Elle ressemble à une gigantesque ruche qui monte vers le ciel, sauf que ses alvéoles sont rectangulaires, de couleur argentée, et produisent de l’énergie. Avec ses 633 m2, la façade solaire du Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM), inaugurée l’année passée à Neuchâtel, est l’un des exemples les plus spectaculaires de la nouvelle dynamique de la cité lacustre, qui puise de plus en plus d’énergie dans la lumière.

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Le toit du bâtiment voisin, le pôle d’innovation Microcity, n’est pas en reste avec ses 804 panneaux sur 1271 m2: disposés sur une couche de gravier, ils créent l’illusion d’une surface rayée, si on le regarde depuis les hauteurs de la ville. Un peu plus haut, justement, vers la gare, l’Hôtel des associations se distingue par ses «tuiles» photovoltaïques sombres et sobres qui n’enlèvent point de noblesse à ce bâtiment historique. Une alliance harmonieuse entre innovation et patrimoine, saluée par le Prix solaire suisse de 2015.

Depuis quelques années, Neuchâtel ne se pose pas seulement en berceau des technologies photovoltaïques, mais s’emploie à donner des exemples de leur intégration esthétiquement réussie en architecture. Dans la ville et à l’échelle du canton, le solaire a été hissé au rang des priorités, à côté de l’hydraulique, du chauffage à bois ou du biogaz. Dans le seul chef-lieu du canton, la surface des panneaux photovoltaïques a été multipliée par trente en l’espace de dix ans, passant de 600 m2 en 2006 à 20 700 fin 2015. Cet engouement s’accompagne d’efforts pour baisser la consommation des édifices anciens et d’une politique urbanistique qui fait la part belle à des bâtiments peu gourmands en énergie.

Bâtiment multi-énergie

Microcity, inauguré en 2014, en fait partie. Son toit solaire produit de l’énergie pour 64 ménages et sert de laboratoire à ciel ouvert pour les recherches dédiées au photovoltaïque. L’autre prouesse énergétique: le réseau de froid, une boucle souterraine qui amène l’eau du lac pour un rafraîchissement écologique de Microcity et de six autres bâtiments, dont l’hôpital Pourtalès et le CSEM.

«Notre but était de réduire la consommation d’énergie dans les phases de construction et d’exploitation, tout en augmentant la part des énergies renouvelables dans la ville», explique l’architecte Emmanuel Rey, associé du bureau Bauart et professeur au Laboratoire d’architecture et technologies durables de l’EPFL. L’utilisation d’éléments préfabriqués en bois et béton, la qualité environnementale du standard MinergieEco et la répartition des espaces en fonction de leurs besoins en éclairage s’inscrivent dans sa démarche. Ainsi, deux puits de lumière traversent les étages de haut en bas pour profiter au maximum de la lumière naturelle.

Espaces de respiration

Mais surtout, ce bâtiment emblématique illustre comment les enjeux écologiques influent sur l’approche urbanistique et architecturale. Microcity a servi de point de départ pour repenser le quartier aux alentours, transformé en une zone à mobilité douce. Comme contrepoids à la nouvelle construction, un jardin public, aménagé en terrasses, a vu le jour. Sa petite prairie et un bassin d’eau pluviale pour préserver la biodiversité font désormais la joie des promeneurs et des enfants du quartier. «Nous avons souhaité créer un bâtiment compact et fonctionnel pour dégager de l’espace libre et assurer une liaison piétonne entre la gare et le lac», commente l’architecte, pour qui l’économie d’énergie passe aussi par des solutions urbanistiques durables.

Un fonds solaire

La conception de Microcity, comme l’essor du photovoltaïque, est l’héritage du projet européen «Holistic», dont Neuchâtel a été l’un des partenaires de 2007 à 2013. L’objectif: trouver des solutions technologiques et architecturales pour économiser de l’énergie. La ville met en œuvre une série de projets sur une surface de 1,5 km2 dans le périmètre gare-Mail-Maladière (4700 habitants). Les économies réalisées – 23% ou 22 millions de kWh par an, correspondant à la consommation de près de 1200 ménages – prouvent que les quartiers durables ne sont pas que des mots. Entre autres, pendant cette période, la surface de panneaux solaires dans le «périmètre Holistic» a bondi de 400 m2 à 4500 m2, ce qui représente 80% de toutes les nouvelles installations photovoltaïques à Neuchâtel (5700 m2).

Depuis, ce secteur expérimental continue sa mue et insuffle dans la ville et ses alentours une énergie proprement nouvelle. Entre fin 2013 et fin 2015, 15 000 m2 de cellules photovoltaïques voient la lumière du jour à Neuchâtel, dont près de 7000 m2 dans l’ancienne «zone Holistic». Ainsi, le toit des piscines du Nid-du-Crô se recouvre de 700 m2 de cellules photovoltaïques et produit de l’énergie pour 50 ménages.

Selon Christian Trachsel, délégué à l’Energie de la Ville, sans ce programme européen, le secteur photovoltaïque aurait aussi évolué, mais pas à une telle vitesse: «Cette expérience a servi de déclencheur qui se faisait pour la première fois à l’échelle de tout un quartier et nous a donné envie de continuer les efforts au niveau de la ville.»

Les habitants se sont pris au jeu, pour améliorer l’isolation de leurs immeubles ou installer des panneaux solaires. Le fonds de soutien au photovoltaïque de la Ville, destiné aux privés, et le fonds solaire géré par le fournisseur Viteos ne sont pas étrangers à ce boom solaire, comme le prix, qui est tombé d’un franc par kWh à 15 centimes pour les petites installations.
Pour le moment, ce sont plutôt des panneaux traditionnels, à part quelques réalisations exceptionnelles.

Mais le solaire de Neuchâtel n’est qu’à son aube. Dans l’ancien «périmètre Holistic», Viteos ambitionne d’étendre son parc photovoltaïque à 11 centrales d’ici à la fin de l’année, et à une vingtaine dans cinq ans. Sur le territoire cantonal, leur nombre passera à 37, puis à 100. Les technologies évoluent aussi. Qui sait quelles innovations architecturales permettront les recherches au CSEM ou à Microcity. Peut-être, dans quelques années, Neuchâtel se construira un bâtiment en panneaux solaires blancs issus de ses laboratoires.