Comment identifier les clients américains des banques suisses
L’invité
La tâche est un défi pour les établissements qui doivent s’adapter à la nouvelle réglementation Fatca
Directeur, Forensic, KPMG
Philippe Fleury, Associé, Responsable Advisory Suisse romande, KPMG
La Suisse, comme la plupart des autres pays du monde, est entrée en relation avec les autorités américaines suite à l’adoption par les Etats-Unis de la législation Fatca. Les banques sont priées maintenant de se mettre au travail et d’identifier les clients qui tombent sous le coup de Fatca. A cela s’ajoutent les exigences américaines concernant le service que les banques ont rendu aux clients américains ces dernières années (US Tax Program). Là aussi, les clients américains doivent être identifiés. Pour ce faire, les banques doivent traiter des masses importantes de données. Problème: la définition de client américain selon Fatca n’est pas la même que celle selon le US Tax Program. Petit tour d’horizon des problèmes que ces deux leges americanæ posent.
Identifier la situation fiscale d’une personne physique ne représente pas un degré de difficulté majeure. Cependant, identifier la situation fiscale d’une personne morale relève d’une tout autre échelle. En effet, la complexité de la structure inhérente à une personne morale fait que des indicateurs divers et variés de détermination du domicile fiscal (par exemple des titulaires, des cotitulaires, des signataires ou des procurataires) doivent tous être identifiés avant de pouvoir déterminer avec certitude la situation fiscale. Sans cette certitude, l’établissement financier n’est pas en mesure de pouvoir confirmer que tous ses clients ont été clairement classifiés et identifiés.
Dès lors, au travers du processus d’identification des clients étrangers, les établissements bancaires se posent de plus en plus de questions, dont la solution est parfois difficile ou longue à trouver: qui sont les bénéficiaires du compte, qui sont les signataires autorisés, qui sont les destinataires et bénéficiaires des ordres permanents, à qui sont effectués les ordres permanents aux Etats-Unis? Comment mettre en conformité le processus d’enregistrement des clients? Comment demander les documents complémentaires aux clients existants? Comment traiter les clients récalcitrants?
Dans ce contexte, des questions particulièrement complexes concernent l’identification, le traitement et l’exploitation par la banque des données (papier ou électroniques) qu’elle possède déjà: comment consolider les données de base client à partir de multiples systèmes d’information hétérogènes (CRM, KYC, transactions, etc.)? Comment automatiser les requêtes? Comment normaliser et standardiser les données? Comment traiter les divergences liées à la problématique de la qualité des données? Comment gérer les exceptions, tels que les trusts avec fonds américains pour des organisations à but non lucratif domiciliées aux Etats-Unis?
Selon les directives Fatca actuellement en vigueur, une liste de sept indices pertinents pour identifier les clients américains ont été définis. Ils comprennent la résidence américaine, le lieu de naissance américain, une adresse de correspondance aux Etats-Unis, un numéro de téléphone américain, un ordre permanent vers les Etats-Unis, une procuration attribuée à une personne avec une adresse aux Etats-Unis et, finalement, l’indication de la poste restante comme étant la seule et unique adresse existante définie au sein de l’établissement financier.
L’identification des clients américains selon le US Tax Program est plus complexe. Une approche descendante qui consiste à utiliser exclusivement les sept indices pertinents tels que définis dans les directives Fatca facilite la tâche d’identification de la clientèle américaine selon le US Tax Program. Si l’on applique strictement et limitativement les critères Fatca, seuls un certain nombre de champs sera recherché. D’autres établissements préfèrent utiliser une approche ascendante, avec un nombre d’indices beaucoup plus détaillé et plus exhaustif. Le premier objectif de cette recherche consiste à pouvoir assurer une meilleure complétude de l’analyse. Le second objectif consiste à pouvoir démontrer, en cas de demande de la part du fisc américain ou de la Finma, que tout ce qui peut être recherché électroniquement et peut représenter un lien avec une éventuelle américanisation du compte a été entrepris. En effet, de par l’hétérogénéité et la diversité des systèmes d’information bancaire, des données peuvent être dupliquées, saisies dans un système avec un format et dans un autre système dans un autre format, et des inconsistances peuvent survenir. Plus le nombre de critères de recherche est élevé, plus l’on augmentera le niveau d’assurance pour identifier la population répondant aux critères d’américanisation.
Prenons par exemple le critère du procurataire ou du signataire avec une adresse aux Etats-Unis. Selon les catégories définies au sein des établissements financiers, le terme procurataire est généralement et principalement dérivé dans des sous-classes comprenant le représentant autorisé, le bénéficiaire, l’ayant droit économique. Mais il se peut que ce procurataire puisse être l’administrateur, le tuteur, l’exécuteur testamentaire, le mandataire, le settlor ou toute autre personne. Pour que la recherche soit complète, il faut donc préalablement identifier tous les rôles possédant une autorisation de disposer des fonds du compte principal.
Dès lors, pour identifier les clients américains selon le US Tax Program, l’on estime à environ une centaine d’indices pouvant de près ou de loin répondre à ces critères de manière plus exhaustive qu’uniquement les sept indices Fatca. A titre d’exemple, une adresse postale, une adresse de résidence, une adresse de vacances peuvent toutes représenter une adresse américaine, pour une raison ou pour une autre. Parallèlement, hormis la première nationalité, les informations telles que la deuxième nationalité américaine, la présence d’une carte verte ou d’un US Permanent Residency sont également des critères d’américanisation.
La combinaison des exigences Fatca et des exigences liées au US Tax Program, ajoutée à la complexité des systèmes d’information, représentent un défi pour les banques. Il s’agit pour elles de faire se parler des systèmes informatiques et des collaborateurs qui n’ont pas l’habitude d’échanger, il s’agit d’identifier des données dans différents systèmes, d’être exhaustif si possible pour éviter les foudres américaines. Bref, il s’agit pour elles de rechercher les aiguilles au milieu de la botte de foin, sans avoir combien elles doivent en trouver au total.