Les inégalités ont un impact négatif sur la croissance

Rapport L’OCDE montre que le creusement entre riches et pauvres pèse sur la croissance

La qualité de l’éducation pour les plus pauvres aurait un effet déterminant

L’accroissement des inégalités a un impact négatif sur la croissance et c’est le creusement des écarts entre les 40% des familles les plus modestes et le reste de la société qui pèse le plus lourdement dans cette dynamique. Par opposition, la réduction des inégalités, en particulier grâce à des investissements dans l’éducation, aurait un effet positif sur la croissance. Telles sont les conclusions d’un rapport publié mardi par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). «Les pays qui promeuvent une égalité des chances dès le départ sont ceux qui vont croître et prospérer», a commenté à ce sujet Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE.

Pour Michael Förster, l’un des auteurs en charge de ce rapport, «ce qui est frappant, c’est que l’impact négatif des inégalités sur la croissance est démontré dans les 21 pays étudiés. On ne peut pas dire que les inégalités sont responsables pour toute la perte de croissance, mais pour une partie au moins», explique-t-il. L’économiste autrichien note une convergence des pays vers un niveau d’inégalités plus élevé, avec une baisse relative de ce niveau pour la Grèce et la Turquie et une hausse dans tous les autres cas (à l’exception de la France, de la Belgique et des Pays-Bas, où le mouvement est minime).

Selon ce document, qui analyse l’évolution des revenus réels, la montée des inégalités aurait par exemple ôté plus de 10% de points de croissance au Mexique et à la Nouvelle-Zélande durant les deux dernières décennies avant la crise de 2008. En Italie, en Angleterre et aux Etats-Unis, la croissance cumulée aurait été entre 6 et 9% supérieure si les inégalités ne s’étaient pas aggravées. En revanche, une plus grande égalité a permis une hausse du PIB par personne en Espagne, en France et en Irlande, toujours avant la crise. L’OCDE indique que le coefficient de Gini, qui mesure l’inégalité des revenus dans un pays, a augmenté de 3 points (de 0,29 à 0,32) en moyenne dans tous les pays de l’organisation entre le milieu des années 1980 et 2012. Les 10% les plus riches y gagnent 9,5 fois plus que les 10% les plus pauvres, alors que ce coefficient s’élevait à 7 en 1980.

Ces chiffres sont-ils surprenants? «Dans la théorie économique classique, comme chez l’économiste Simon Kuznets par exemple, le développement économique apporte finalement une décroissance des inégalités. Or ici, il y a une sorte d’effet malin de la croissance», estime Michael Förster. «En Espagne, entre 2007 et 2012, détaille l’analyste, un ménage moyen a perdu entre 3 et 4% de revenus, ceux situés tout au bas de l’échelle entre 12 et 13%. Les riches espagnols ont aussi été touchés, avec une baisse de revenus d’environ 2% pour cette même période. Au total, deux tiers des pays de l’OCDE ont vu une baisse des revenus réels.»

Les analyses se sont concentrées sur la situation des 40% les moins riches. «Ce qui est mis en évidence, c’est que les écarts entre la classe moyenne inférieure et les plus riches, par exemple, ont un impact sur la croissance. Au contraire, dans un pays où ces inégalités se sont affaiblies, un impact négatif sur la croissance n’est pas observé», indique Michael Förster. La raison majeure serait à mettre en lien avec l’éducation. «Si les enfants reçoivent une éducation de qualité moindre, la pauvreté se transmet de génération en génération, ce qui a une influence sur la croissance», explique-t-il. Par ailleurs, «les politiques de redistribution par prélèvement et prestations n’augmentent pas nécessairement la croissance, mais elles ne la mettent pas en danger non plus. C’est une observation nouvelle qui montre qu’il y a une marge de manœuvre», selon Michael Förster. La Suisse n’est pas encore incluse dans le rapport.

«Les pays qui promeuvent une égalité des chances sont ceux qui vont croître et prospérer»