Comment les prix des maisons et des appartements réagissent-ils à la hausse des taux? Dans ce contexte, vaut-il mieux miser sur un courtier de la nouvelle ou de la vieille école? Et ces bornes électriques, qui doit payer pour leur installation? Ces différents thèmes seront abordés lors du 2e Forum Immobilier du Temps, le 4 mai prochain à Lausanne. Renseignements et inscriptions

C’était un pâturage où poussait de l’herbe verte. En dessous, une avenue qui part sur Lucens avec, notamment, un sympathique garage d’un autre temps qui regarde vieillir des carcasses de Skoda et un hangar où sont remisées des caravanes. En dessus, l’arsenal militaire aussi imposant qu’historique. C’était un hectare entier d’herbe verte, à la sortie est de Moudon (VD).

«C’était» car, aujourd’hui, ce morceau de campagne est parsemé de grues, d’engins de chantier, de structures en béton et d’un joli pavillon de vente jaune et noir avec des logos qui imitent le style bande dessinée. La construction a débuté il y a quelques mois et les immeubles colorés sortent de terre aussi vite que des jonquilles au printemps. Au total, 61 appartements sont à vendre dans trois immeubles tandis que trois autres bâtisses seront dédiées à la location.

Cinq cents habitants en plus

Et cela ne représente que la moitié du projet puisque, d’ici quelques mois, les phases suivantes devraient être lancées – autour de l’arsenal historique, lui, préservé. «S’il se déroule comme prévu dans son intégralité, avec le quartier Saint-Michel, la population de Moudon devrait passer de 6200 à 6700 habitants. C’est un projet très important et très beau du point de vue esthétique et environnemental. Si on l’ajoute à tous les développements d’infrastructures prévus, l’avenir de Moudon s’annonce radieux», s’enthousiasme la syndique Carole Pico.

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Derrière le projet, on trouve d’abord Jean-Bernard Buchs, l’homme de confiance du milliardaire français Claude Berda et administrateur de Saint-Michel Properties, société propriétaire du site. Il a contribué à plusieurs constructions d’importance en Suisse romande (quartier de l’Etang à Vernier, l’Ilot vert à La Chaux-de-Fonds, etc.). Pour gérer la vente des appartements et des immeubles, il y a Barnes-Gerofinance. «C’est un projet d’une très grande envergure. Nous travaillons main dans la main avec cette commune et on y croit beaucoup, affirme le président Jérôme Félicité. Moudon aujourd’hui, c’est comme Yverdon-les-Bains il y a vingt ans. Personne ne voulait alors y construire quelque chose et maintenant que les connexions sont faites avec le reste de la Suisse romande, on se rend compte de la qualité de vie là-bas. Nous faisons le pari que Moudon connaîtra le même destin.»

L’effet covid s’estompe

Seul hic – et bien que planifié de longue date –, le projet moudonnois est mis en vente à un moment peu propice. Car il y a encore deux ans, pendant et juste après la pandémie, tout le monde parlait d’un «exode urbain» des citadins vers la campagne. «Les choses étaient plus claires en 2021. La plupart des cadres qui avaient la possibilité de télétravailler avaient envie de nature et de campagne», note Véronique Calame, de l’entreprise JuraCool (qui accompagne les personnes qui s’installent dans le Jura).

Cela ne concernait pas que les personnes actives mais aussi des retraités qui sentaient le besoin d’aller à la campagne pour se protéger des risques sanitaires. «Un couple de retraités zurichois d’un très haut niveau avait si peur du covid qu’ils ont demandé à signer l’achat de leur propriété jurassienne non pas dans le cabinet du notaire mais dans son jardin», se souvient Véronique Calame.

En 2022, la situation change. L’inflation, la hausse des taux d’intérêt, les incertitudes générales sur l’économie ont mis un coup de frein aux ventes. «La plupart des gens se désengageaient des projets immobiliers», souligne Véronique Calame. Puis, début 2023, les affaires ont repris mais plus lentement. «Il y a davantage de négociations, de calculs sur les coûts des rénovations, de réflexion sur l’enveloppe énergétique du bâtiment…» constate-t-elle.

Pareil dans le reste du pays. «Ville ou campagne, un appartement neuf aujourd’hui coûte globalement 47% plus cher à l’achat qu’à la location alors qu’avec les taux négatifs, longtemps, ce rapport était inversé», commence par rappeler Fredy Hasenmaile, économiste spécialisé dans l’immobilier chez Credit Suisse. Conséquence: «On ne voit plus la même dynamique de marché. En plus, post-covid, les prix des maisons à la campagne ont beaucoup progressé et, avec les augmentations de taux, cela produit un cocktail pas très agréable pour qui cherche à acheter. La demande a donc baissé dans tout le pays.»

Différence achat/location

Le spécialiste pointe tout de même une différence importante entre achat et location. «Pour la seconde catégorie, les chiffres récoltés sur les plateformes de recherche d’appartements montrent que la demande à la campagne reste plus élevée qu’avant la pandémie. Il y a aussi une croissance dans les villes, mais, là, c’est la conséquence directe de l’immigration. Celles et ceux qui sont déjà en Suisse veulent, pour leur part, s’installer plus souvent dans la verdure.» Avec le cocktail inflation-taux d’intérêt, le spécialiste s’attend à une baisse des prix immobiliers dans les années à venir, à la ville comme à la campagne.

Il n’y en aura pas à Moudon. Même si les ventes affichées sur le site internet du développement immobilier progressent (très) lentement, Jérôme Félicité se montre catégorique: «On ne baissera pas les prix. D’abord, je rappelle que la vente sur plans a toujours été plus compliquée. Et oui, les ventes s’y font plus lentement vu le contexte mais se font quand même.» Il affirme que le projet du quartier Saint-Michel sera mené à son terme. En 2025, un nouveau quartier devrait donc être sorti de terre dans la campagne broyarde.