Au bord du lac, le siège du Comité international olympique (CIO) pointe fièrement le bout de son nez vitré. Après plus de six ans de travaux, il a revêtu un habit futuriste, transparent et au design épuré. La Maison olympique, réalisée par IttenBrechbühl et 3XN – cabinets d’architecture respectivement suisse et danois –, accueille depuis le 27 mai les 500 collaborateurs de l’organisation.

A proximité de la plage de Vidy-Bourget et des ruines romaines attenantes, ses courbes se dessinent peu à peu à travers les feuillages. Sa forme aux lignes asymétriques rappelle celle d’un vaisseau. Sa masse imposante est adoucie par son architecture innovante. La magie opère une fois qu’on arrive à ses pieds: les panneaux vitrés, savamment positionnés, se succèdent et disparaissent au rythme de nos pas comme un éventail se refermant sur lui-même.

Transparence symbolique

Les vitres, qui constituent la majorité de l’édifice, permettent un jeu de miroirs et de voyeurisme discret. En effet, le CIO mise ici sur le symbolisme et vise à plus de transparence. Depuis l’entrée principale sur laquelle se reflètent les cinq anneaux olympiques, le passant peut entrevoir l’intérieur du siège: des collaborateurs en train de travailler, de se restaurer ou bien d’utiliser les équipements de la salle de sport.

La nature grignote le rez de ce bâtiment futuriste. «Nous avons conçu 2500 m² de verdure sur la plinthe extérieure pour réduire l’impact visuel», déclare l’architecte Robin Kirschke, responsable d’IttenBrechbühl pour la Suisse romande.

Le nouveau siège est accolé au château, où s’était installé le CIO en 1968. Classé monument historique par l’Etat de Vaud en 1971, celui-ci est devenu la prolongation du siège. Un corridor transparent permet de passer de l’un à l’autre. «Là, vous êtes parfaitement entre les deux», indique en tendant ses bras Marie Sallois Dembreville, directrice de la marque et du développement durable au CIO. «Les moulures d’origine ont été refaites. Il y aura ici plusieurs salles de réunion.»

La cafétéria, espace de discussion

La terrasse donne sur l’unique vestige du bâtiment détruit pour faire place au nouveau siège. «Nous avons conservé l’arche emblématique du lieu et quelques marches que nous allons transformer en dalles pour raconter l’histoire de l’organisation, détaille-t-elle en ouvrant la porte du restaurant. Pour répondre à nos objectifs, nous nous sommes vite aperçus qu’il valait mieux démonter pour reconstruire.»

A l'intérieur, la cafétéria a pour objectif d’être avant tout un espace de discussion. «Nous l’avons baptisée le Forum», précise Marie Sallois Dembreville, avant de pointer du doigt la statue d’un homme assis dans le jardin: «Nous travaillons toujours sous le regard de Pierre de Coubertin.»

Toutes les pièces de la Maison ont des noms qui font référence aux Jeux olympiques. Les différentes salles de réunion ou de conférence portent ainsi le nom de villes qui ont accueilli les JO, comme «Seoul», «Atlanta» ou «London». La décoration est épurée: du mobilier en bois clair, de la moquette gris clair et des touches de blanc. «Nous sommes une marque forte, iconique mais pas ostentatoire, souligne la directrice du développement durable. Ce sont les gens qui apportent de la couleur et de l’énergie!»

L'escalier, colonne vertébrale du bâtiment

L’élément le plus impressionnant reste l’escalier principal, inspiré des anneaux olympiques. Réalisé en chêne clair, ce puits de lumière est la colonne vertébrale du bâtiment. «Nous voulions une circulation verticale pour que les gens se rencontrent», décrit notre interlocutrice. Dans le hall principal, parsemé de plantes vertes, ses formes sont soulignées par de larges canapés disposés en arc de cercle, «un clin d’œil aux tribunes du stade d’Athènes».

Sur des écrans géants, un escrimeur, un cycliste ou encore un skieur. «Les athlètes ont été placés dans un studio avec des capteurs puis reconstitués en images de synthèse avec les couleurs olympiques. Nous sommes toujours entre tradition et modernité», indique la directrice du développement durable en souriant.

Marie Sallois Dembreville raconte avec une pointe de nostalgie la naissance de ce projet. Elle était dans son bureau quand Christophe De Kepper, directeur général du CIO, est entré pour lui dire: «Notre rêve de réunir tout le monde sous un même toit est enfin possible et tu vas t’en occuper!» Elle décide alors d’organiser un grand concours d’architecture. Sur la centaine de postulants, vingt ont été sélectionnés. «Le cabinet danois 3XN a répondu à tous nos critères et nous avons pu commencer les travaux», explique-t-elle.

Sous terre, un cimetière médiéval et des vestiges romains

Ces derniers ont réservé quelques surprises à l’organisation: «Nous avons découvert l’ancien port commercial de la ville romaine de Lousonna, des milliers de pieux et des tonnes d’amphores qui seront exposés au musée romain. Mais aussi 300 corps enterrés dans un cimetière médiéval.»

Au deuxième étage, Robin Kirschke explique: «L’une de nos priorités était d’avoir un maximum de lumière naturelle. Nous avons optimisé la forme du bâtiment pour y arriver.» Un point essentiel pour les collaborateurs de l’organisation. «Nous les avons interrogés sur leurs attentes, explique Marie Sallois Dembreville. Ils nous ont aussi demandé deux vues de qualité, sur le lac, le jardin ou la montagne, pour les endroits dans lesquels ils restent plus d’une heure.»

Le cabinet d’architectes IttenBrechbühl, associé aux danois 3XN, a supervisé l’avancée des travaux. «Le dynamisme de la façade rappelle le mouvement d’un athlète qu’on aurait photographié en rafale», indique Robin Kirschke en regardant le lieu prendre vie sous ses yeux. «Il n’y a pas eu d’imprévus, se souvient-il. Le plus grand challenge, c’était nous-mêmes. Nous avons dû faire preuve d’intelligence collective, car chaque point devait répondre à trois critères qui normalement ne vont pas ensemble: la symbolique, la fonctionnalité et la durabilité.»

Postes de travail modulables

Le CIO voulait de la flexibilité et souhaitait que les postes de travail soient ajustables. «Ce n’était pas évident techniquement, pointe l’architecte. Il fallait tout anticiper et s’assurer que l’acoustique, la lumière ou l’électricité soient fonctionnelles immédiatement. Il y a peu de bâtiments qui possèdent cette agilité.» Chaque étage dispose de cloisons modulables, d’espaces informels transparents, de salles de réunion et de cabines pour s’isoler. «Leur disposition est similaire et, pour que chacun se repère rapidement, nous avons défini une couleur pour chaque coin: rouge, bleu, vert et jaune. C’est intuitif», assure Marie Sallois Dembreville.

L’engagement en faveur de la durabilité est un point qui figure dans l’agenda olympique 2020. A ce titre, 80% du budget du nouveau siège est revenu à des entreprises locales. Le CIO a obtenu trois certifications. «Tout a été passé au peigne fin, assure la directrice du développement durable. Nous avons installé 1000 m² de panneaux solaires sur le toit, créé un réservoir d’eau de pluie pour les sanitaires, utilisé l’eau du lac pour le chauffage ou le rafraîchissement des espaces et mis à disposition des places de parc pour vélos et voitures électriques.»

La Maison olympique est «prête à accueillir toute la famille», résume Marie Sallois Dembreville. Qui, après toutes ces années, a de la peine à lâcher prise. Elle confie sa plus grande satisfaction: «Un collaborateur m’a appelée pour me dire qu’il avait ressenti la même émotion qu’au Village olympique. Je ne pouvais pas rêver mieux.»