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Comment interpréter la baisse des bourses et où investir?

La psychologie est, on l'oublie souvent, un facteur d'importance dans l'investissement,comme le montrent les études sur la «behavioural finance». En période d'incertitude, l'aversion pour le risque explique bien des comportements

Depuis quelques années, la globalisation ainsi qu'Internet permettent la diffusion quasi immédiate de la même information partout dans le monde. Dès lors, les marchés sont souvent considérés comme de plus en plus efficients. Mais, comme par le passé, ils demeurent toutefois le théâtre des plus spectaculaires exagérations, à l'enseigne de ce que le président de la Banque centrale américaine avait appelé l'exubérance irrationnelle (du Nasdaq notamment). L'efficience des marchés s'améliore certes tendanciellement mais ne saurait être parfaite, parce que certains moteurs des décisions de placement, telles la spéculation, l'avidité et l'angoisse, sont des traits propres à la nature humaine. Il existe d'ailleurs de nombreux ouvrages traitant de la psychologie des investisseurs.

Au-delà de l'anecdote, l'exubérance irrationnelle a été très sérieusement étudiée par l'Université de Princeton et, depuis 20 ans environ, une nouvelle discipline – appelée «behavioural finance» – s'est progressivement développée, spécialement en Australie; elle est même intégrée aux cours ordinaires de la prestigieuse Graduate School of Management de Californie. Autre exemple à l'Université de Saint-Gall où la théorie des jeux et la psychologie sont directement associées à l'économie politique. Lorsque la majorité des spécialistes (le fameux consensus) pense que, cette fois-ci, une situation économique ou financière est en train de structurellement changer, la notion de risque se dilue et les excès se profilent La bulle spéculative du Nasdaq hante les esprits en raison de sa proximité et de son éclatement qui continue de faire souffrir de nombreux investisseurs. Il est certes aisé de statuer après les faits mais ce n'est pas là notre propos. Sur le long terme, on sait que les bénéfices sont le principal déterminant du comportement boursier d'une action ou d'un secteur.

Pour se faire une opinion sur l'ampleur du phénomène de fascination que la Nouvelle Economie et le Web ont eue sur les investisseurs depuis 1998, il suffit d'observer le déphasage entre le comportement boursier et le développement des bénéfices du secteur mondial des hautes technologies, avec une même base de départ de 100 points. L'irrationalité ou plus simplement l'absence totale de réalisme ont prévalu, bien que la quantité et la disponibilité de l'information aient été assurées. C'est l'analyse, sa qualité et la capacité à projeter une réalité économique et financière qui ont fait défaut (graphique 1). Aujourd'hui les marchés boursiers sont très fragilisés par la perspective d'un fort ralentissement économique, vecteur de pression sur les bénéfices des entreprises. Est-ce la cause principale de leur grande déprime? Les perspectives conjoncturelles à court terme sont moroses: les profits reculent aux Etats-Unis où la Banque centrale abaisse rapidement ses taux d'intérêt directeurs, l'Europe ralentit et le Japon cherche de nouveaux remèdes au marasme. A un moment plus ou moins éloigné, la reprise se produira, ce qui redynamisera les profits.

Toute la difficulté reste de savoir si l'on a atteint le creux de la vague ou non en matière de cycle. Une longue convalescence de l'Amérique, envisageable en raison des déséquilibres importants qui y existent, pourrait retarder cette embellie. C'est ce que craignent les opérateurs qui désireraient voir aujourd'hui les résultats de l'action musclée entreprise par la Fed depuis le début de l'année. Par ailleurs, les «chocs extérieurs» sont devenus nettement plus fréquents ces dernières années comparé à la période d'après-guerre. L'écart de rendement entre les dettes des pays en voie de développement et les emprunts sans risque de la première puissance mondiale est un bon baromètre du climat général qui règne au sein de la communauté des investisseurs. Les pointes correspondent chronologiquement à la crise du peso mexicain, à la débâcle asiatique puis russe, à la déconfiture du hedge fund LTCM et, récemment aux problèmes turc et argentin. La tolérance au risque des investisseurs est en forte baisse lorsque ces situations se présentent. Il en résulte une défiance exacerbée pour tous les actifs «à risque» dont font partie les actions, bien sûr. La prime de risque exigée par les opérateurs augmente mécaniquement, indépendamment des fondamentaux et des perspectives bénéficiaires des entreprises, ce qui fait baisser leur cours…

On constatera que l'angoisse prévaut clairement à l'heure actuelle. Depuis le début de l'année 2001 d'ailleurs, l'aversion pour le risque au sens plus large n'a cessé de progresser, au fur et à mesure que des interrogations légitimes se sont posées sur l'existence même de nombreuses start-up dans le commerce en ligne, de multinationales des télécommunications, etc. (graphique 2).

On le voit, le climat n'est a priori pas propice aux marchés des actions dans l'immédiat. Leur baisse prolongée le consacre. La double question particulièrement difficile est de savoir si le recul a été suffisant et quand un retournement se produira. La reflation engagée par la Fed, et bientôt par la Banque centrale européenne, est un facteur de soutien pour autant que les agents économiques répondent à cette impulsion. Dans ce cas, quelques mois après la mise à disposition des liquidités, les marchés anticipent en principe l'amélioration des profits. Dans ce contexte, le deuxième semestre devrait donc être moins piteux pour les actionnaires. Ce d'autant que la globalisation a au moins une vertu, celle d'avoir favorisé une meilleure concertation politique en matière d'économie et de finance entre les grands blocs. Cette mobilisation a notamment permis d'éviter des conséquences graves et durables, grâce notamment à l'intervention rapide, voire même à l'anticipation, du FMI. L'affrontement entre haussiers et baissiers culmine au moment où la visibilité est faible et les échéances importantes proches: les données budgétaires de l'Argentine seront littéralement scrutées en octobre

En deux mots, les optimistes affirment que la déprime est excessive, alors que les pessimistes, craignant la longue traversée du désert de l'Amérique, prétendent que la baisse n'est pas finie… Pour notre part, nous n'anticipons pas de faillites majeures en cascade. Cyniquement, il faut se rappeler que les intérêts en jeu, pour ce qui concerne notamment les ex-ténors des télécommunications, sont trop importants. Où investir et comment? La sélectivité est néanmoins impérative. Des critères d'endettement, de solvabilité, de cash-flow positif retrouvent désormais toute leur légitimité lors du difficile exercice d'investir dans les secteurs de haute technologie. L'accentuation vraisemblable de la pente des taux en Europe sera un thème dominant ces prochains mois, qui profitera à certaines entreprises plus sensibles au cycle économique. Des opportunités se présenteront et il faudra avoir le courage de les saisir.