agir d’un bon d’une certaine somme (connue sous le nom d’hélicoptère monétaire) et/ou d’une réduction fiscale en cas de voyage en Suisse», note Patrick Bérot, précisant que la mesure aurait aussi pour avantage d’offrir «un peu de bon temps pour oublier cette mauvaise période».
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La Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats recommande également de stimuler la demande indigène dès que ce sera possible. L’instance préconise de plus le renforcement des moyens de promotion lors du redémarrage de l’activité. «Un moment où il faudra mettre les bouchées doubles, prévient Véronique Kanel, car la concurrence sera féroce.»
Suite à la récession de 2009, Berne avait débloqué près de 39 millions de francs supplémentaires échelonnés sur trois ans. «Tous nos marchés principaux étant touchés, conclut la porte-parole de Suisse Tourisme, un montant en tous cas similaire pourrait être envisagé.»