Le taux de référence, une épée de Damoclès au-dessus de la tête des locataires
Logements
AbonnéLa future hausse du taux de référence préoccupe l’Asloca. Près de la moitié des locataires pourraient voir leur loyer augmenter. Reste à savoir comment vont réagir les bailleurs

La rénovation des bâtiments doit impérativement s’accélérer si l’on veut atteindre nos objectifs climatiques, tout le monde est d’accord là-dessus. La question qui reste est «comment y parvenir»? Deux points de vue radicalement opposés se feront face lors du 2e Forum Immobilier du Temps, le 4 mai prochain à Lausanne. Renseignements et inscriptions ici.
Le mécanisme est encore souvent méconnu du grand public. Il est pourtant valable pour la fixation de tous les loyers en Suisse. Le taux de référence applicable aux contrats de bail stagne à 1,25% depuis plus de trois ans. Mais les choses devraient bientôt changer. Le taux pourrait augmenter le 1er juin, pour la première fois depuis son instauration en 2008.
Publié chaque trimestre par l’Office fédéral du logement (OFL), l’indice est basé sur le taux d’intérêt moyen pondéré des créances hypothécaires en Suisse. Puisqu’il est arrondi au quart de point, il faudrait que le taux moyen pratiqué par les banques augmente à 1,38% pour que le taux de référence passe à 1,50%. Lors du précédent relevé, il se situait à 1,33%. Une hausse en juin apparaît donc comme probable, selon les économistes.
Le taux de référence reste stable depuis mars 2020, malgré le retournement de tendance sur le marché hypothécaire. «Même si les nouvelles hypothèques sont désormais conclues à un taux d’intérêt plus élevé qu’il y a un an, la majeure partie est toujours constituée d’hypothèques conclues au cours des dernières années, et ce parfois à très long terme», explique Stefan Pulfer, collaborateur scientifique à l’Office fédéral du logement (OFL).
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Eviter la confrontation
Si le taux de référence passe de 1,25 à 1,50%, le propriétaire peut prétendre à une hausse de loyer de 3%, pour autant que le contrat de location soit basé sur le taux de référence de 1,25%. Moins de la moitié des locataires sont potentiellement concernés, selon une étude de Raiffeisen. Même après la première hausse, la majorité des baux continuera de reposer sur un taux encore plus élevé. Car ces dernières années, la grande majorité des ménages n’a pas exercé son droit de prétendre à une révision à la baisse et n’a pas exigé de loyer plus bas.
Pourquoi y ont-ils renoncé? Des démarches actives sont nécessaires pour obtenir une baisse de loyer, sauf si le bailleur a répercuté de lui-même la baisse du taux au cours des dernières années. Souvent, les locataires ne savent même pas sur quel taux de référence leur loyer a été conclu. «Beaucoup y renoncent pour ces raisons ou craignent une éventuelle confrontation avec le bailleur», relève Stefan Pulfer.
Seuls les ménages qui ont conclu des baux après mars 2020, qui ont exigé une réduction du loyer à chaque baisse du taux de référence ou l’ont obtenue sans l’avoir demandée sont concernés. Face à la minorité de locataires qui risquent d’être touchés, il est difficile d’évaluer combien de bailleurs finiront par imposer une révision à la hausse. A l’instar des baisses de taux, il n’y a pas d’automatisme vers le haut. «Il n’empêche, la proportion de loyers qui subira une hausse sera importante», estime Stefan Pulfer.
Souplesse des bailleurs?
«Les bailleurs sont en règle générale mieux informés des mécanismes et des règles du jeu du marché et mieux organisés professionnellement que les locataires. Les investisseurs institutionnels, notamment, sont tenus de générer un rendement pour les portefeuilles immobiliers de leurs clients. Rares seront donc les locataires concernés qui peuvent s’attendre à une certaine souplesse de la part des bailleurs», estiment les experts de Raiffeisen.
«Ces grosses augmentations de loyers vont peser sur les locataires et sont particulièrement problématiques dans le contexte actuel. C’est une très grosse inquiétude. Nous vivons déjà une flambée des loyers pour de nombreux autres facteurs comme l’augmentation des frais accessoires et l’inflation. Les ménages consacrent toujours plus d’argent pour le logement», souligne Pauline Crettol, secrétaire adjointe de l’Asloca (Association suisse des locataires).
«Nous invitons les locataires à prendre contact avec les sections locales de l’Asloca dès qu’ils se verront notifier une hausse de loyer afin de voir si celle-ci est justifiée et si elle ne procure pas un rendement abusif au bailleur.» Indépendamment de la question du taux de référence, les bailleurs sont aussi autorisés à répercuter 40% de l’inflation. Autrement dit, un renchérissement de 3% peut également se traduire par une hausse de loyer de 1,2%.
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Manque de logements
Frédéric Dovat, secrétaire général de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI Suisse), ne croit pas en une hausse généralisée des loyers quand le taux de référence augmentera. «Nous ne donnons pas de conseils aux bailleurs. Chaque cas doit se régler de manière individuelle», précise-t-il.
Et de faire remarquer que les relations sont plutôt harmonieuses entre les propriétaires et les locataires. Il en veut pour preuve un sondage publié en mai dernier à la demande de la section vaudoise de l’USPI et de la Chambre immobilière du canton, selon lequel 75% des 539 locataires vaudois sondés considèrent que leur loyer est correct, voire plutôt bon marché. «Ces données vont à l’encontre de certains préjugés», souligne-t-il.
Reste que la pénurie croissante des logements en location ne facilite pas la situation des ménages. Face au recul de l’offre dans de nombreuses régions, les loyers proposés augmentent depuis plus d’un an. Et la tendance devrait se poursuivre. «Il faut lutter contre la pénurie de logements, mais ce n’est pas en durcissant le droit du bail que nous allons y arriver. La priorité est d’alléger les procédures administratives et de revoir la loi sur l’aménagement du territoire afin d’augmenter l’offre de logements», estime Frédéric Dovat.