C’est une sorte de révolution de palais, un effet rajeunissement proche d’une cure de jouvence. L’actuel directeur général et président de la marque horlogère Zenith (LVMH), Jean-Frédéric Dufour, 45 ans, va être nommé à la direction générale de Rolex. La prestigieuse manufacture genevoise a confirmé ce changement dans un communiqué envoyé lundi en début de soirée. Il s’agit du quatrième directeur de la marque à la couronne depuis 2008.

«C’est absolument génial pour lui. Il prend place sur le trône de l’horlogerie suisse», s’est réjoui pour lui Jean-Claude Biver, président de la marque Hublot et directeur général de la division horlogère de LVMH (donc patron direct de l’intéressé). L’information était parue sur Business Montres . Un collaborateur haut placé du groupe l’avait ensuite corroborée au Temps. La date de la transmission de pouvoir reste à définir.

Tout est allé très vite, selon Jean-Claude Biver, mis lui-même au courant en fin de semaine dernière. Rolex a simplement indiqué prévoir une communication au moment opportun.

Jean-Frédéric Dufour était arrivé à la tête de Zenith, manufacture neuchâtelois basée au Locle, en 2009. Chez Rolex, le Genevois succédera à Gian Riccardo Marini (67 ans), homme du sérail, nommé en mai 2011. Ce dernier remplaçait Bruno Meier, qui n’avait occupé ce poste que durant deux ans. Pour Gian Riccardo Marini, les observateurs avaient alors parlé d’une solution de transition, avant que Rolex ne trouve son nouvel homme fort. Jean-Frédéric Dufour est ancien de Chopard, Blancpain ou encore Ulysse Nardin.

Pour les spécialistes, cette nomination est une réelle surprise, tant ils privilégiaient une solution interne pour l’entreprise qui emploie près de 10 000 personnes. Tout le monde donnait d’ailleurs gagnant Daniel Niedhart, directeur des filiales étrangères du groupe. Le terrain pourrait dès lors être quelque peu miné pour le nouveau directeur.

Rolex, marque ultra-connue mais pourtant si discrète, est aussi le numéro un mondial de l’horlogerie dans le classement par marques, basé sur la production de mouvements de montres mécaniques. Le Contrôle officiel suisse des chronomètres (COSC) a certifié en 2012 exactement 798 935 calibres de la manufacture genevoise. Une progression de 6,34% par rapport à l’exercice précédent, durant lequel la marque à la couronne avait connu une hausse de 23%.

De par sa retenue au niveau de la communication, la marque alimente elle-même une sorte de mythe autour d’elle. On ne connaît pas son chiffre d’affaires, secret économique aussi bien gardé, par exemple, que la recette du Coca-Cola. «Si je vous le dis, je devrai ensuite vous tuer», est une plaisanterie qui circule à ce propos au sein de l’entreprise. Les analystes se perdent d’ailleurs en conjectures et en estimations. D’aucuns parlent de 3 milliards de francs de ventes. D’autres évoquent même un chiffre de 5 milliards de francs (avec la filiale Tudor). C’est en tout cas un saut de géant que Jean-Frédéric Dufour s’apprête à effectuer, puisque les ventes de Zenith plafonneraient à un peu plus de 200 millions.

Fin 2012, le géant genevois avait inauguré la gigantesque extension de sa manufacture à Bienne (BE). Rolex parachevait ainsi son processus d’intégration industriel vertical, maîtrisant à l’interne tous les pans de la fabrication d’une montre Ces travaux avaient duré une quinzaine d’années. Pour y parvenir, Rolex, connu pour la qualité et la durabilité de ses produits, n’a pas rechigné à la dépense. La somme de 1 milliard de francs a été avancée par certains pour chiffrer l’investissement représenté par les trois chantiers menés sur Genève entre 1998 et fin 2006, et destinés à regrouper des activités dispersées au préalable sur près de 17 lieux différents dans le canton. Avec comme résultat, tout comme à Bienne, une rationalisation des flux, l’intégration de nouvelles technologies, des économies d’énergie et l’augmentation de la productivité.

En ce qui concerne la succession de Jean-Frédéric Dufour à la tête de Zenith, Jean-Claude Biver a déjà des idées très concrètes. Des annonces seront faites sous peu, assure-t-il. Fils et petit-fils d’industriels genevois, le désormais ancien patron de Zenith a réussi à redorer le blason de l’un des fleurons horlogers du pays. La conclusion la plus poétique émane pour l’heure du site Business Montres: «Comme dans les contes de fées, la marque à la couronne s’offre un prince charmant.»