Les nouvelles infrastructures sauvent le marché des bureaux genevois. En recul de 1% sur l’ensemble du canton en 2018, le prix des espaces professionnels ne se stabilise que dans le futur quartier du PAV (Praille Acacias Vernets), ou le long du tracé du CEVA. Soit autour des futures gares de la rive gauche, dans l’hypercentre genevois ou à Lancy-Pont-Rouge. C’est la tendance identifiée par le cabinet de conseil immobilier AMI International qui a publié mercredi son indicateur des loyers de bureaux (ILB).

Or ces quartiers sortant de terre poussent également à une «concentration de la demande de bureaux» autour de ces immeubles de qualité, bien desservis par les transports publics, par une sortie d’autoroute (pour le PAV) et devant bénéficier prochainement d’une connexion rapide avec la France voisine, souligne Bertrand Cavaleri. Le directeur d’AMI International en veut pour preuve la rapidité avec laquelle s’est déjà loué le tiers des 120 000 mètres carrés de bureaux de Lancy-Pont-Rouge, à plus de 500 francs le mètre carré par an.

Déménager pour plus petit

Une gageure au vu de la grisaille actuelle d’un marché où des surfaces neuves se monnaient à un prix d’appel de 350 francs le mètre carré. «Nous sommes sur un marché très endogène, qui n’est plus habitué aux grandes implantations, souligne Raphaël Reginato, coauteur de l’étude. Fini les surfaces de plus de 1000 mètres carrés. Plus les bureaux sont petits et plus la demande est élevée.»

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De fait, outre l’arrivée attendue d’Alcon en 2019, la division ophtalmologique de Novartis, ce sont davantage les délocalisations (Thomson Reuters ou Addax Petroleum, par exemple) ou les déménagements hors de l’hypercentre (Lombard Odier) qui ont marqué l’actualité immobilière. «Même sans compression de personnel, la tendance parmi les entreprises est de rationaliser pour prendre moins de surface», nuance Bertrand Cavaleri en évoquant un «marché de déménagement» porté par le télétravail ou le partage de bureau (desk sharing).

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Sous la pression d’entreprises toujours plus promptes à négocier avant les prises de bail, les loyers ont atteint leur plus bas niveau depuis quinze ans, avec -6% sur la période. La contraction atteint même -17% si l’on se réfère aux niveaux records de 2011-2012. «Les étrangers débarquaient alors et, bien qu’effarés par le faible niveau des équipements, prenaient ce qu’il y avait. Dans l’hypercentre, tout se louait pratiquement en moins de deux semaines», se souvient Bertrand Cavaleri, qui salue la montée en gamme actuelle des bureaux genevois. Après l’oreiller de paresse induit par le boum de la demande, les bailleurs s’étaient lancés dans des travaux de rénovation de leurs locaux.

Autant de place libre qu’à Bucarest ou Moscou

Le durcissement du marché n’a pas empêché le parc immobilier de continuer à s’étendre. En quinze ans, 430 000 mètres carrés supplémentaires de bureaux ont vu le jour (+10%) et 300 000 mètres carrés sont encore en construction à ce jour. Conséquence: le taux de vacance a encore progressé à 9,3% en 2018, soit le plus élevé de Suisse.

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Un pourcentage comparable, malgré quelques différences méthodologiques, à celui de Moscou, dont les entreprises vivent au rythme des sanctions américaines, ou à celui de Bucarest, en pleine poussée économique (6,9% en Roumanie en 2017).

Il faut dire qu’outre le fait que Genève inclut une partie de sa zone industrielle dans ses statistiques de bureaux, les 8500 mètres carrés d’espaces de coworking entrent directement en concurrence avec les bureaux traditionnels, tout en présentant des taux de remplissage bien supérieurs. Une tendance portée par la flexibilisation du travail. «Le modèle traditionnel de bureau n’était pas adapté aux jeunes entreprises, convient Bertrand Cavaleri. Le mètre carré restant plus cher dans les espaces de coworking, je suis convaincu que ceux qui rencontrent le succès finiront par s’installer dans leurs propres locaux.» Même si ces nouveaux espaces de travail sont souvent situés près des gares.