Julius Baer se débat avec la reprise de Merrill Lynch

Gestion La banque zurichoise a vu ses actifs gonfler d’un tiers

Le bénéfice et les marges ont déçu les attentes. Le titre a chuté de près de 6%

Julius Baer continue de grossir. La banque zurichoise a vu les actifs sous gestion de sa clientèle gonfler de 34% à 254 milliards de francs en 2013, a-t-elle déclaré lundi, lors d’une conférence de presse à Zurich. 53 milliards proviennent des activités de gestion de fortune internationale qu’elle a rachetées à Merrill Lynch. 7,6 milliards sont le résultat d’apports nets de fonds ­venant des marchés émergents et des activités locales en Allemagne.

Pourtant, les investisseurs ont été mécontents des résultats, à en juger par la chute de l’action (–5,9%) hier.

Premier facteur de déception: des profits en baisse, affectés par l’intégration. Le bénéfice net (calculé en fonction des normes IFRS) a perdu 30% à 188 millions. En outre, les marges ont souffert de l’acquisition, les actifs venant de Merrill Lynch étant moins rémunérateurs. La marge avant impôts a ainsi diminué de 27 à 25,5 points de base, avec une baisse plus marquée au second semestre, qui a inquiété certains analystes. Dès 2015 cependant, elle devrait remonter entre 30 et 35 points de base, a promis la banque.

«Malgré l’environnement macro­économique, les changements réglementaires et l’intégration en cours, la plus importante de notre histoire, nous avons pu améliorer la performance du groupe, s’est défendu Boris Collardi, le directeur général de la banque. Il ne faut pas regarder uniquement du point de vue comptable, sinon une entreprise n’investit plus jamais. C’est pourquoi investisseurs et analystes préfèrent regarder le bénéfice net ajusté.» De fait, cet indicateur – qui ne tient pas compte des coûts d’intégration et de restructuration – affiche une hausse de 19% à 480 millions. Même si les analystes sondés par Reuters attendaient 495 millions. Le responsable reste par ailleurs serein devant l’attitude de la bourse: «L’action a gagné plus de 30% en 2013, il est normal que certains investisseurs veuillent prendre leurs profits, quitte à revenir plus tard en voyant qu’il n’y a pas de meilleure alternative pour investir dans la gestion de fortune.»

Deuxième facteur de déception pour les marchés, l’acquisition des activités de Merrill Lynch apportera moins d’actifs qu’attendu. Julius Baer avait annoncé en août 2012 vouloir récupérer entre 57 et 72 milliards de l’entité américaine. «Nous serons dans la partie basse de la fourchette», a expliqué Boris Collardi, ajoutant que cela diminuerait d’autant le prix d’acquisition. La banque a expliqué ce résultat par les fluctuations des taux de change, les actifs de Merrill Lynch étant en dollars et Julius Baer doit les comptabiliser en francs. En outre, certains clients ont préféré déposer leurs avoirs ailleurs et certains ont été refusés par Julius Baer pour des raisons de conformité, notamment fiscale.

Enfin, souligne Tim Dawson, analyste chez Helvea dans une note, il reste une incertitude: «Le différend fiscal avec les Etats-Unis n’est pas terminé.» Sur ce point, Boris Collardi a dit espérer un accord cette année. Soupçonné d’avoir aidé des clients américains à échapper au fisc, Julius Baer fait partie des 14 banques suisses en négociations avec Washington. L’établissement a prévu une provision de 15 millions pour les frais juridiques, mais n’a rien mis de côté pour une éventuelle amende.

Evoquant 2014, Boris Collardi a parlé d’un début d’année «raisonnablement» bon. La banque passera à la phase de réduction des coûts suite à l’acquisition de Merrill Lynch. Cela passera par une suppression de 850 à 1000 emplois. Soit la moitié de la hausse des effectifs cette année. Quant aux soubresauts sur les marchés émergents dont la banque a fait l’une de ses priorités, Boris Collardi admet que la situation «peut empirer avant de s’améliorer». «Ces régions doivent compter avec une volatilité que les investisseurs avaient peut-être oubliée. Mais la croissance y reste structurellement supérieure.»

«Il ne faut pas regarder uniquement du point de vue comptable, sinon une entreprise n’investit plus jamais»