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Jean Lemierre, banquier-diplomate, préside désormais BNP Paribas

Cet ancien président de la BERD aura pour tâche prioritaire de renouer les liens entre la première banque française et les autorités hexagonales

a rejoint BNP Paribas en 2008 en tant que conseiller du président d’alors, Michel Pébereau. Il aura désormais pour tâche principale d’améliorer l’image de la banque. — © Bloomberg/Getty
a rejoint BNP Paribas en 2008 en tant que conseiller du président d’alors, Michel Pébereau. Il aura désormais pour tâche principale d’améliorer l’image de la banque. — © Bloomberg/Getty

Un banquier-diplomate pour présider BNP Paribas

France Jean Lemierre a remplacé lundi Baudouin Prot

Ancien président de la BERD, négociateur de l’accord entre la banque et les Etats-Unis, il partagera le pouvoir avec Jean-Laurent Bonnafé

Si Baudouin Prot, le président sortant de la première banque française, se comportait en «maréchal» d’Empire toujours prêt à de nouvelles conquêtes, son successeur a plus le profil d’un Vauban ou d’un Talleyrand: surtout doué pour la défense et la négociation. Président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) de 2000 à 2008, Jean Lemierre est, à 64 ans, plus perçu comme un homme du sérail bancaire international que comme un financier de haut vol, et réputé peu porté sur la prise de risques.

Recruté par BNP Paribas en 2008 comme conseiller de son président Michel Pébereau, puis reconduit dans ses fonctions auprès de Baudouin Prot, cet énarque (promotion Guernica, 1976 tout comme Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, ou Serge Weinberg, président de Sanofi) y a été l’homme de deux dossiers: celui de la restructuration de la dette publique grecque détenue par les créanciers privés comme négociateur en chef de l’Institute of International Finance (l’association des grandes banques internationales). Et celui de l’accord passé au printemps dernier avec les autorités américaines aux termes duquel BNP Paribas a reconnu avoir violé l’embargo des Etats-Unis, avec une amende record de 8,9 milliards de dollars à la clef.

Faut-il voir dans sa nomination, décidée le 26 septembre, l’ouverture d’une phase de «consolidation» pour BNP-Paribas, qui gérait fin 2013 558 milliards d’euros de dépôts et 620 milliards de crédits? «Sa tâche prioritaire sera clairement de redresser l’image de l’institution et de renouer ses liens plutôt tumultueux avec le Ministère des finances» nous confiait, en octobre, un haut responsable de la banque. Jean Lemierre ne sera d’ailleurs pas l’homme fort au sein de l’établissement, qui compte parmi ses actionnaires le Grand-Duché du Luxembourg (1%) et l’Etat belge (10%) à la suite du rachat de la banque Fortis en 2009. Ce rôle est largement rempli par l’actuel directeur général, Jean-Laurent Bonnafé, 53 ans, un polytechnicien ingénieur des mines titulaire de ce poste depuis 2008. Président de la Fédération bancaire française depuis l’an dernier, Jean-Laurent Bonnafé est connu pour éviter le contact avec les politiques, et ne pas courir les mondanités parisiennes où Michel Pébereau et Baudouin Prot ont en revanche longtemps brillé. Deux directeurs généraux délégués l’assistent: Philippe Bordenave et François Villeroy de Galhau. Ce dernier, ancien directeur de cabinet de Dominique Strauss-Kahn lorsqu’il était ministre des Finances (1997-1999), partage avec Jean Lemierre une intime connaissance des rouages de l’Etat et de la classe dirigeante hexagonale.

Plus que la personnalité du nouveau président de BNP-Paribas, c’est l’éclipse actuelle de ses deux prédécesseurs qui retient l’attention. Selon la presse française, Baudouin Prot aurait traversé une période de «burn-out» ces dernières semaines, et il vivrait très mal, tout comme Michel Pébereau, le relatif ostracisme affiché à son égard par l’actuel ministre des Finances Michel Sapin et son collègue en charge de l’Economie, Emmanuel Macron. «Ils étaient des banquiers stars. Ils sont devenus des coupables. Ils ne comprennent pas que le vent a tourné» explique-t-on au Medef, dont l’ancienne présidente Laurence Parisot siège au conseil d’administration de la banque.

Une affaire supplémentaire empoisonne cette succession: les deux hommes, ainsi que Philippe Bordenave, sont soupçonnés par la justice de «délit d’initiés». Le Canard Enchaîné a révélé qu’une enquête a été ouverte le 7 novembre par le parquet national financier pour la levée par ces derniers de stock-options d’un montant cumulé de près de 15 millions d’euros entre mars et août 2013, alors que les négociations avec le Trésor américain battaient leur plein.

Les intéressés affirment, eux, que leurs plans de stock-options arrivaient à échéance et rappellent que l’Autorité des marchés financiers (AMF) n’avait, à l’époque, rien trouvé à redire.

Plus que le nouveau président, c’est l’éclipse actuelle de ses prédécesseurs qui retient l’attention