Immobilier: «La situation s’est bien détendue ces dernières semaines»
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Les taux ont beaucoup augmenté ces six derniers mois mais ils retrouvent des niveaux normaux ces dernières semaines, selon Sandrine Duvoisin, responsable de la clientèle privée de Retraites Populaires, qui a répondu aux questions des internautes du «Temps»

C’est une situation totalement inédite dans l’immobilier suisse. Ces derniers mois, les taux ont progressé, les prix grimpent et la demande continue d’augmenter. Pour comprendre ce phénomène, mais surtout pour répondre aux dizaines de questions reçues par les internautes, Le Temps a organisé un webinaire sur cette thématique, proposé par Retraites Populaires. Sandrine Duvoisin, responsable de la clientèle privée de l’entreprise vaudoise, a répondu aux dizaines de questions des internautes.
Le Temps: Le marché immobilier est dans une situation déroutante. Les taux montent, les prix aussi et la demande continue de croître. Que se passe-t-il?
Sandrine Duvoisin: On vit un paradoxe. Les taux montent notamment en raison de l’inflation, de la hausse des prix de l’énergie due à la crise en Ukraine. La demande reste soutenue à cause de la rareté des terrains et un taux de vacance (biens non loués sur le marché) extrêmement bas.
La demande va-t-elle arrêter de croître?
Les spécialistes de l’immobilier comme Wüest Partner et CIFI s’attendent à une petite correction dans les PPE (propriété par étages). En revanche, ils voient une stabilisation dans le prix des maisons individuelles, essentiellement dans le domaine de la propriété privée.
Et dans les biens de rendement?
On peut constater que certains établissements financiers ont une vue plus conservatrice. Mais les banques et la Finma (gendarme des marchés financiers) ont déjà pris des mesures, comme l’exigence de 25% de fonds propres pour l’achat d’un bien de rendement. Certains établissements financiers demandent même jusqu’à 35% de fonds propres. Ce sont des sécurités pour éviter des bulles immobilières.
Il y a une première question d’un internaute sur le renouvellement des hypothèques. Cet internaute doit renouveler son emprunt en 2023. Quelle est la bonne stratégie?
Il y a eu une très forte hausse des taux d’intérêt ces six derniers mois mais la situation s’est détendue ces dernières semaines. Pour un prêt à cinq ans, le taux d’intérêt s’articule autour de 2,5%. A dix ans, on est à 2,9%. Cette détente sur les taux nous rapproche des taux d’intérêt d’il y a dix ans. Mon conseil est de faire un prêt hypothécaire dit panaché, soit une partie avec un taux à court et/ou moyen terme, et une autre à plus long terme.
Et indexer son emprunt sur le taux Saron? L’ex-Libor?
Il faut toujours le comparer avec un taux fixe à un an. Les banques définissent le taux Saron à la fin du trimestre. Si le taux directeur de la BNS augmente, ce taux va grimper. Mais n’oubliez pas que vous avez des établissements qui ont un taux fixe sur une année qui est très intéressant. Cela vaut donc peut-être la peine de faire un renouvellement sur une année en attendant de voir comment évolue la situation. Quoi qu’il en soit, des taux à 2,5% sur cinq ans, cela reste intéressant. Je rappelle aussi que les établissements financiers calculent la capacité financière de l’emprunteur sur une base de taux à 5%…
A partir de quel âge n’est-il plus idéal d’investir dans un bien immobilier…
Il n’y a pas d’âge en particulier. Cela dépend plutôt de vos revenus (que vous soyez à la retraite ou actif) et de la fortune que vous avez. L’âge est secondaire dans la réflexion. Précisons encore qu’à partir de 50 ans, si vous achetez un bien pour une résidence principale et que vous souhaitez retirer de l’argent de votre deuxième pilier, votre caisse de pension va mettre des garde-fous et ne pas autoriser un retrait total.
Le système de financement immobilier en Suisse n’est-il pas propice à la création d’une bulle?
En Suisse, je rappelle qu’il faut apporter 20% de fonds propres alors qu’en France, par exemple, on peut quasiment acheter un bien sans apport. Je rappelle également qu’il y a une forte augmentation de la valeur des biens ces dix dernières années, ce qui donne une certaine marge de sécurité aux différents établissements financiers qui ont octroyé des prêts pour les appartements PPE et les maisons individuelles privées.
Si l’on possède le terrain, est-ce mieux de construire pour soi-même ou de louer?
Posséder le terrain vous place dans une situation idéale. Car si l’on reprend tous les points évoqués plus haut, c’est le coût du terrain qui a beaucoup augmenté ces dernières années et non le coût de la construction. Donc posséder du terrain est une véritable opportunité aujourd’hui. Pour répondre à la question: les deux options sont possibles, cela dépend de la situation et des projets personnels.
Que se passe-t-il si l’on n’a pas amorti notre achat à 66% quand on arrive à 65 ans?
Vous n’avez pas le choix. Quand vous achetez votre bien immobilier, la Finma impose à l’établissement qui vous prête de l’argent de faire les calculs afin de s’assurer que votre dette hypothécaire n’excède pas les deux tiers de la valeur de votre bien immobilier à l’âge de 65 ans. Il sera important d’approcher votre établissement financier pour connaître vos possibilités. Et s’il y a un accord de votre établissement, il sera intéressant de garder vos liquidités pour des projets comme des rénovations, l’adaptation de votre logement afin de rester le plus longtemps possible chez soi et d’autres projets comme complément de rente à votre retraite.
L’Etat va-t-il prochainement introduire des obligations en termes de rénovations énergétiques des bâtiments, y compris pour les privés?
Difficile de répondre à cette question. En occultant l’aspect politique, il est très intéressant de procéder à des investissements dans la rénovation de votre bien. D’abord car la rénovation énergétique va en augmenter la valeur. Ensuite car ces améliorations vont réduire votre facture d’énergie. Et finalement vous pouvez déduire cela de votre revenu imposable. Dans tous les cas, il est bénéfique de faire ces rénovations.
Les messages actuels sur la situation sont contradictoires. D’un côté les agences continuent de communiquer sur une hausse des prix et de la demande mais de l’autre j’ai l’impression que les biens mettent beaucoup plus de temps à être vendus. Qu’en pensez-vous, vous qui êtes sur le terrain?
Je pense que les ventes s’opèrent toujours, mais à un prix plus juste. Après l’effervescence sur la montée des prix, les établissements financiers ont aujourd’hui une approche plus conservatrice du marché et vont regarder à deux fois avant de financer l’achat d’un bien. Au vu des prix élevés et de la situation actuelle, une marge de négociation est possible.
Et quelle est la marge de négociation sur le taux d’intérêt? Est-il utile de faire jouer plusieurs banques ou assurances les unes contre les autres?
Qu’on devienne propriétaire ou qu’on renouvelle son taux hypothécaire, il faut se renseigner. Chaque établissement financier a des avantages ou des inconvénients. Le taux ne fait pas tout. Toutes les institutions offrent des avantages différents que ce soit lié aux rénovations énergétiques ou aux pénalités en cas de revente de l’objet, par exemple. Il faut faire une petite étude de marché.
Une internaute demande s’il est possible d’échelonner les travaux de rénovation de sa maison sur plusieurs années pour améliorer ses déductions fiscales?
Oui, tout à fait, mais il faut bien planifier ses travaux. Ce qui est important d’un point de vue fiscal, c’est la date de facture qui sera prise en compte.