Légumes Perchés a fait son introspection carbonique
Environnement
La start-up lausannoise, lauréate du Prix SUD 2020, a calculé l’impact écologique d’une ferme urbaine installée sur un toit d’immeuble. Mais elle a aussi travaillé sur les manières de compenser ses 12 tonnes de CO2 annuelles

Légumes Perchés est la lauréate du dernier prix SUD, décerné en décembre 2020 et dont Le Temps lance désormais la 4e édition. Ce prix récompense une start-up suisse qui développe un produit ou un service innovant, responsable et commercialisable. Intéressés? Déposez votre candidature sur le site de l’événement.
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Les légumes perchés de Légumes Perchés doivent-ils être moins perchés? C’est en quelque sorte la question centrale que s’est posée Constantin Nifachev, l’un des cofondateurs de la start-up lausannoise qui a gagné en 2020 le Prix SUD organisé par Le Temps.
L’an dernier, alors que la croissance de la PME s’accélérait et que les mandats se multipliaient, il a tenu à achever une mission qui lui tenait à cœur depuis les débuts de l’aventure: calculer l’empreinte carbone d’une ferme urbaine modèle. «Modèle», parce qu’elle n’existe pas encore. Mais l’un des mandats que pourrait bientôt décrocher Légumes Perchés ressemble beaucoup à ce projet type, confie Constantin Nifachev. «Cette idée correspond à notre volonté: avoir l’impact le plus raisonné et vertueux possible», ajoute-t-il.
Comme un ménage suisse
Après plusieurs mois de travail, il a d’abord eu besoin de comparer, avant de juger du résultat. Douze tonnes de CO2 par an, pour une exploitation agricole de 1600 m² sur le toit d’un immeuble, «cela correspond à peu près à ce que génère chaque Suisse». Selon l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), en effet, la pollution par habitant s’est élevée à 14 tonnes en 2015. «Un simple vol Zurich-New York, c’est déjà une tonne de CO2», ajoute-t-il dans la foulée, en étant conscient qu’il se compare ici avec l’un des mauvais élèves de la protection du climat.
On l’a compris, Légumes Perchés veut en être un bon, d’élève. Pour réaliser cette introspection écologique, la start-up s’est appuyée sur Zero Emission Group, une association estudiantine de l’EPFL. Dans le détail, environ la moitié de ces 12 tonnes d’émissions sont générées par la livraison et la montée du terreau sur les toits (5 tonnes). La surcouche de la dalle en béton et l’infrastructure de la ferme (robinetterie, station de lavage pour les légumes, pergola, tables et chaises, etc.) sont responsables d’une tonne de CO2. L’autre grand émetteur, ce sont les intrants (4 tonnes), et surtout le compost. Le reste des émissions sont réparties entre les machines et autres outils de maraîchage, les plantons ou encore l’utilisation d’une chambre froide.
Mais déterminer les émissions de CO2 ne constitue que la première moitié de l’exercice. «L’objectif a toujours été de définir comment compenser ces émissions, insiste Constantin Nifachev. Mais aussi de trouver des méthodes de compensation qui aient à la fois une vraie fonction sur le site d’exploitation et des bénéfices pour l’environnement.»
L’ombre des panneaux solaires
Là aussi, un modèle a été élaboré. L’installation de mares permanentes permettrait de compenser une tonne de CO2 par an. Planter 65 arbres, 1,43 tonne. Les 5 tonnes de légumes produites sur place, au lieu d’être importées, valent une économie de 1,25 tonne. Mais c’est grâce aux solutions apportées par l’agrivoltaïsme, qui combine panneaux solaires et ombrage pour les plantations sur une même surface (et qui est la spécialité d’Insolight, une autre finaliste du Prix SUD), que la majorité des compensations sont rendues possibles. Avec environ 70 m² de panneaux solaires, presque 9 tonnes d’émissions de CO2 peuvent ainsi être compensées.
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Mais dans ce calcul, les impacts sociaux de l’activité de Légumes Perchés – précisément ce qui avait fini de convaincre le jury du Prix SUD de lui attribuer le titre – ne sont pas inclus. Les ateliers potagers, la volonté de créer du lien social dans les quartiers où ses cultures sont plantées «sont des éléments qualitatifs beaucoup plus difficiles à mesurer», reconnaît Constantin Nifachev. Qui promet que ces bénéfices-là feront bientôt l’objet d’une analyse.
Ce qui aurait dû être fait différemment? «Cet exercice avait le potentiel pour nous faire changer nos pratiques», avoue Constantin Nifachev. Peut-être que dans certains cas spécifiques, il vaudrait la peine d’installer les plantations entre les immeubles, plutôt que sur leur toit. Mais le modèle de Légumes Perchés ne changera pas fondamentalement. Car «la réponse à la grande question, «Est-ce qu’il est raisonné d’occuper les toitures?» est oui, conclut-il. Surtout lorsqu’on tient compte de la place qu’on ne prend pas pour optimiser les espaces au sol.»
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