Le Temps: Des jeux vidéo dans les salles de cours, vous y croyez?
Isaac Pante: Et comment! Toute stratégie pédagogique implique d’aller chercher les élèves là où ils sont, et qu’enseignants et étudiants parlent le même langage. Aujourd’hui, les jeunes générations baignent dans les jeux vidéo, et de plus en plus d’enseignants sont également des joueurs. Il est très intéressant de mobiliser ces pratiques partagées à des fins pédagogiques.
Les jeux vidéo éducatifs ne sont pourtant pas nouveaux?
Non, ils existent depuis longtemps. J’ai moi-même passé beaucoup de temps sur Civilization et sa Civilopedia [l’encyclopédie intégrée au jeu, ndlr] et j’apprenais un tas de choses sur les grandes découvertes, etc. J’aurais aimé mobiliser ces savoirs en cours! Mais de mon temps, ce genre d’approche n’aurait pas été envisageable. Le jeu vidéo était alors considéré uniquement comme un divertissement et non comme un outil de médiation, voire un bien culturel à part entière.
Aujourd’hui, de nombreuses études ont établi que les contextes ludiques favorisent une vaste gamme d’apprentissages. Et nous étudions désormais le jeu vidéo en Faculté des lettres, au même titre que les romans et les films! Elèves et enseignants n’ont donc plus à se censurer.
En quoi les jeux vidéo et le numérique changent-ils la donne en termes de transmission de la connaissance?
C’est un sujet immense! Il existe un fascinant éventail de stratégies pédagogiques. Outre le rapprochement enseignant-élève, l’emploi du jeu vidéo peut construire chez les apprenants un regard particulier sur l’objet culturel lui-même. Comme l’a montré le cours public, jouer à un jeu sur l’Egypte antique offre une occasion de s’interroger sur cette représentation particulière de l’Histoire.
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Quant à l’impact du numérique, souvenons-nous simplement que les supports d’information ont un impact sur le message transmis et la pensée qui en découle. Le livre de poche a changé la littérature. Imaginez le numérique!
Aujourd’hui, les écoles sont encore sous-équipées en matériel numérique. Comment résoudre le problème?
Par une volonté politique qui se donne les moyens de ses ambitions. En 2017, la Confédération a émis un rapport sur les «Défis de la numérisation pour la formation et la recherche en Suisse» incitant les divers acteurs de la formation à promouvoir la culture numérique en Suisse. La Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) en a pris acte, si bien que l’informatique devrait devenir une branche obligatoire au gymnase à l’horizon 2022.
Ceci dit, les besoins en matériel peuvent grandement varier en fonction des scénarios pédagogiques et des contenus retenus. Avec des moyens bien différents de l’EPFL par exemple, voilà vingt-cinq ans que nous enseignons avec succès une informatique adaptée à un public de sciences humaines et sociales. Tout est affaire de stratégie pédagogique.