Les locataires impuissants face au risque d’explosion des loyers
Immobilier
AbonnéLes loyers vont fortement augmenter cette année, prévient Credit Suisse. La hausse du taux de référence n’est qu’une question de temps

L’heure n’est pas à la fête pour les locataires. Les logements se raréfient dans la plupart des régions et les loyers devraient renchérir d’environ 3% en 2023, souligne Credit Suisse dans une étude présentée mercredi à Lausanne. «L’atonie presque exaspérante» de l’activité de construction va bientôt entraîner le même genre de pénurie sur le marché des logements en location que sur celui de la propriété, estiment les experts de la banque.
En un an, le nombre de logements locatifs autorisé à la construction a encore baissé de 2800 unités pour atteindre le plus bas niveau enregistré ces dix dernières années. «Nous avons assisté à un renversement de tendance en un temps record, car nous parlions encore il y a trois ans de problème de suroffre sur le marché de la location. Aujourd’hui, tous les indicateurs annoncent une pénurie croissante», relève Sara Carnazzi Weber, économiste chez Credit Suisse.
Ces deux dernières années, le taux de vacance du parc de logements locatifs est tombé de 2,75 à 2,13% en moyenne nationale. La baisse devrait se poursuivre en 2023, à 1,75%. Et s’il fallait en moyenne 48 jours pour qu’un logement proposé par voie d’annonce trouve un locataire entre la mi-2019 et 2020, ce délai a fondu à 32 jours ces quatre derniers trimestres. «Les bailleurs sont à nouveau en position de force et les locataires doivent se contenter de ce qu’ils trouvent», résume Sara Carnazzi Weber.
Une aggravation de la pénurie
Cette tendance à la pénurie sur le marché du logement locatif se répercute de plus en plus sur les loyers, au grand dam des locataires. Après plusieurs années de baisse, les loyers proposés ont affiché un taux de croissance annuel de 1,6% au quatrième trimestre 2022, soit la plus forte progression depuis sept ans. Et la pression haussière risque de s’accentuer, prévient Credit Suisse.
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Les locataires échappent pour l’instant à l’augmentation du taux de référence applicable aux contrats de bail. L’Office fédéral du logement (OFL) a annoncé mercredi que celui-ci demeure inchangé à 1,25%, niveau où il stagne depuis mars 2020. Mais le relèvement n’est qu’une question de temps. Credit Suisse prévoit une hausse à 1,5% en septembre, alors que d’autres instituts l’anticipent dès le mois de juin. Certains loyers des baux existants pourraient ainsi être augmentés de 3%.
Alors qu’il s’élevait lors de sa création en 2008 à 3,5%, le taux de référence des loyers n’a cessé de baisser jusqu’à atteindre le plancher de 1,25%. Celui-ci est fondé sur le taux hypothécaire moyen des banques. Il a remplacé les taux variables pour les hypothèques des banques cantonales, déterminants dans le passé.
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L’autorisation d’adapter les loyers à la hausse ne sera toutefois valable que si le contrat de location est basé sur le taux de référence en vigueur jusqu’à présent. C’est typiquement le cas pour tous les baux conclus après mars 2020. Les locataires qui ont exigé une réduction du loyer à chaque baisse du taux de référence ou ceux qui l’ont même obtenue sans l’avoir demandée sont aussi concernés. Selon Credit Suisse, moins de la moitié des bailleurs pourront faire valoir le renchérissement des coûts d’intérêt en 2023.
L'explosion des charges
Comme le taux de référence n’a encore jamais été relevé depuis son instauration, il est difficile d’évaluer combien de bailleurs finiront par imposer une révision à la hausse. Ceux-ci sont, en règle générale, mieux informés des mécanismes et des règles du jeu du marché et mieux organisés professionnellement que les locataires, relevait Raiffeisen le mois dernier. Il faut donc s’attendre à un débat politique animé sur la réglementation en vigueur, estimaient les spécialistes de la banque.
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Au-delà du taux de référence, les bailleurs sont autorisés à répercuter 40% de l’inflation ainsi que l’augmentation générale des frais d’entretien et d’exploitation. Ce qui pourrait se traduire au final par des hausses des loyers existants de 4%. Toutefois, la majorité de cette augmentation ne prendra effet qu’en 2024 en raison du respect des délais de la loi sur le bail.
En outre, les locataires dont les logements sont chauffés aux énergies fossiles doivent s’attendre à une explosion des charges, à laquelle viendront s’ajouter de sensibles hausses de l’électricité dans certaines communes. Tout cela va inévitablement alourdir le budget des ménages. Nombre d’entre eux n’auront sans doute d’autre choix que de faire des concessions quant à la taille du logement ou la qualité de la localisation, conclut Credit Suisse.