Le jeudi 12 mai, Le Temps et Le Journal de l’Immobilier coorganisent leur premier Forum Immobilier, à Crissier. Un rendez-vous qui, à la différence de nombreux autres événements sur le thème du logement, s’adresse directement aux non-initiés que nous sommes tous.
Détails et inscriptions: events.letemps.ch/immobilier

Un chalet appartenant à la même famille depuis cinq générations. Une villa, propriété d’un couple de retraités depuis vingt-cinq ans. Une ferme transformée en plusieurs logements pour les enfants héritiers… En Suisse, les histoires de biens immobiliers sont multiples, mais elles ont en commun de s’écrire sur la durée. Selon l’Office fédéral du logement, la majorité des personnes à la recherche d’un bien désirent y passer leur vie entière et environ 20% d’entre eux souhaiteraient y rester durant plus de dix ans. Une récente analyse réalisée par MoneyPark confirme la tendance: seuls 3% des propriétaires actuels prévoient de vendre leur bien au cours des trois prochaines années, 15% au cours des quatre à huit années à venir.

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Les racines helvétiques

En comparaison à d’autres pays européens, l’accès à la propriété est un signe d’ancrage résidentiel en Suisse. «En France, en Angleterre ou en Belgique, les biens se vendent et s’achètent en fonction de l’évolution du style de vie ou du ménage, confirme Patrick Rérat, professeur de géographie humaine à l’Université de Lausanne. On peut même parler de carrière immobilière, puisque plusieurs transactions se cumulent sur une vie.»

Dans les régions du monde marquées par une histoire de mobilité, comme les Etats-Unis ou le Canada, l’achat est encore moins considéré comme un engagement à long terme. «Les transactions immobilières sont fluides: on vit avec un capital immobilier qui peut s’adapter aux circonstances de la vie, entre un premier studio proche de l’université, une maison dans un autre Etat pour un nouveau job puis une résidence pour senior», analyse Sandro Cattacin, professeur à l’Université de Genève. Selon ce spécialiste en sociologie urbaine, cette dynamique implique d’être culturellement à l’aise avec le changement de lieu de vie. Dans un pays comme la Suisse au passé sédentaire, c’est le désir de s’enraciner qui primerait.

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Plusieurs facteurs économiques renforcent cet attachement. «On peut citer la rareté des objets à vendre, l’accès aux ressources financières ou encore le système fiscal qui encourage les propriétaires à conserver un certain endettement et freine donc de nouvelles transactions», note Simon Wharry, directeur adjoint de la Chambre vaudoise immobilière. Il le confirme: la propriété incarne un facteur de sécurité et la pierre est toujours perçue comme une valeur sûre. Le marché ayant évolué à la hausse, les Suisses cherchent à se protéger contre l’inflation, tout en créant un patrimoine pour leurs vieux jours, d’où l’émergence d’une nouvelle clientèle d’acheteurs qui investit à long terme dans un ou plusieurs biens mis en location. La supposition que la valeur de son bien augmentera encore au cours des prochaines années est par ailleurs un motif pour ne pas vendre avancé par environ 16% des propriétaires selon de récentes analyses réalisées par MoneyPark. En parallèle, la volonté de transmettre le bien à sa famille concerne 31% d’entre eux. «Sans doute pour assurer un capital à la génération suivante, parie Simon Wharry. De plus en plus d’héritiers continuent de vivre dans les murs où ils ont grandi tout en développant si possible une partie du bien pour créer des loyers annexes et maintenir le patrimoine viable.»

Encourager la mobilité résidentielle

Les raisons du cœur entrent aussi en ligne de compte. Toujours selon MoneyPark, environ 67% des propriétaires actuels se disent très satisfaits de leurs conditions de lieu de vie. Et 30% d’entre eux invoquent l’attachement émotionnel pour justifier l’envie de rester dans les murs qu’ils ont achetés. Les experts interrogés s’entendent sur un point: l’accès à la propriété correspond à une représentation sociale de réussite, au rêve de maison avec jardin, de bien à soi que l’on peut adapter à son mode de vie. L’étude sur le logement idéal 2021 démontre que le logement a d’autant plus gagné en importance ces dernières années avec la pandémie: une personne sur deux souhaite désormais acquérir un (nouveau) bien immobilier.

Les Suisses gagneraient-ils à être plus infidèles en matière d’immobilier? A changer de biens en fonction de l’évolution du style de vie ou d’un changement de poste? Plutôt oui, selon les experts, car le phénomène d’inertie résidentielle a des conséquences néfastes. Trop de logements sont occupés par des personnes seules, après le départ des enfants, un divorce ou un décès. Et les longues distances entre les propriétés périurbaines et les centres d’emploi génèrent un lourd trafic de pendulaires. Dans ce sens, la propriété à court terme basée sur le modèle des coopératives est un modèle prometteur. «Aussi bien socialement qu’écologiquement, conclut Sandro Cataccin. Les coopérants qui achètent des parts peuvent se retirer facilement. Ils ont l’avantage de se sentir propriétaires tout en participant à un projet social, urbain et éthique.»