Des panneaux solaires colorés de Solaxess aux briques locales de Terrabloc, que sont devenus les premiers lauréats du Prix SUD?
Innovation
Lancement ce mercredi de la 5e édition du Prix SUD. Retour sur le chemin parcouru par les trois premiers lauréats de ce prix qui vise à distinguer une start-up suisse active dans le développement durable

Lancé en 2018 par Le Temps en partenariat avec Romande Energie, le prix SUD récompense chaque année une start-up qui propose un modèle d'affaires durable à fort potentiel. Les entreprises intéressées ont jusqu'au 15 mars pour s'inscrire à l'édition 2023 du concours: Renseignements et détails à l'adresse events.letemps.ch/prix-sud
«Surtout ne dites pas que notre film coloré se pose sur le panneau photovoltaïque car je vais recevoir des dizaines de téléphones de personnes intéressées. Celui-ci s’insère dans le panneau lors de la fabrication et on ne peut rien proposer pour les installations existantes. Ceux qui souhaitent passer à la couleur doivent changer de panneaux.»
La mise en garde est signée par Sébastien Eberhard. Le Neuchâtelois a fondé en 2015 la start-up Solaxess, qui devenait trois ans plus tard la première lauréate du Prix SUD lancé par Le Temps, en partenariat avec Romande Energie. La cinquième édition de cette initiative qui vise à identifier des start-up suisses durables particulièrement prometteuses débute ce mercredi (voir encadré), l’occasion de prendre des nouvelles des trois premières sociétés distinguées.
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«Ça a été dur mais maintenant nous sommes du bon côté», répond Sébastien Eberhard. «La crise énergétique a donné un sacré coup de boost aux panneaux photovoltaïques intégrés dans des bâtiments déjà existants», précise l’entrepreneur, qui espère franchir cette année le seuil de rentabilité.
Industrialisation plus longue que prévu
La mise sur le marché d’une innovation née en 2014 dans les laboratoires du Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) n’a pas été de tout repos. Avec le concours du centre de recherche technologique neuchâtelois, il a fallu repenser le procédé de production du film nanotechnologique qui devait teinter le panneau photovoltaïque, le premier choix n’étant pas compétitif sur les prix: «Nous avons perdu quatre années d’industrialisation mais avons réussi à diviser le prix par sept.»
Aujourd’hui, Solaxess travaille avec un sous-traitant en Chine avec lequel il a fondé une coentreprise, notamment parce que l’Empire du Milieu représente le principal marché pour son innovation. L’Europe n’est pas en reste et il vient de nouer un partenariat avec un fabricant allemand pour la production du film, l’idée étant à terme d’être à même d'«avoir une entreprise dédiée sur chaque continent».
Le film de couleur naît en revanche dans les locaux de l’entreprise, qui emploie sept personnes à Marin (NE). Le nuancier de Solaxess propose différentes couleurs mais actuellement, le brun et le «terracotta» sont très demandés, notamment pour recouvrir des toitures. «Avec ce type de couleur, on arrive à avoir 85 à 90% du rendement d’une installation classique noire.»
Des milieux de la construction trop frileux
Avec le Prix SUD, Sébastien Eberhard estime avoir gagné en visibilité: «Il nous en faut car nous avons de la peine avec les architectes, qui ne sont pas encore assez ouverts par rapport à nos technologies», conclut l’entrepreneur qui ambitionne de devenir le «leader mondial de l’esthétique dans le photovoltaïque». Prochains marchés visés, l’automobile et le nautisme.
«Terrabloc est toujours en vie, ce qui est déjà une bonne nouvelle.» Deuxième gagnante, en 2019, du Prix Sud, la start-up genevoise qui produit des briques à partir de déchets d’excavation a elle aussi résisté aux écueils économiques de ces dernières années. Son fondateur, Rodrigo Fernandez, ne cache pas avoir tout de même subi «un grand coup de massue avec la pandémie». «Nous avons un carnet de commandes en croissance mais nous observons une grande inertie et une résistance au changement dans la construction. Cette industrie a perdu un an et demi de travail avec la pandémie. Elle veut rattraper les pertes et fait ce qu’elle sait faire: couler du béton.»
C’est de l’autre côté de la Sarine que la solution développée par Terrabloc, qui souhaite réduire drastiquement le poids des émissions de CO2 d’un secteur polluant, trouve une oreille plus attentive, auprès de quelques architectes «plus engagés dans l’écologie du bâtiment». A Coire, un projet est par exemple en train de voir le jour, selon le modèle établi, à savoir un partenariat avec une entreprise locale pour la fabrication des briques, histoire de minimiser au maximum le bilan carbone. En Suisse romande, la jeune pousse travaille avec la PME vaudoise Cornaz, tandis qu’elle a trouvé un partenaire lucernois pour son projet dans les Grisons.
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Davantage penser local
Le soin apporté au caractère local de la fabrication fait partie des éléments qui avaient séduit le jury du Prix SUD. Une distinction qui a contribué à asseoir notre «crédibilité, mais ne remplit pas notre carnet de commandes», constate Rodrigo Fernandez. Sensible aux enjeux du développement durable, l’entrepreneur se montre quelque peu désillusionné face à une économie qui continue à se reposer sur des matières premières extraites dans des conditions problématiques à l’autre bout du monde.
«Il y a un énorme décalage entre la communication abondante faite autour de la crise climatique et la réalité», observe-t-il, souhaitant que «la société porte une attention beaucoup plus grande à des projets innovants et low tech, comme Terrabloc»
Selon lui, sans incitations ou aides étatiques, leur modèle peinera à se généraliser, alors que le temps presse. Et il suffit de franchir la frontière suisse pour découvrir une autre réalité. Une société française a reçu une subvention européenne de 5 millions d’euros (autant en francs) pour monter un projet similaire. «Nous, nous recevons des subventions à coups de 40 000 francs», conclut-il, non sans amertume.
Des framboises jaunes et des aubergines blanches
En 2020, la jeune entreprise vaudoise Légumes perchés avait succédé à Terrabloc au palmarès du Prix Sud. A l’instar de sa prédécesseure, elle ne mise pas sur de la haute technologie pour réduire l’empreinte environnementale de l’humanité mais souhaite promouvoir une alimentation durable et locale.
Il y a trois ans, ses concepts de potagers juchés sur des toits en ville ou nichés entre deux immeubles avaient valu à l’entreprise pas mal de sollicitations individuelles mais c’est sur des partenariats avec des écoles, des collectivités publiques ou des promoteurs immobiliers que repose son modèle d’affaires. «Nous n’avons pas encore trouvé la formule magique pour des projets de particuliers qui soient rentables», regrette Thomas Verduyn, l’un des géniteurs de la start-up qui «se porte bien». «Nous arrivons à fonctionner, vivre et développer pas mal de projets.»
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Parmi ceux-ci, une collaboration avec le journal Terre et Nature pour justement mettre à la portée d’un plus large public leurs ateliers «de la graine à l’assiette». «Nous essayons de ne prendre que des graines de légumes que les gens ne connaissent pas, explique l’entrepreneur. Par exemple, nous allons choisir des framboises jaunes ou des aubergines blanches pour que les gens reconnaissent quand elles sont mûres.» L’objectif recherché, c’est d’agir sur la chaîne alimentaire en passant par la consommation, sensibiliser par exemple au fléau qu’est le gaspillage alimentaire.
L’entreprise rencontre un peu plus de difficultés à développer son activité d’étude et de conseil en agriculture urbaine. A l’instar de Terrabloc, elle commence à recueillir un certain succès en Suisse alémanique où elle est en train de développer des concepts de quartiers immobiliers entre Berne, Bâle et Zurich.
2022 a été une année importante pour Légumes Perchés, qui a dégagé ses premiers bénéfices. «Nous ne faisons pas des superprofits mais notre but, c’est de pouvoir vivre de notre activité et réinvestir dans la recherche et le développement de surplus.»
La start-up est ainsi en train de démarrer un projet en collaboration avec l’EPFL pour optimiser la gestion de l’eau sur les toits, le but étant de minimiser l’impact des cultures urbaines, alors que les périodes de sécheresse se multiplient.
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Prix Sud 2023: appel à candidatures
Les start-up voulant participer à la 5e édition du Prix SUd doivent se démarquer par un modèle économique durable. Elles peuvent présenter leur candidature jusqu’au 15 mars, à l’adresse suivante, à laquelle vous trouverez également les conditions de participation au concours: https://event.inwink.com/prix-sud. Les noms des trois finalistes seront dévoilés le 26 avril, celui du vainqueur le 25 mai, à l’occasion d’une cérémonie de remise du prix.